Yiqing Yin
Créature haute couture
Pour la haute couture, je m’inspire de choses hors de ce monde. Des figures de femme un peu plus éthérées, mystérieuses. Des créatures.
Inspirante et probablement unique en son genre, Yiqing Yin divise son temps entre la maison Léonard, dont elle est directrice de création, et ses propres lignes de prêt-à-porter et de Haute Couture. Saywho a rencontré cette créatrice aux origines multiples et aux sources d’inspiration hors du commun. Présentations.
Vous avez déjà rencontré Saywho au salon Vogue des jeunes créateurs il y a trois ans. Que s’est-il passé depuis ?
J’ai eu ma première collection en tant que membre invité du calendrier de la Couture. J’ai aussi reçu le prix des premières collections de l’andam, fait beaucoup de collaborations (avec Guerlain pour le parfum Shalimar par exemple). Cette année j’ai habillé un ballet, le duo de danseurs étoile Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio de l’Opéra de Paris pour une recréation de Tristan & Yseult à l’Opéra de Florence. Et j’ai repris la direction de la maison Léonard en janvier 2014.
Comment avez-vous appréhendé le fait de devenir directrice de création de Leonard, succédant ainsi à des créateurs talentueux mais loin de votre style tels que Maxime Simoens ? Etait-ce un challenge ?
C’est un patrimoine, un héritage, des codes très différents, centrés sur l’imprimé. A côté de ma collection celle de Léonard est très joyeuse, très colorée. C’est un challenge de répondre à un cahier des charges qui est à l’opposé de mes goûts personnels au départ. C’est une maison qui a des archives extraordinaires, qui a un énorme potentiel. Je me suis plongée dans les archives à partir des années 60/70 jusqu’à aujourd’hui et j’ai essayé d’adopter un regard plus frais sur les collections presse, en utilisant de nouvelles techniques et matériaux, tout en respectant les codes de Léonard. J’ai essayé de redéfinir ce qu’est la femme Léonard aujourd’hui en la rendant plus jeune et vivante.
Qu’est ce qui vous inspire dans vos collections de haute couture?
Jusqu’à présent, je me suis toujours inspirée d’éléments du merveilleux, c’est à dire des créatures, des contes, des mythologies… Des choses, en tout cas, qui avaient un certain potentiel de transformation et de métamorphose, un peu organiques, et qui représentaient pour moi un challenge visuel à retranscrire par différentes méthodes de fabrication. Et puis je me livre à une exploration de techniques diverses comme la broderie, la dentelle, la silicone …
Vous avez un rapport particulier à la dentelle…
J’ai souvent utilisé la dentelle parce que je trouve que c’est une matière qui a un historique, une vraie valeur émotive. Il y a une notion extrême de la sensualité qui va avec. A chaque fois que je l’ai utilisée, j’ai essayé de la transposer différemment, parfois de la détruire pour la recomposer de façon complètement organique, comme si c’était une mousse naturelle qui avait poussé sur la peau.
Votre double culture (franco-chinoise) tend à se refléter dans le style de vos vêtements. Qu’empruntez-vous à chaque pays?
Je suis née en Chine et je suis de nationalité franco-australienne. Ce que j’emprunte à mon héritage asiatique, c’est une certaine vision de l’équilibre et une attention au détail. Mes parents étaient antiquaires, donc j’ai grandi parmi des beaux objets anciens qui avaient une signification, une vie. Ce n’était pas juste de la beauté gratuite mais une beauté pleine de sens et je pense que ça a formé mon idéal de la beauté, de la féminité. Mais Paris reste la meilleure ville pour inscrire son histoire esthétique dans la mode, c’est un vivier d’inspirations.
Vous habillez des actrices (Audrey Tautou pour le festival de Cannes, Chloe Lambert…). Avez-vous une muse? Si oui qui est-elle ?
Oui, j’ai habillé Audrey Tautou pour Cannes, Clotilde Coureau pour plusieurs occasions, Juliette Binoche, Laura Smet, Natalia Vodianova dans la pub Shalimar… Quand je fais du prêt-à-porter, je le fais pour moi parce que je pense que c’est un rapport honnête à la création de me projeter dans mes vêtements. Pour la couture je suis vraiment inspirée de choses hors de ce monde. Des figures de femme un peu plus éthérées, mystérieuses. Des créatures. Je suis inspirée plus par un animal que par une femme.
Vos projets pour 2015 ?
J’ai toujours les collections de Léonard. En ce moment, je suis en train de travailler sur un projet créatif avec la maison Hermès : chaque année, ils montent un spectacle qui recoupe différents participants, musiciens, danseurs, chorégraphes, créateurs de lumière… C’est une espèce de plateforme expérimentale où on a carte blanche, juste pour la beauté du geste. C’est une des seules maisons à faire ce genre de chose et c’est merveilleux. Ça sera pour mars à Shanghai.
Propos recueillis par Sabina Socol.
www.yiqingyin.com