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09.09.2016 #design

Dimore Studio

Le passé réinventé

Cette combinaison oscillant entre héritage classique, jeux graphiques et prédominance de la couleur.

Emiliano Salci et Britt Moran forment Dimore, duo milanais qui fascine public et presse internationale par la fraîcheur de son univers, à la croisée d’un hommage aux grands classiques du design du 20e et d’une approche iconoclaste du mélange des couleurs et des matières. Le caractère hybride de leurs réalisations enchante autant les grands noms de la mode et du design que de l’art et de l’architecture. L’appartement privé réalisé pour la maison Fendi à Rome est déjà devenu culte. A Paris, en dehors de nombreuses résidences privées, ils ont collaboré avec Ramdane Touhami à la conception des boutiques Cire Trudon, et puis, ont signé la décoration intérieure et le patio de l’hôtel Saint Marc, une maison historique du 2e arrondissement qui a appartenu au Duc de Choiseul. Lors du dernier Festival D’Days, le Musée Delacroix les a invité à exposer leur première collection de mobilier. Une vraie rupture avec le classicisme de l’établissement. C’est dans ce contexte  parisien qu’Andrée Fraiderik-Vertino a conversé avec Britt et Emiliano, l’occasion aussi pour eux de rencontrer pour la première fois le public parisien. Retranscription de leurs échanges.

Comment s’est créé le duo Dimore ? Votre relation au mobilier existe depuis toujours, pour autant vous n’avez pas toujours oeuvré dans la décoration ou le design de mobilier ?

Nous disposons tous deux d’un patrimoine familial issu de l’industrie du meuble, mais avec des profils très particuliers. La comparaison s’arrête donc là. L’un de nous était directeur artistique, l’autre graphiste. Cela aurait pu être une contrainte, mais c’est sans doute ce qui donne ce résultat … Cette combinaison oscillant entre fort héritage classique, des jeux graphiques et une prédominance de la couleur. Nous nous sommes rencontrés à Shanghai au cours d’un projet hôtelier en 2003 et nous avons décidé d’associer nos activités respectives. Dimore n’est né que bien plus tard en 2013, d’abord avec des projets pour des petites entreprises et des institutions, mais aussi pour des particuliers. Au fur et à mesure de nos réalisations, l’adhésion de nos clients et du grand public nous a encouragé. Sans compter les liens d’amitiés qui se sont créés avec certains de nos clients privés.

Avez-vous conscience de votre niveau d’influence internationale aujourd’hui ?

Britt : A nos début, jamais nous ne nous sommes dits que nous voulions devenir influents ou être considérés comme innovants. Lorsque nous appréhendons un projet, nous nous concentrons sur l’idée, un style, une atmosphère à atteindre, la construction de notre univers. Aller au bureau, c’est comme entrer dans notre bulle. Et nous sommes nous-même surpris de l’effet et la façon dont est perçu notre travail ‘à l’extérieur’ de cette bulle !

Votre travail aurait-il eu cette résonance sans l’utilisation de la photographie ? Vos clichés sont appréciés pour leur niveau d’exigence. Comment appréhendez-vous ce medium ? 

Britt : Tout le monde n’a pas la chance de visiter les espaces que nous créons. Un moyen de montrer nos réalisations reste les réseaux sociaux ou les magazines. Il est important de pouvoir rendre compte de nos réalisations avec le plus d’exactitude possible. Pour la diffusion au public mais aussi pour nous. C’est pourquoi nous soignons le processus de création photographique. C’est essentiel.

Emiliano : Les photographes avec lesquels nous travaillons sont souvent des amis, c’est une famille. Certains d’entre eux comme Adam Wiseman sont proches de nous géographiquement ce qui facilite les choses. Ce qui nous intéresse, c’est de montrer un travail tel qu’il est rendu au client final et non le processus de création ou les étapes d’un chantier.

Comment décrire la démarche de Dimore ?

Emiliano: On s’inspire de l’art, de la mode et du design bien sûr, et puis des domaines avoisinants. Il y a effectivement la volonté de rompre avec les règles, les schémas pré-établis. J’ai personnellement grandi dans des règles strictes. Dans ma famille, le repas se prenait toujours dans la salle à manger, l’on ne dérogeait pas à la norme. La société a évolué. Dans la mode, un vêtement fait pour la journée est devenu acceptable en soirée. On peut porter ce qui ressemble à un pyjama pour sortir. Cela semble dérisoire, mais ces changements sont fondamentaux dans notre travail. En découlent des associations inattendues de matières comme le bois avec l’argent.

Vos réalisations ciblent un nombre limité de clients, une élite. Mais vous semblez toucher une audience plus large. Pourriez-vous rendre votre travail accessible au grand public ?

Britt : Au Salone del Mobile à Milan, nous sommes toujours surpris par la quantité de visiteurs qui passent à notre showroom et aiment nos réalisations. Lorsque nous avons commencé notre activité, nous visions une niche très précise. Mais même si un projet comme l’hôtel Casa Fayette  au Mexique peut paraître exclusif, il reste accessible via le label Design Hotels notamment. Et la seule contrainte qui empêcherait de s’y rendre serait sans doute la distance.

Un projet grand public pourrait être la lampe de table Peqpab pour le groupe Yoox ?

Emiliano : Oui tout à fait. Cette lampe accorde une forte importance aux matières avec ses marbres, l’emploi de l’acier et du laiton. Il s’agit donc d’une pièce grand public qui fait appel à des matières nobles.

Chez Dimore, on retrouve beaucoup de références classiques puisées parmi les grands maîtres du design du 20e siècle. Mais votre travail comporte beaucoup de nouveautés, dans les tons, les formes. Où se situerait l’innovation, le point de rupture entre vos réalisations et cet héritage ?

Emiliano : Premièrement, on adore puiser dans le passé, toutes ces mémoires et réminiscences de l’histoire sont profondément inspirantes. Et cela permet justement d’aller de l’avant et non de revenir en arrière. Ensuite, cela peut paraître déprimant, mais le bon design est derrière nous avec des noms comme Jean Royère, Franco Albini, Gio Ponti ou encore Jean Prouvé. Cependant, l’acte d’innovation se situe plutôt dans la décoration aujourd’hui, dans une logique de mélange, mixage entre les époques. Une belle demeure, c’est la rencontre du design mythique du 20e siècle avec des objets contemporains.

Retranscription échanges : David Herman

Photos : 

  – Hôtel Saint Marc : Philippe Servent

  – Exposition Mobilier Dimore au Musée Delacroix – D’Days 2016 : Chantapitch Wiwatchaikamol 

 

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