Les frères Campana
Enfants terribles du design-art, meilleurs ambassadeurs du renouveau brésilien, les frères Campana sont malheureusement trop rares à Paris. Hors de question donc, de les manquer chez Silvera ces jours-ci. Rencontre à Saint-Germain, sur un canapé de leur création.
Quels sont, selon vous, les trois moments clefs de votre parcours, et pourquoi ?
l’article de six pages que Marco Romanelli nous a consacré dans le magazine Domus, en 1989.Notre rencontre avec Massimo Morozzi (Edra) en 1998.L’exposition au MoMa, commissionnée par Paola Antonelli, la même année. Ce sont les trois moments qui nous ont lancé, notre genèse.
Comment définiriez-vous votre travail ?
C’est à la fois un portrait de notre environnement et de notre temps.
Quelles sont les sources de votre inspiration ?
Elles sont multiples. Au début, le Brésil surtout, puis quand nous nous sommes mis à voyager, nous nous sommes intéressé à toutes les parties « fragiles » de la société. Le mot-clef, c’est la fusion. Nous sommes nés à la campagne et vivons à Sao Paulo. Nous sommes nous-mêmes des enfants de cette fusion. C’est le plus important.
Quel est votre best-seller ?
Le siège «Ver-melha» – alors que nous pensions que ce serait juste un produit d’image…
Personnellement, quelle pièce vous tient particulièrement à cœur ?
Nous sommes très attachés aux cabanes. Elles montrent l’essentiel de la manufacture. Et puis, quand on était petits, on voulait être des Indiens d’Amazonie, alors cela nous rappelle nos rêves d’enfants.
Si vous n’aviez pas choisi le design, comment auriez-vous exprimé votre créativité ?
La création est une fusion de disciplines. Ce qui compte c’est de tout embrasser et d’apprendre de chaque chose. Il n’y a pas de cloisonnement, donc pas vraiment de choix.
Avez-vous un mentor, un ange gardien ? Si oui, qui ?
Massimo ! Il nous a trouvé à un stade « brutal » et nous a éduqué au design, comme on pourrait le faire avec des enfants.
Pensez-vous que, comme l’histoire de la poule et de l’œuf, la question de la forme et de la fonction est irrésoluble ou avez-vous réussi ?
C’est une question difficile. La forme et la fonction donnent sa maturité au process du design. L’une ne va pas sans l’autre. Elles sont aussi importantes l’une que l’autre. Nous, ce qui nous importe, c’est de participer à la vie des gens. C’est en cela que nous résolvons cette question tous les jours.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ? Quel est votre champ d’investigation ?
La récupération est notre champ d’investigation indépassable. Plus concrètement, nous travaillons sur un projet d’hôtel à Athènes, le café d’Orsay ici et une maison pour un collectionneur à Sao Paulo. Notre premier projet architectural !
Vous n’avez pas exposé souvent à Paris, pourquoi ?
Difficile à dire. Beaubourg a des pièces à nous dans sa collection permanente, mais on adorerait avoir une exposition là-bas, c’est sûr. Sinon, un projet spécial avec la galerie Kréo – que nous connaissons bien – nous plairait également beaucoup.
Quelle est la ligne directrice de votre exposition chez Silvera ?
Le matériau brut. C’est un champ que l’on explore depuis dix ans. Il nous aura fallu 30 ans pour revenir à la base… Le Brésil c’est ça, le matériau.
Que pensez-vous du design français actuel ? Vous en sentez-vous proches ?
Du bien ! C’est Starck qui nous a ouvert les yeux sur le design. Aujourd’hui, nous aimons beaucoup le travail des Bouroullec, de Matali Crasset, d’India Madhavi, ou encore de Mathieu Lehanneur.
Si vous deviez repenser une pièce de mobilier urbain parisien, laquelle serait-ce ? Que feriez-vous ?
Une fontaine, que l’on sculpterait en cristal Baccarat.
Avez-vous un luxe, un petit plaisir typiquement parisien ?
On aime beaucoup le restaurant Le Square Trousseau, vers Aligre. C’est Christophe Pillet qui nous y a emmenés. Sinon, impossible de passer à Paris sans aller à la Fnac pour acheter un CD de Charlotte Gainsbourg !
Propos recueillis par Florence Valencourt.
« Barbarians » par Edra, du 2 au 13 septembre. Chez Silvera,
47 rue de l’Université. 75007 Paris