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10.09.2010 #mode

Jean-Charles de Castelbajac

Semaine exceptionnelle pour notre créateur préféré : JCDC à Longchamp, Castelbajac à Saint Germain des Prés et Jean-Charles à la B.A.N.K. Rencontre avec un homme épanoui.

Quelle définition donneriez-vous à votre travail, vous qui plus que quiconque êtes un créateur pluridisciplinaire ?

Mon travail est sans limite, c’est passionnant. Grâce à cette époque où tout est décloisonné, j’ai l’impression, à trois fois vingt ans, que ce n’est que le début. Avant on m’aurait qualifié de « touche à tout » et c’était mal vu, aujourd’hui, on parle d’univers et c’est bien. Quant à moi, je dirais que je suis le scénographe de mes utopies.

Quels sont pour vous les trois moments clefs de votre carrière, et pourquoi ?

Mes débuts, à 17 ans. J’étais en rupture, partagé entre l’héritage de mes ancêtres, des valeurs de ma famille, et ma passion pour le rock’n’roll. Je suis parti à la conquête de Paris, fou de curiosité, n’hésitant pas à aller frapper aux portes, même celle d’Antonioni !Lorsque j’ai habillé le Pape en 1997. C’est presque cliché, mais c’était important pour moi, et j’ai eu une révélation. Lorsque j’ai vu le résultat, soit outre le Pape lui-même un million de JMJ vêtus de mes créations, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête d’être nietzschien et que je devais partager, envoyer des ondes positives. Je suis alors littéralement devenu pop.Maintenant. La naissance de JCDC, la ligne jeune, est l’aboutissement de ma réflexion. Aujourd’hui, c’est aussi ma seconde exposition en tant que plasticien.

Selon Mareva Galanter, votre compagne, vos créations sont des « actes manifestes ». Qu’entend-elle par là ?

Elle n’a pas tort. Porter un vêtement de moi engage à avoir une certaine confiance en soi. Que ce soient les femmes qui performent comme MIA, Beth Ditto et Lady Gaga ou les kids à la fête MTV, porter mes vêtements n’a rien d’anodin. Il faut assumer.

Qu’est-ce que le « low cost luxury » ? Vous lancez JCDC et la vente sur internet (le 20septembre) au moment où Karl Lagerfeld s’y met aussi et lance le « masstige » (mass market et prestige). Un point commun, un passage obligé ?

J’ai eu cette idée de low cost luxury au moment de l’exposition Gallierock. En voyant l’accueil exceptionnel qu’avaient mes créations auprès de la nouvelle génération, je me suis rendu compte du décalage entre mon univers ludique chic et le public. JCDC est donc toujours très quali, très conceptuel, mais à un prix accessible. Quant à cette nouvelle tendance, elle est logique. Ce n’est pas un nouvel acte marketing, mais un passage obligé. Avec tous les sites pointus qui existent aujourd’hui, on ne peut plus mentir. Il ne faut plus seulement être créatif, mais être aussi créatif en marketing. Karl est l’un des rares à avoir l’humilité d’être curieux et d’écouter le moment.

Vous ouvrez une nouvelle boutique rive gauche cette semaine. C’est l’embourgeoisement de l’enfant terrible ?

J’ai toujours été rive gauche, c’est un retour aux sources. Je suis heureux d’être à côté de ma copine Sonia, près de Sciences-Po, et les gens sont heureux de me retrouver là-bas.

Plus largement, que veulent dire rive droite et rive gauche pour vous ?

La rive gauche c’est important, c’est mai 68, mes livres, là où j’habite, Marguerite Duras et Françoise Sagan. Et j’aime ma rive droite, être entre la rue Sauval de Cyrano et la rue des Prouvaires de Molière. Tout près de la rue de l’Arbre Sec qui marmitonne en ce moment. J’aimerais bien ouvrir une nouvelle boutique rive droite, mais pour l’heure, mon next step c’est New York.

Paris est-elle une source d’inspiration pour vous ?

Je ne pourrais pas créer ailleurs, je n’ai jamais dessiné ailleurs, c’est ce qui m’a retenu d’aller à New York ou à Londres à une époque. A Paris, j’ai l’impression d’être un enfant unique, d’être le seul à faire tout ce que je fais. J’aime aussi la dimension mystérieuse, ectoplasmique de Paris.

Outre votre réinterprétation récente de la statue équestre d’Henri IV, qu’aimeriez-vous remixer à Paris ?

Je rêve de cristalliser la statue de Jeanne d’Arc, de la dépolitiser enfin. C’est un projet, et je vais toujours au bout de mes projets.

Quelle est la ligne directrice de votre exposition « The Tyranny of Beauty » à la B.A.N.K ?

L’idée est de parler de l’évolution de la beauté, de la tyrannie des codes à l’égard des femmes. J’ai fait un travail d’archéologie pop à partir du XVIIIème siècle, le climax de la sophistication, pour remettre en lumière et en perspective ces moments du passé avec le XXIème siècle. J’ai rencontré le plus grand chirurgien esthétique de Paris, fait appel à Charlie le Mindu pour les perruques, réalisé des tableaux et des tapisseries contemporaines à l’identique des techniques d’alors. De cette collusion/collision, naît selon moi une œuvre authentique.

Par ailleurs, la musique est indissociable de votre univers, et vous avez souvent prouvé votre côté ‘dénicheur de talents’. Quelles sont vos pépites du moment ?

The Chewlips, un petit groupe anglais qui fait de l’archéologie digitale . Casiotone for the painfully alone, un américain qui me fait penser à Bob Dylan. Bouleversant.

Quel est votre pari du moment ? Votre Paris en ce moment ?

Hier, Katy Perry m’a tweeté : « Kerry loves JCDC ». Je dirais donc ‘Katy Paris’ ! Sinon, pour moi, c’est un pari assez troublant que d’exposer pour la première fois à Paris…

Propos recueillis par Florence Valencourt.

Boutiques : JC de Castelbajac, 61 rue des Saints-Pères, 75006 / JCDC by JC de Castelbajac, 10 rue Vauvilliers, 75001

Exposition : Jean-Charles de Castelbajac, The Tyranny of Beauty Du 11 septembre au 23 octobre 2010. La B.A.N.K, 42 rue Volta, 75003

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