Raphaël Rodriguez
Le secret de Megaforce
« Megaforce » avait une espèce de prétention et une forme d’auto-dérision qui nous collait bien
Si vous ne connaissez pas leur visage, vous avez forcément vu leurs clips. Raphaël Rodriguez, Charles Brisgand, Clément Gallet et Léo Berne du collectif Megaforce illustrent les morceaux des plus grands, à commencer par Madonna et Rihanna. Mais quel est leur secret ?
Quelle a été la genèse de Megaforce ?
J’ai rencontré Charles Brisgand après mon diplôme de design graphique. Il m’a présenté Clément Gallet et Léo Berne, qui travaillait alors dans une boîte de pub. À l’époque, le chanteur des Naïve New Beaters était commercial dans cette boîte, et il cherchait quelqu’un pour réaliser le clip du morceau «Live Good». On l’a fait tous les quatre, et il a très bien marché. C’est comme ça qu’on s’est fait démarcher par des boîtes de production, et qu’on a choisi d’intégrer Irène 75 car il y avait plein de clippeurs talentueux là-bas, Romain Gavras, So Me, Jonas et François…
Selon vous, quel a été votre contrat décisif ?
Ce n’est pas évident à dire, car chacun a apporté une pierre à l’édifice. Le clip de Madonna par exemple («Give me all your lovin’», ndlr), nous a donné de la popularité et il est très important, mais je ne suis pas certain qu’il nous représente le plus en terme de style. Je pense que c’est à partir du clip d’Is Tropical qu’on a vraiment commencé à bien marcher.
Que signifie Megaforce ? Un délire « Méga-lo » ?
Ça vient d’un film de 1982, un blockbuster qui s’appelait Megaforce, qui a coûté des millions, extrêmement prétentieux et extrêmement raté. On a trouvé ça drôle, et on trouvait aussi que le nom était facile à retenir. Celui-ci avait une espèce de prétention et une forme d’auto-dérision qui nous collait bien.
Certains d’entre vous sont très actifs sur les réseaux sociaux… C’est important dans votre métier ?
Je me pose souvent la question. Le métier de réalisateur, pour moi, ne doit pas forcément être accès sur la personnalité. Mais on vit dans une époque où la donne a un peu changée. Il y a toute une part de ce qu’on fait qui passe par l’image. On est obligés de s’exposer un minimum, sinon on rate forcément des trucs. Donc je pense que c’est important. Moins que dans d’autres métiers, mais c’est une plateforme pour montrer son travail, communiquer dessus… C’est normal d’y participer.
Surveillez-vous votre e-réputation?
Non. Je ne travaille pas sous mon nom, mais dans un collectif. Il faut faire attention à ne pas passer au dessus du groupe, c’est Megaforce d’abord !
Two Door Cinema Club, Naive New Beaters, Madonna, Rihanna… Vous êtes toujours où il faut, quand il le faut. Réseau, culot ou coup de pot ?
C’était les choix d’Irène 75, donc de Mourad Belkeddar qui est désormais chez Iconoclast et qui nous avait repérés. Il était en charge des clips et c’est vrai qu’on l’a suivi chez Irene 75 parce qu’il y avait des artistes qui nous semblaient différents et qui amenaient un vent de fraîcheur. Notre choix décisif a donc été de se retrouver dans cette boîte. Quand on a bougé chez Iconoclast, c’était dans cette même mouvance. En tant que réalisateurs, on a envie de suivre cette énergie.
Le clip que vous avez réalisé pour Rihanna (BBHMM) a suscité pas mal de controverse. Comment avez-vous géré ça ?
On avait déjà eu l’expérience des clips de Madonna, et d’Is Tropical, qui avaient suscité des attaques bien plus virulentes. On essaie bien sûr de désamorcer cela, les accusations de misogynie, ce genre de chose… À la base, l’embryon d’idée du scénario vient de Rihanna. Elle a été complètement impliquée dans le processus, et tout ce qui est dans le clip a été validé par elle. Donc on peut nous reprocher beaucoup de choses, mais il faut plutôt voir ça avec elle…
Qu’attendre de Megaforce pour les mois à venir ?
De la pub ! Et on attend un bon morceau pour re-bosser sur un clip (on est très pointilleux sur le choix artistique). On le répète tout le temps mais on a aussi très envie de faire de la fiction. On n’a pas vraiment de prérogative par rapport à ça. On est très intéressés par la narration, c’est une technique sur laquelle on travaille également.
Propos recueillis par Sabina Socol.