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30.11.2010 #art

Thomas Erber

Journaliste rock, globe-trotter, esthète… Thomas est tout cela à la fois, mais plus encore, tant il ne supporte pas les étiquettes et arrive toujours à resurgir là où ceux qui ne le connaissent pas ne l’attendaient pas. Comme aujourd’hui. Comme toujours, comme un phénix.

Pourquoi réaliser un cabinet de curiosités en 2010 ?

Parce que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures recettes, non ? Mais surtout parce que ce concept séculaire en somme – les premiers remontent au XIème siècle – m’a toujours fasciné. Il mêlait l’art, la nature, le mystère, l’aventure et une certaine idée de la mise en scène et du secret. Alors je me suis dit, pourquoi ne pas l’adapter à mon époque et aux domaines qui me passionnent tels que la mode, la joaillerie, la haute horlogerie, le design, l’art, le voyage, la musique, l’érotisme… Tout en conservant les principes fondateurs. Aujourd’hui tout est trop visible. Et je trouve cela prodigieusement chiant. Pourquoi tout devrait être accessible ? Qui a dit que tout devait être facile, échangeable, jetable ? A travers cette idée que je vais développer un peu partout dans le monde, je crée aussi un nouvel espace de visibilité pour les créateurs, designers, marques que j’aime et qui ne sont pas nécessairement les plus connus. Et c’est d’ailleurs le plus important et ce dont je suis le plus fier.

Comment t’es venue l’idée de mixer les genres et de replacer cet art ancien dans le temple de l’avant-garde ?

Le faire chez Colette m’a paru totalement naturel. Nous avions déjà fait quelques trucs ensembles. Et, à ma connaissance, en France, personne n’est capable de rivaliser avec la vision que Sarah porte sur son époque. Bien peu d’autres dans le monde d’ailleurs. En effet, où acheter du Michael Bastian, du Kaws, ou du Darcel, ou plus récemment encore du Peter Flunch (vérifier les orthographes, merci) ou le livre d’images que Anton Corbijn a réalisé sur le tournage de son dernier film, décevant d’ailleurs, The American ? Concernant le mix des genres, idem, j’aime les créateurs qui ont un savoir-faire exceptionnel, et c’est ce trait commun qui les relie tous ici. L’indépendance aussi. La conjugaison des deux bizarrement ne semble pas intéresser beaucoup de journalistes… Comment as-tu choisi les 25 créateurs qui customisent, réalisent des pièces uniques pour l’exposition ? Quel était ton fil directeur ? Je les ai choisi en fonction des deux critères évoqués précédemment. Excellence et indépendance. Dans des domaines que je connais par cœur, car ma passion m’a conduit à les explorer depuis presque vingt ans, à titre personnel ou professionnel. Du coup, je pense avoir une expertise en la matière, bonne ou mauvaise peu importe, mais singulière sans aucun doute.

Quel est ta définition du luxe ?

Un homme ou une femme au service de son art et guidé par une vision. L’idée aussi de savoir associer l’utilité à la beauté en donnant une définition originale à cette équation. Après, on n’est plus dans le luxe, mais dans l’art ou la nature.

Quel est l’objet le plus précieux, dans le sens raffiné, que tu possèdes ? Quelle est son histoire ?

Aujourd’hui c’est sans doute une paire de lunette de la Maison Bonnet que je me suis achetée lorsque j’ai décidé de changer de mode de vie et qu’il a fallu que je travaille pas mal pour y parvenir, notamment en lisant et en écrivant. Ou bien encore la montre Memovox qui a été créée pour le cabinet de curiosité et dont Jaeger-Lecoultre a eu l’extrême délicatesse de m’offrir le prototype. C’est cool d’avoir contribué à la création de la première montre « noire » d’une si belle maison. J’en suis très fier en tout cas !

Te décrirais-tu comme un dandy, pourquoi ?

Je ne sais plus trop ce que cela veut dire « dandy », ou trop bien. Le problème de ces mots-là, c’est qu’aujourd’hui ils sont employés à tort et à travers. Dandy… Ca fait presque nom de parfum, non ? Le vrai dandy était en plus souvent une ordure finie, d’un égocentrisme démesuré. Donc, je me décrirais simplement comme un esprit libre. Je suis ce que je suis et vais où je veux.

Pour toi, le luxe et la fête ont toujours été intimement liés. Quels lieux à Paris trouvent grâce à tes yeux ?

C’est la question piège. Bien sûr, récemment il y a eu le Baron des trois premières années, le Mathis toujours… Mais, pour moi à Paris, il n’y a pas un seul endroit qui reflète ma définition idéale d’un lieu de fête ou de perdition nocturne. Ils sont soit trop petits, soit trop vulgaires. Et le service est trop souvent pathétique. Alors je sors par dépit, même si je le fais beaucoup moins depuis que j’ai arrêté de boire. C’est con parce que les types qui font la nuit à Paris, je les connais tous, et ils sont plutôt très cools. Je pense que ceux qui mettent l’argent le sont beaucoup moins. Ils ne pensent qu’à la rentabilité immédiate. Mais, un lieu de vie nocturne se conçoit comme un tableau, pas comme une publicité.

Quel serait ton casting idéal d’un dîner parisien (vivants et morts confondus)?

Ta question me fait penser à la dernière performance de Jeffrey Vallance… Alain Bashung, Christophe, Leslie Winner (qui n’habite pas si loin de Paris), Sean Penn (qui y vient souvent), Edouard Baer (que je ne connais pas mais qui de loin me plaît beaucoup), Phoebe Philo, et ma femme, Elina Kechicheva. Sans oublier quelques uns de mes meilleur(e)s ami(e)s, .

Toi qui as tout expérimenté ou presque, aux antipodes comme ici, quelle surprise nous réserves-tu pour bientôt ?

Eh bien, je vais essayer de me concentrer sur la réalisation de la deuxième édition de mon cabinet de curiosités qui aura lieu à Londres, au mois de décembre 2011. En essayant de faire au moins aussi bien… D’ici là, j’aurais sans doute expérimenté pour vous de nouveaux voyages improbables que vous pourrez vous offrir sur le site www.lesvoyagesdethomas.com que j’ai monté avec mon partenaire voyage.

Propos recueillis par Florence Valencourt.

Le Cabinet de Curiosités 2010 – curated by Thomas Erber. Exposition du 29 novembre au 31 décembre 2010

Chez Colette
213 rue Saint Honoré
75001 Paris

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