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30.03.2011 #mode

Sophie de Boysson

Elégante, classique et excentrique à la fois, Sophie lance ces jours-ci sa première collection de maroquinerie. Une ligne à l’image de celle qu’elle s’est donnée : concilier tradition et modernité, avec un maître-mot : être unique sans chercher à l’être. Le vrai luxe d’aujourd’hui.

Pourquoi décider de lancer une ligne de sacs ? Qu’est-ce qui t’intéresse plus particulièrement dans cet accessoire ?

Après beaucoup d’apprentissages et de bonheurs chez Loewe et Margiela, je voulais donner une autre approche de mon travail, plus poussée… Apprendre toutes les étapes de construction du travail d’un artisan maroquinier. Je suis donc allée travailler dans l’atelier d’un compagnon maroquinier. C’est fascinant, on est hors temps, c’est bien au-delà de la mode. Chaque étape a son importance, et demande un savoir-faire et un geste très précis. C’est assez physique, en fait. Pour la coupe particulièrement. C’est tout le corps qui coupe, il faut se placer dans l’axe de la lame, avec une pression juste et verticale. La couture sellier est primordiale à mes yeux. Elle est garantie de solidité, résiste à toutes les tractions, comparée au travail industriel. Personnellement, j’utilise du fil de lin très solide que je lisse à la cire d’abeille. Les points sont croisés et noués grâce à deux aiguilles dans chaque trou pour que les coutures ne cassent pas. Tous ces petits détails font la signature de mon travail, mon exigence.

Vachette, agneau, croco… Quel animal à tes faveurs ? Quel est l’esprit de ta ligne ? Son nom ??

Je lance ma première collection, à mon nom. Sacs, pochettes, petite maroquinerie, ceintures…. L’idée est que chaque personne qui vient me voir puisse avoir une pièce qui lui corresponde. On choisit ensemble des peaux et des couleurs, personnalisées aux initiales du client. Je travaille en fonction des demandes de chacun. On peut répondre aux envies les plus classiques, comme les plus excentriques. Chaque pièce a un secret, connu de son seul propriétaire. Cela peut être une manière de tenir l’objet, de l’utiliser, une glissière, un miroir caché. J’aime l’idée d’un objet unique. Je crois que c’est Django Reinhardt qui à dit : «Je ne fais pas de la musique pour maintenant, mais du classique pour toujours» ! C’est exactement cela. Je suis tombée sur des pièces centenaires, réalisées par des artisans de l’époque, d’une finesse incroyable. C’est presque aussi fin que du papier et, pourtant, elles n’ont pas bougé. C’est très émouvant. Une qualité comme celle-ci n’existe quasiment plus, à cause du temps de réalisation qu’elle demande, de la minutie et du savoir-faire à mettre en œuvre. C’est cette émotion que je cherche à atteindre, en travaillant le plus consciencieusement possible.
Quant à la matière, « l’animal », j’aime beaucoup le veau, glacé en particulier – les fibres de la pleines fleur sont plus denses, cela fait toute sa solidité, le grain est régulier et très doux au toucher. Le veau a une souplesse propre aux jeunes bêtes. Sa peau n’est pas abîmée par la fourche ou les barbelés. Pour les sacs d’homme, le buffle est parfait, très grainé et souple à la fois. Par ailleurs, je double toutes mes pièces d’agneau tanné au chrome, extensible et délicat ou de chèvre, très résistant. J’adore le maroquin pratiquement disparu aujourd’hui, et très utilisé au début du siècle en reliure. Enfin, on travaille aussi les peaux exotiques : le crocodile, le galuchat, le lézard, l’autruche… Même le requin, dont j’aime beaucoup l’aspect chiné..

Te sens-tu toi même parisienne ou pas du tout ? Décris-la telle que tu la vois

Très parisienne, je suis né à Paris et y ai toujours vécu. En fait, plus je voyage plus je me sens parisienne. J’aime Paris, son calme, ses promenades, la nuit, la musique, ses personnages, ma librairie. L’odeur du cuir dans mon atelier. Paris est inspirant, c’est chez moi.
La Parisienne à mon sens est aussi bien romaine que new yorkaise. C’est plus une attitude, une qualité que l’on retrouve chez toutes les femmes qui la possèdent, de manière inattendue parfois, qui font d’elles des parisiennes.

Parle-nous de l’univers du 8 rue Sedaine…

A Paris, je viens tout juste d’aménager mon atelier dans l’ancienne maison de Kenzo. J’ai donc hérité de son esprit, de son atmosphère tout en bois, avec des jardins japonisants. Je me l’approprie progressivement… Mais, je partage mon temps entre Paris et mon autre atelier, dans les Alpes. Je retrouve là-bas ma petite équipe d’artisans, meilleurs ouvriers de France. L’atelier est aménagé dans une ancienne étable, dans un petit village. Quand il fait fait beau, on travaille dans la prairies !

Puisque, de Jean-Claude Kaufmann à Pierre Klein, tout le monde a l’air de s’intéresser en ce moment au contenu des sacs de fille, peux-tu me décrire ce qu’il y a dans le tien ?

Alors… Un porte-carte en crocodile que j’ai dessiné et realisé main pour les hommes… Sinon, j’emporte toujours avec moi mon rouge a lèvres et mon crayon noir pour me dessiner les yeux, un livre, un carnets de dessins dans lequel j’annote plein de choses : un tableau que j’ai aimé, une expo, un film, une place de concert, quelques mots…. Sans oublier de la musique et un appareil photo.

Propos recueillis par Florence Valencourt

Sophie de Boysson Maroquinerie et gainerie
8, rue Sedaine
75011 Paris.

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