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25.07.2012

Sébastien Tellier

Sébastien Tellier

On est donc à la fois dans une période de merde et une période magique parce que justement, tout est à réinventer.

Plus poilu qu’un Michou, plus poilant qu’un Schtroumpf, Sébastien Tellier est l’homme en bleu de l’année 2012. Le temps d’une rencontre, il évoque avec nous son art, sa vision du métier mais aussi les exposés sur le camembert. Interview en roue libre…

Politique, sexualité et maintenant spiritualité avec « My God Is Blue », tu t’attaques quand même aux sujets qui fâchent au travers de tes albums ?

Pour moi, ce ne sont pas des sujets qui fâchent, ce sont juste des sujets qui me submergent. La politique, on est bien obligé d’y penser parce qu’on vit tous ensemble, vivre seul ça n’existe pas. La famille, thème de mon premier album, c’est pareil, s’il n’y a pas de famille, il n’y a pas de vie. La famille nous submerge. Tout comme la sexualité qui fait partie de la famille, de la politique, etc. C’est vivre ensemble, se reproduire, avoir envie de dire aux autres « il y a une suite, un futur ». Et la spiritualité, que je traite désormais, la foi, là encore, il ne peut y avoir de vie sans foi. Il y a des gens qui peuvent vivre sans avoir la foi, mais sans les gens qui eux ont la foi, ils n’existeraient pas. C’est donc ça mon moteur, les sujets qui me submergent. Bien que je sois le maitre de mon art, j’ai envie d’être l’esclave du monde, de ce qui se passe.

Et toi, en quoi as-tu foi ?

D’abord, j’ai foi en la musique. C’est quelque chose qui existe indépendamment des musiciens, toutes les harmonies existent déjà, de façon mathématique. Les musiciens ne font qu’en prendre les parties qui leurs sont agréables à l’oreille. J’ai également le Dieu catholique, qui est le Dieu de mon enfance, de mes parents, je ne peux pas m’en séparer. Et puis j’ai le Dieu Bleu donc, celui qui m’a donné beaucoup d’inspiration et qui m’a porté à faire ces chansons là.

Et la vie de gourou, ça se passe comment ?

Je n’ai pas réellement de vie de gourou, j’ai la vie d’un mec qui a inventé un trip gourou, mais je ne suis pas comme Raël, je déteste la manipulation. Le principe de l’Alliance Bleue, c’est de développer un système pour récolter des fonds afin de créer du rêve physique. Si on veut pouvoir offrir de grands spectacles avec autant de budget qu’une Madonna ou que U2, il faut de l’argent. Sauf qu’à l’époque, les mecs vendaient des millions de disques. Il faut donc trouver l’argent ailleurs pour continuer à faire rêver les gens avec du grand, du supérieur, du démesuré. C’est une démarche à la fois solitaire, introspective, mais aussi complètement adaptée au monde qui m’entoure, parce que le business tel qu’on le connaissait est mort, et j’en crée le futur.

Donc la finalité de ta démarche, c’est de transporter le public…

Bien sur. Moi je fais de la musique pour les enfants, les parents, les grands-parents… Ce que je fais peut être compris par tout le monde, seulement je crois que cela met longtemps à être compris. La société, c’est comme les cols de chemises. Les cols de chemises ça n’évolue pas. Ok, il y a le col italien, le col court, le col à l’anglaise, mais ça fait 40 ans qu’on fabrique les mêmes chemises. La musique c’est pareil. Les mecs sont bloqués sur des codes, ils savent que tel code marche, tel code va rapporter du blé, donc ils s’acharnent dessus sans essayer de penser aux codes de l’avenir. Voilà pourquoi la musique est en train de s’éteindre, c’est parce qu’elle a été prise en main par des gens qui n’ont pas de vision de l’avenir mais que des visions du passé. On est donc à la fois dans une période de merde et une période magique parce que justement, tout est à réinventer.

Tu es fraîchement rentré de Calvi on the Rocks et du Big Festival à Biarritz, comment abordes-tu la scène dans le cadre d’un festival ?

J’adore les concerts en solo parce que les gens viennent me voir spécifiquement, il y a une force qui se crée. Dans les festivals, tout le monde ne vient pas que pour toi, il faut donc réussir à conquérir les gens et ça c’est génial. Ça devient comme un exposé sur le camembert, quand on est enfant. « Le camembert est fabriqué dans telle ville, il macère pendant tant de temps, etc ». C’est ce que je fais sur scène, et quand ça prend, je suis vraiment content parce que je ne fais pas de la musique putassière. Ce que j’essaye de faire, c’est du René Char en musique, un vrai challenge. Faire du René Char de façon pop, les mecs ne le font pas. La chanson ce n’est pas que « elle m’a quitté, je suis malheureux », il y a quand même plein d’autres trucs à dire !

Il y a quand même des artistes ou groupes actuels qui te font dire « merde, ils sont bons les petits cons ! » ?

Evidemment, il y en a plein, il faut admirer d’autres pour pouvoir avancer soi-même. J’admire Mr Oizo, sa chanson « Vous êtes des animaux, vous allez tous crever », c’est de la haine et de l’amour, exactement ce que j’aime. Il y a Sebastian aussi, lui, c’est de la prod’ jouissive, mais à un tel point que ça écrase l’oreille. J’aime également beaucoup Julian Casablancas des Strokes. Tous ces mecs, c’est plus que de l’admiration, j’aimerai être comme eux, avoir leur talent. C’est en ça qu’on vit une bonne période, le fait de ne plus vendre de disques, ça ne veut pas dire qu’un mec qui vend 50 000 albums soit mieux qu’un mec qui en vend 10 000. C’est autre chose. Ce qui compte c’est qui a le plus de « views ». On en revient au fait que l’artiste qui gagne, c’est celui qui a le plus d’impact sur la société dans laquelle il vit.

La question paparazzi : on te voit où cet été ?

Je reprends du service en septembre pour ma tournée. Sinon, cet été, ça sera pique-nique en bateau, jambon fondant, champagne. Ce que j’adore c’est un Miami à l’Européenne. J’aime les lumières et les gens à Miami mais il n’y a pas de véritables fondations, même les bars sont en contre-plaqué. Quand tu t’amuses en Europe, et surtout en Italie, tu t’éclates de la même façon qu’à Miami, mais dans des immeubles en pierre, c’est solide autour de toi, tu vois ?

Propos recueillis par Alexandra Remise / Photographe: Jean Picon http://www.alliancebleue.com/home
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