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25.11.2012 Paris II

Tristesse Contemporaine

Lundi dernier, Saywho s’est entretenu avec TRISTESSE CONTEMPORAINE, le groupe « d’anti-techniciens » qui erre entre différents champs musicaux et qui grandit en se contentant de peu. Avec leur nouvel EP « In the Wake/Daytime Nighttime », le trio aux notes métissées expérimentent un peu plus les eaux troubles d’une electro froide et mélancolique, nous offrant un genre hypnotique empli de sensations nouvelles. Les références sont certaines: The Wake, The Young Marbles Giants, The Velvet, Suicide… Des énergies trash et sombres à la fois. Un an et quelques mois plus tard, après leur « blackout » de juillet 2011, le mystère de leur absence éphémère reste entier. Que s’est-il passé? Le groupe était à l’époque en partance pour un concert à NYC et il a soudainement disparu lors de sa correspondance à l’aéroport d’Heathrow. Une semaine sans nouvelles, et sans souvenirs. Depuis sous surveillance médicale, le groupe a rencontré du monde, a laissé des pointures sacrées remixer leurs deux nouveaux morceaux et a réalisé des clips psychédéliques avec l’aide d’une amie… Rencontre à visage découvert, avant leur prochaine apparition à Moscou. 

Depuis votre amnésie éphémère et mystérieuse, vous avez parcouru du chemin. Vous avez rythmé les pas des mannequins de Karl Lagerfeld pour sa collection automne-hiver 2012/2013 (« I didn’t know ») et avez ouvert le concert de Jarvis Cocker (PULP) le 13 novembre dernier à L’Olympia (dans le cadre du festival les inRocKs ndlr). Vos impressions ?

Maik: C’était magique d’avoir notre nom « in light » à L’Olympia. Le live est passé très rapidement… 

Narumi: Ouais c’était magique. On avait déjà  eu l’occasion de rencontrer Jarvis une première fois. On avait fait la première partie de Discodeine et Jarvis avait chanté un morceau du groupe. On avait un peu discuté, c’était sympa.

Maik: Oui on avait parlé un tout petit peu mais… plus bourré [Rires]. Cette fois-ci c’était plus calme. 

Narumi: On était très honoré. 

Vous vous rappelez des circonstances exactes de votre première rencontre à tous les trois ? C’était à Tel Aviv ? « At day or at night » ?

M: Moi et Narumi à Tel Aviv. C’était pour préparer le live de Telepopmusik.

Leo: Et Narumi et moi à Paris. 

N: Aswefall (duo de pop électronique dont Leo fait partie ndlr) cherchait un claviettiste donc je les ai rejoint en live et on est devenu ami avec Leo… On est tous les trois devenu amis ensuite et on s’est réuni naturellement. 

C’est Leo qui serait tombé sur le bouquin de l’auteur belge Hippolyte Fierens Gevaert « Tristesse Contemporaine » (essai sur les grands courants moraux et intellectuels du XIXe siècle ndlr), en fouillant dans les archives d’un marchand de livres anciens. Comment justifiez-vous l’appropriation de ce groupe nominal pour votre groupe musical ?

L: J’ai trouvé ce bouquin et j’ai trouvé le titre accrocheur. Narumi et Maik ont bien accroché aussi. Auparavant, on avait essayé plusieurs noms – pendant trois semaines, un mois – et on n’avait pas senti que les noms précédant étaient assez bon… TRISTESSE CONTEMPORAINE c’est le dernier essai et c’est resté. 

Vu la composition ethnique du groupe (Narumi est japonaise, Léo est suédois et Maik est anglais, ndlr), JOIE CONTEMPORAINE serait peut-être plus adapté pour nommer votre trio, non ?

M/N/L: [Rires]

M: C’est pas aussi beau que TRISTESSE CONTEMPORAINE.

N: Mais pour nous « Tristesse » n’appelle pas à la tristesse pure, à la dépression. C’est plutôt une tristesse mélancolique, une beauté poétique… On est des gens joyeux [Elle sourit]. 

Nom français donc, pour un groupe métissé. Pourquoi ?

L: Comme on n’est pas français et qu’on habite ici, à Paris, on voulait un nom français pour manifester le fait qu’on habite en France.

Citons votre biographe : « La tristesse contemporaine sera celle des exilés ». C’est beau. En vrai, vous êtes tristes de vivre à Paris ? Vos contrées respectives vous manquent ?

M: Non on est pas tristes ! Pour moi, c’est un truc vraiment positif d’avoir deux pays. J’ai l’Angleterre et j’ai la France. 

N: La France c’est notre pays d’adoption.  Ca fait longtemps qu’on habite à Paris, plus de 10/15 ans et on se sent français quelque part. On est pas français mais entre les deux. Je me rappelle quand je vivais à Tokyo j’étais un peu jalouse des gens qui venaient de la campagne et qui habitaient la ville. Maintenant je suis contente j’ai deux endroits moi aussi, deux villes: Paris et Tokyo. 

L: Ouais, c’est une vrai richesse de vivre à l’étranger. Je ressens rarement le manque d’une ville ou d’un pays. Quand je retourne en Suède je suis excité par les choses que je peux faire dans mon pays et pas en France. Et inversement. Excité de rentrer pour retrouver les choses que l’on trouve nulle part ailleurs qu’en France… 

Vous aimez vous définir en tant que groupe de « back seat drivers ». Vous suivez qui ? Vous suivez quoi ?

M: Notre position signifie qu’on n’est pas les capitaines. 

L: C’est une expression qui signifie que c’est le mec qui ne conduit pas qui donne des ordres: « allez faut tourner à droite, à gauche, … pas trop vite… accélère ! etc. » C’est le mec qui dirige et qui embête le chauffeur au max. 

C’est qui le chauffeur de TRISTESSE CONTEMPORAINE alors?

M/N/L: Y’a pas de chauffeur! 

L: On a des avis sur tout. On est tous les trois assis sur la banquette arrière et on se donne des ordres: « plus fort, moins fort, etc. » [Rires].

N: En fait si, le chauffeur c’est TRISTESSE CONTEMPORAINE. On est tous les trois à lui crier dessus… 

Et vous avez rencontré qui sur la route vers votre premier EP « In the Wake/Daytime Nighttime » (sorti en Mars 2012 ndlr) ? Holy Strays & Vicarious Bliss pour les remixes et… ?

N: On a rencontré Vicarious Bliss en juillet dernier lors d’un concert au Point Ephémère. On s’est rencontré en backstage et il nous a confié qu’il aimait beaucoup ce qu’on faisait. 

L: Oui et comme on l’a trouvé super sympa et super drôle, je lui ai demandé s’il pouvait faire un remix pour nous et il était okay ! Holy Strays, c’est un ami qui nous l’a recommandé. Il fait partie du même label que Maria Minerva, une musicienne estonienne qui habite à Londres et qu’on adore tous les trois.  Et puis, comme on apprécie beaucoup son univers aussi, on s’est dit pourquoi pas…

N: Et on très très content du résultat ! 

L: Sinon on a rencontré dernièrement The Soft Moon. On a joué ensemble à Rennes. On n’a pas échangé les coordonnées mais on a passé une super soirée ensemble. Leur live était vraiment énorme. 

N: On connaissait déjà leur musique mais on ne les avait jamais vu en live, et c’était une grosse claque. C’était très intéressant de voir leur fonctionnement en live – le mélange, la rythmique – ça nous a beaucoup influencé.  

L: On a beaucoup de chance. Comme on joue beaucoup en ce moment, on rencontre pleins de gens différents. Le weekend dernier on a passé un super moment à Genève avec LuLuxpo (couple de DJs basé à Genève ndlr). Super couple, super look… On a fait deux concerts en Suisse et je ne connaissais presque rien des suisses. Je ne m’attendais pas à voir un public aussi classe. J’ai retrouvé un esprit plus punk que le français aussi… Donc chaque semaine on fait des rencontres précieuses et on se sent très privilégié… Notre passage à Berlin était vraiment sympa aussi, des super moments avec Capo, Capablanca…

N: C’est très inspirant de voir la vie nocturne d’autres pays.Et pour être honnête, on est un peu contre les collaborations avec des artistes populaires. On pense d’abord à la correspondance entre les univers, si l’adn d’un groupe correspond au nôtre… Mais au final l’inspiration et les bons moments priment sur les collaborations.

Maik, tu as réalisé les clips de vos deux derniers morceaux avec l’aide de Diane Sagnier (photographe/vidéaste française ndlr). Si tu as du mal à retirer ton masque d’âne triste sur scène, brise au moins le mystère de cette collaboration pour nous stp?

M: « Daytime/Nighttime », c’est une succession de moments (soirées, anniversaires,…) pris un peu partout dans le monde (Paris, Brooklyn, Moscou…) durant ces quinze dernières années. Des moments filmés après 4h du mat’ parce qu’avant il n’y a rien à filmer [Rires]. « In the Wake » c’est avec la nièce de ma copine. Elle joue sur un clavier d’ordinateur. On a filmé ça dans sa cuisine… Après j’ai contacté Diane pour le graphisme, le design. Elle est très douée. Souvent je l’appelais 5 minutes avant de la retrouver chez elle pour qu’elle me fasse un hérisson et elle me faisait ça sans problèmes… On s’est connu il y a quelques mois seulement via un producteur de films. Elle devait réaliser un clip pour nous, finalement ça ne s’est pas fait mais on a gardé contact…  

Avant de se quitter, vous êtes plutôt «daytime or nighttime in Paris»?

M/N/L: NIGHTTIME! 

Propos recueillis par Alexandra S. Jupillat

Photographe : Valentin Le Cron

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