11.09.2025 Hôtel de la Marine, Paris #design

Jeremy Pradier-Jeauneau

Du cinéma au design contemporain

« La création est comme le monstre de Frankenstein : un tout composé de morceaux distincts qu’on a cousu ensemble avec sa propre cohérence. »

En cette rentrée 2025, le designer Jeremy Pradier-Jeauneau investit l’Hôtel de la Marine, l’ancien Garde-Meuble de la Couronne, avec sa première exposition personnelle. Le créateur français investit trois étages de ce lieu au décor somptueux avec son installation intitulée “Le Labyrinthe”, une œuvre poétique offrant une expérience immersive exceptionnelle. Nous l’avons rencontré à l’occasion de l’inauguration de ce projet à la vision sensible et narrative.

Éditeur, antiquaire, galeriste et designer établi, vous avez pourtant débuté votre carrière dans le cinéma français. Comment en êtes-vous venu au design ?

Jeremy Pradier-Jeaneau :

Par hasard ! J’ai beaucoup étudié les Arts Décoratifs à l’université, et les ponts entre la sculpture contemporaine et le design au XXe siècle, mais c’est vraiment en ouvrant un stand aux Puces de Saint-Ouen il y a dix ans que tout a changé. J’avais fait le tour du cinéma, et j’ai eu l’opportunité d’explorer une nouvelle voie… et cela a été le début d’une sacrée aventure. Du design vintage à la création contemporaine, j’ai évolué doucement, mais sûrement. J’ai aussi fait confiance à des personnes qui voyaient mon potentiel, comme Cécile Coquelet de Monoprix, pour libérer une créativité qui ne demandait qu’à jaillir !

L’année dernière, après dix ans d’activité aux Puces de Saint-Ouen, vous inauguriez votre tout premier espace permanent à Paris, un endroit que vous définissez comme un laboratoire. Quelle était l’idée pour Pradier-Jeauneau ?

Jeremy Pradier-Jeaneau :

Pradier-Jeauneau fait partie de l’écosystème du Studio Jeremy Pradier-Jeauneau. C’est un espace d’exploration pour les artistes, les designers et les partenaires. Mais c’est d’abord un espace pour se meubler, une boutique où le client peut acheter un canapé, un tableau, une lampe en céramique et une paire de chauffeuses vintage, bref se meubler entièrement avec goût. La curation est pour moi un jeu de résonance entre les époques et les styles. Néanmoins, je ne définirais pas ma sélection d’éclectique. La galerie rue de Verneuil ou mon stand aux puces sont des espaces habités, vécus, dense comme la vie, mais agencés comme un film. On crée des atmosphères, et des histoires se cachent derrière chaque objet. Le plus beau est que la curation évolue sans cesse avec les ventes et les achats, une métamorphose perpétuelle.

Vous êtes bien familier avec l’environnement des foires internationales. Cette Paris Design Week marque cependant une première fois pour vous, puisque vous y présentez votre premier projet solo monumental. Comment le projet a-t-il vu le jour ?

Jeremy Pradier-Jeaneau :

La création est comme le monstre de Frankenstein : un tout composé de morceaux distincts qu’on a cousu ensemble avec sa propre cohérence. Le Labyrinthe à l’Hôtel de la Marine est né comme cela, petit à petit, par bouts. Néanmoins, il y a eu deux moments essentiels : le premier est la rencontre avec Pierre Gendrot de la Paris Design Week à qui je vais soumettre mon projet d’installation à l’Hôtel de la Marine, qu’il présentera à Bruno Cordeau et Astrid Lefevre de l’Hôtel de la Marine ; le second est la naissance de l’idée du labyrinthe, durant une visite à Versailles en août 2024. Je suis avec mon compagnon Marco, quand je lui parle du labyrinthe perdu de Louis XIV dans les bosquets… et l’idée s’impose !

Vous l’avez intitulé Labyrinthe, est-ce une référence au mythe de Dédale ?

Jeremy Pradier-Jeaneau :

Le Labyrinthe est une figure qui apparaît dans toute la création depuis deux millénaires et qui est nourrie de mythes, d’images, d’interprétations. C’est comme travailler avec Catherine Deneuve : elle est riche d’une cinématographie ! Donc travailler sur le labyrinthe, c’est aussi prendre en compte cette cinématographie, la contourner, la détourner, la nourrir, la célébrer. Je dirais aussi que la mythologie grecque m’a beaucoup apporté enfant. J’étais assez précoce et je lisais des choses très savantes sur Zeus, Thésée, etc. Et plusieurs années plus tard, mon imaginaire est toujours très stimulé par ces références !

Votre installation témoigne d’un mélange habile entre art, design, patrimoine et artisanat. Pensez-vous que cela représente le futur de la création aujourd’hui ?

Jeremy Pradier-Jeaneau :

Je pense que le futur de la création est la transversalité. Les moyens de transmission des savoirs et des identités sont ultra rapides, denses, interconnectés. Pourquoi ne pourrions-nous exploiter nos propres potentiels et nous limiter ? En concevant cette installation à l’Hôtel de la Marine, il m’a paru essentiel d’inviter des artisans, des artistes et de belles maisons. Le talent des autres est quelque chose de très inspirant ! Et toutes ces rencontres ont apporté un mélange inédit, surprenant, où chacun à une belle place pour briller, faire partie du collectif tout en racontant son individualité. Pareil pour moi en tant que créatif : je déborde souvent du cadre, et le design conduit à la mode, qui conduit à la musique, qui conduit au cinéma… Il faut simplement toujours suivre le fil d’Ariane pour ne pas se perdre et garder un ensemble cohérent et lisible.

Que peut-on attendre de Pradier-Jeauneau pour le PAD London d’octobre prochain ?

Jeremy Pradier-Jeaneau :

Pour ma deuxième participation au PAD London, je vais exposer mes artistes phares avec de nouvelles pièces, de nouveaux artistes aussi, et les pièces de la collection Jeremy Pradier-Jeauneau. Plus que jamais, continuer ce mélange que j’aime et qui me réussit !

 

Propos recueillis par Say Who

Photos : Cedric Canezza

 

 

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