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18.11.2010 #lifestyle

Alexandre Cammas

Avant-gardiste, amical, aveyronnais, affamé, agitateur… Alexandre Cammas est tout cela à la fois, et bien plus encore. Tête pensante du Fooding, toujours en mouvement, c’est tout juste s’il prend le temps de savourer son succès. Pause.

10 ans, l’année du bilan ? Quel regard portes-tu sur l’évolution du Fooding ?

On a créé un espace de liberté d’expression pour les chefs, les restaurateurs, les journalistes passionnés de gastronomie, des graphistes. On a fait bouger les lignes du bon goût officiel. On a filé plein de pognon à Action contre La Faim. Fait découvrir aux médias un peu gras qu’une autre cuisine, une autre attitude devant la bouffe existait. On arrive à en vivre. Et en plus, maintenant, on voyage et on fait voyager les chefs avec nous, alors disons, que c’est un bilan pluriel, assez satisfaisant.

Hormis le « Fooding worldwide », quels sont les prochains défis que tu comptes te lancer ?

On n’a jamais fait de business plan. On fonctionne à l’envie, à l’idée. Donc, le prochain défi, c’est de continuer à se faire plaisir en faisant plaisir. Je ne crois pas à la générosité désintéressée. Bosser comme on bosse, de manière aussi perfectionniste, pour être en même temps à Milan, NY, Paris, dans les kiosques et sur la toile, ça ne peut se justifier que si on kiffe. Sinon, franchement, à quoi bon ?

Comment décide-t-on si un restaurant est fooding ou non ?

Il faut qu’on ait envie d’y retourner pour de bonnes raisons (ne serait-ce qu’une). C’est tout. Et ce qui déterminera cette envie sera toujours la sincérité, l’authenticité, la singularité de la démarche du chef. On ne milite pas pour un type de cuisine, mais pour une cuisine qu’un chef prend plaisir à faire. Pas pour de la bistrote de carte postale, mais pour quelque chose de vivant, pour une vraie histoire à vivre à plein sens. Pour une cuisine d’auteur, des bistrots d’auteur, etc.

Hors palmarès, quel est le dernier restaurant qui t’a fait vibrer ?

L’émotion de l’année, c’était chez Dan Barber NY state, à Bluehill at Stonebarns. J’ai également un petit faible pour L’Auberge, à Audierne, tellement jolie, gracieuse, gourmande et inattendue. Primée Fooding cette année.

Quels sont pour toi les trois chefs les plus emblématiques de la génération Fooding (sans fâcher personne !) ? Ceux de la nouvelle génération ?

L’éclaireur c’est Yves Camdeborde qui préexiste au Fooding, premier chef (il en fallait un) pour montrer qu’une autre voie était possible que la lactée bourrée d’étoiles. Parmi les chefs apparus depuis la naissance du Fooding, je dirais, même si c’est totalement injuste, Inaki Aizpitarte (Chateaubriand) et Adeline Grattard (Yamt’cha), car je les ai vus hier soir à notre fête anniversaire et qu’ils me sautent à l’esprit du coup.

Que penses-tu de l’engouement actuel des Français pour la gastronomie ?

Pour la gastronomie pas sûr, pour la cuisine, plus sûrement. Tant mieux. Dans notre monde, où le palpable est moins palpé que le virtuel, il est naturel que les gens s’intéressent à des choses plus matérielles et charnelles. Pour autant, la question demeure : est-ce que les gens qui regardent Masterchef à la télé, cuisinent vraiment plus chez eux ?

Topchef, Masterchef… Qu’est-ce que cela t’inspire ? (même si Sébastien Demorand était dedans)

Pas grand-chose. Je n’ai jamais regardé. On m’en dit tout et son contraire. J’ai bien ma petite idée sur la question (j’ai vu des bandes annonce) et, comme des gens très respectables ont accepté de s’investir dedans, je préfère ne pas regarder.

Culte du bio, « locavorisme », chasse aux sulfites, name-dropping de producteurs, etc. On ne va pas un peu trop loin ?

Il faut faire connaître les gens qui font du bon boulot. Donc, la réponse est non. Et puis, ça repose quand même de Paris Hilton, non ?

La gastronomie française vient tout juste d’entrer au patrimoine immatériel de l’Unesco. Est-ce une bonne chose, selon toi ?

Tout va dépendre de ce que l’on en fera. Si cela peut servir à valoriser les métiers de bouche, à faire une meilleure cuisine dans les cantines d’école, alors, c’est canon. Mais à l’heure qu’il est, ce n’est qu’un symbole en forme de hochet. A suivre, donc.

Paris est-elle la capitale de la gastronomie ?

Paris est la capitale du rapport qualité/créativité/prix. Le nombre de petites adresses où l’on peut se régaler et se laisser surprendre avec moins de 50 euros (30 euros suffisent souvent) en poche est bien plus important qu’à NY, Londres, Milan. Par contre, en termes « d’eatertainment », de nouveaux concepts, les Anglo-saxons, ou même les Belges sont bien plus imaginatifs. Et en termes de cuisine expérimentale, Paris semble prendre un malin plaisir à laisser les autres grandes villes du monde courir le risque de se faire exploser des éprouvettes à la tête…

Propos recueillis par Florence Valencourt

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