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23.11.2012 Paris IX #art

Baudouin

Vendredi midi, Saywho s’est introduit dans l’intérieur surréaliste et quelque peu « space age » de Baudouin, le photographe des « 75 Parisiennes ». Après 2 ans de pérégrinations dans la capitale, le collectionneur d’art a couché toutes ses oeuvres – ses modèles chargés de personnalité et d’humour – dans un bouquin et les partage en différents formats rive gauche (exposition à la Galerie Clémentine de la Ferronière jusqu’au 01/12 ndlr). Il a ouvert à Saywho son « home », sans réserve et sans chichis, Speedy Gonzalez veillant à ce que le « ki » de l’entretien circule bien. En sommant les conseils avisés du père d’un ami, l’acquisition de son objet technique actuel, son rêve mort-né d’immortaliser l’actrice Audrey Hepburn et sa rencontre avec un chien monochrome et sa maîtresse mondaine (Mareva Galanter ndlr), ça donne ça : un hurluberlu plein de fantaisie, amoureux de la couleur et de la mise en scène. Rencontre avec l’alien optique. 

Tu as débuté avec un Canon EOS 50 – acheté en 1997 et vendu deux ans plus tard. Tu roules aujourd’hui les mécaniques avec la Rolls-Royce des boîtiers argentiques, un Hasselblad 503 CWD. Tu te rappelles à qui tu l’as vendu ton premier joujou?

Celui-ci je l’ai revendu à la FNAC en fait. A l’époque il n’y avait pas Ebay, pas Leboncoin… Par contre je me rappelle avoir vendu mon tout premier numérique à un revendeur de vieux livres, passage Grévin.

Ce sont tes premières séries monochromes qui ont développé ton amour pour la photo. Martin Parr, Henri Cartier-Bresson et Eliott Erwitt t’auraient grandement influencé. The Kinks, Motown sound aussi. Depuis tes débuts, une quinzaine d’années et des poussières, quelle a été « ta rencontre », la plus enrichissante?

A 20 ans j’avais aucune culture photographique et j’ai découvert trois photographes qui m’ont vraiment influencé: HCB pour la composition, Parr pour la couleur et le regard social et Erwitt pour le second degré. Autrement j’ai rencontré en personne un photographe de l’agence VU, Gérard Rondeau. J’avais 20 ans à l’époque et lui, 50. Il avait de l’expérience, il bossait pour Le Monde, faisait des bouquins, des super expos, etc. Il était un peu « un grand maître » pour moi. Enfin… je n’étais pas non plus en extase devant lui, j’aimais bien son boulot… En fait c’était le père d’un pote. Il m’a vraiment « remis en place » en finesse – en me disant ce qui allait et n’allait pas dans mon travail, en m’encourageant sur ce que je savais faire et en me décourageant sur ce que je ne savais pas faire. Il avait une vision assez traditionnelle – à la Cartier-Bresson – toujours le même optique, pas de retouches, pas de recadrages… Il m’a aussi guidé dans la composition, et ça m’a bien fait avancer pour corriger les défauts de mes images. Ca fait du bien d’avoir quelqu’un qui a 15-20 ans de plus que toi, qui a de l’expérience et qui te recadre.  C’est pas le cas de tout le monde malheureusement [Rires].

L’actuel boîtier, c’est avec lui que tu as shooté les 75 Parisiennes?

Oui j’ai shooté avec un Hasselblad 503 CWD – optique photo carrée, grand angle (60mm). Avant de l’avoir, je me cherchais… Ca a été l’objet technique qui a lancé ma série, et qui a crée mon univers. 

Explique-nous tes conditions générales de travail. Tu abordes les gens dans la rue (ou tout autre espace public) ; 1 fois sur 3 tu reçois des retours positifs. Ensuite ça se passe comment? Tu vas les photographier chez eux, mais tu ne les connais pas. Aucun indice sur la déco, le mobilier, etc. Tu prends le thé avec le sujet photographié, pour parler le coup et le cerner un petit peu plus, avant de passer à l’action?

Pour la série des « 75 Parisiennes », j’ai eu pleins de contacts par MyLittleParis – dont la fameuse qui fait la couverture du bouquin. Autrement la plupart des Parisiennes photographiées je les ai rencontrées grâce à mon réseau – des amies d’ami(e)s… Approcher les gens personnellement dans la rue, je le fais de façon exceptionnelle. Une séance dure 2 à 3h en général. Donc j’ai le temps de rencontrer la personne, de discuter, de voir un peu si elle est ouverte d’esprit ou coincée… ses passions… Voilà j’enquête un peu, je prends mon temps. 

Donc ça se fait au feeling, aux connexions… Ca nous confirme ton penchant pour les shoots spontanés. 

Spontanés non mais improvisés chez les gens, oui.

C’est important le cadre de ton shoot? Il t’est déjà arrivé d’arriver chez quelqu’un et de te dire « qu’est-ce que je fous là »?

Oui c’est important. Quand j’en ai marre, quand je sens qu’il n’y a vraiment rien à exploiter, je prends mon temps et j’essaye de faire comprendre au modèle que ça ne va pas être possible. Quand c’est trop petit, qu’il n’y a pas de déco et que c’est un meublé… Ou si je découvre qu’en réalité je suis chez le copain ou chez la copine ultra-stylée, c’est NON. Je soupçonne une parisienne de m’avoir fait croire que c’était son appartement. Je l’ai quand même pris en photo car c’était un bon jour pour moi. J’étais de bon poil, j’étais sur un petit nuage avec la couv donc je n’ai rien dit… Et puis c’était vraiment 1 cas sur 300. 

Tu te rappelles de ton plus gros vent mondain, un VIP refusant catégoriquement de t’ouvrir son « home »? Ou tu peux te vanter de n’avoir essuyé aucun refus?

[Il réfléchit] Ah oui, Inès de la Fressange! Je l’avais contacté pour la série des Parisiennes et elle m’a répondu dans le quart d’heure qu’elle n’avait pas le temps… Elle m’a quand même souhaité une bonne soirée et bonne chance pour la poursuite de mon projet. C’était très poli mais très non à la fois [Rires].

Choisis un portrait de ta série « 75 Parisiennes » et raconte-nous son histoire.

Il y a une photo que j’aime beaucoup, celle d’Elodie – avec sa clope et son caddie. On est devenu amis. On s’est rencontré complètement par hasard… Je suis assez content du résultat. Je ne la connaissais pas au départ et je l’ai bien cernée. J’ai vraiment bien découvert sa personne par la suite et son intérieur, c’est tout à fait elle. 

C’est l’intime de ta parisienne préféré?

Graphiquement non. Je dirais plutôt celle d’Amélie Pichard (créatrice de chaussures ndlr). C’est la photo la plus surprenante au niveau de la composition. Dans son intérieur tu ne sais pas ce qui est vrai, ce qui est faux. C’est très mystérieux. T’as son mec en bas dans l’angle droit de la photo, son ancien chat peint accroché au mur, l’actuel qui pose derrière… T’as un foetus de chat dans un bocal posé sur une étagère du bahut, et puis le mannequin…

Nous avons cru comprendre que tu préférais les intérieurs aux studios. En ce qui concerne le sujet photographié, c’est plus facile/agréable de faire le portrait d’une personne « très importante » (ex: Diane Pernet, JC DC & Mareva Galanter, etc.)?

Je préfère faire le portrait d’une inconnue qu’une connue qui contrôle son image. Mais ça dépend après tout. Il y a des connues qui sont très cool et des inconnues casses-couilles…  Je me rappelle avoir croisé Mareva Galanter dans la rue sans la reconnaître à première vue. Je l’ai abordée pour son chien en fait (à l’époque, Baudouin était portraitiste de chiens ndlr). Elle ne m’a pas recontacté. Et quatre ans plus tard, je me retrouve nez à nez avec elle et son compagnon (Jean-Charles de Castelbajac ndlr) dans leur intérieur pour WAD Magazine. Elle n’avait aucun souvenir de moi… La blague quand j’y repense [Rires]. Elle était très froide au début, et très cool à la fin. 

Ta série est disponible jusqu’au 01/12 à la Galerie Clémentine de la Féronnière. Tu vises quoi pour la suite? Les « 75 Parisiens » ou les « 75 Costaricaines » ou…?

Pour le moment je réfléchis [Rires]. Le sujet sur les couples et les mecs serait facile… Après j’aimerais beaucoup partir sur un tout nouveau projet comme suivre des bûcherons au Canada. Je ne sais pas du tout si j’ai envie de poursuivre sur les portraits d’intérieurs… J’ai un style de photo, j’ai imposé une signature et je l’ai couché dans un livre. Je pourrais faire d’autres livres de portraits mais bon… A l’heure actuelle je réfléchis, c’est top secret [Rires]. 

Et c’est pour quand la « Queen Elisabeth II » (la figure que l’artiste rêverait d’immortaliser ndlr)?

[Rires]. J’aimerais beaucoup faire son portrait parce qu’elle est inaccessible et qu’elle ressemble beaucoup à ma grand-mère. Et puis c’est quand même un mythe anglais, un kitsh-chic qui m’attire beaucoup. 

Imaginons que tu réussisses à atteindre ce but ultime, ce serait qui ta prochaine cible – luxe et mondaine?

Paul McCartney, ça me ferait très plaisir [Rires]. 

Notre petit doigt nous a dit que tu étais « addict » au thé, au champagne et au « japanese sake ». Tes meilleures adresses à Paris pour une tasse de thé, une flûte de champagne et un guinomi de saké?

Toraya pour le thé, Issé pour le saké, et pour le champagne… chez moi! 

Propos recueillis par Alexandra S. Jupillat

Photographe: Valentin Le Cron 

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