Linda Tegg
« Adjacent Field » ou la nature urbaine
C’est la thématique de la coexistence de la nature avec l’homme qui m’intéresse
À l’occasion de la Design Week de Milan, l’artiste australienne Linda Tegg investissait le siège social de la maison Jil Sander à Milan. Avec Lucie et Luke Meier, directeurs artistiques de la marque, elle présente « Adjacent Field » une installation monumentale constituée de plantes et mousses prélevées en zone périurbaine de Milan. L’artiste a présenté l’année dernière « Grasslands Repair » pour le pavillon australien à la Biennale d’Architecture de Venise. Elle signe avec cette installation son retour en Italie, et nous a parlé à cette occasion de son projet, du fil conducteur de la nature et de son travail de recherches menées au cours des dernières années.
Comment est née l’idée de cette collaboration avec Luke et Lucie Meier, les designers de Jil Sander ?
Cela fait un moment déjà que je travaille sur ce projet autour du cycle de vie des plantes et de leur récupération pour les exposer en galerie. Mais pour cette installation même, tout est allé très vite. Le catalyseur a été la découverte de cet espace d’exposition au siège de Jil Sander à Milan – parfait pour ce projet. Nous avons parlé avec Lucie et Luke de l’idée, et je suis allée en repérage autour de Milan dans les anciens sites industriels pour identifier les communautés de plantes vivaces qui y vivent et poussent un peu partout en transformant ainsi ces espaces.
Le choix de votre propre installation sur le thème de la nature a-t-il été choisi pour faire écho au thème général de cette édition du Fuori Salone de Milan, “Human Spaces”, ou la nécessité de remettre l’homme et son environnement au cœur de l’architecture de demain ?
Je me suis davantage intéressée à la partie “non humaine” de “Human Spaces”. En effet, la question que je pose est la suivante : comment peut-on introduire les autres espèces dans notre espace de vie humain, plantes ou animaux ? Comment peuvent-ils cohabiter avec l’homme et dans les espaces que l’homme a construit pour lui ? C’est la thématique de la coexistence avec l’homme qui m’a intéressée.
Comment s’est passée la collaboration avec Jil Sander ?
Pour moi, c’est une nouvelle forme de collaboration qui démarre car l’installation va survivre à l’exposition de la Design Week. Les plantes vont devoir vivre et cohabiter à l’intérieur de l’espace du siège social de Jil Sander à Milan. C’est un renouveau, le début de quelque chose d’autre qui consistera à suivre l’acclimatation de ces plantes dans l’espace de travail.
Avez- vous été inspirée par les constructions (très médiatisée) d’immeubles « verts », qu’on appelle ici « Il Bosco verticale », de l’architecte italien Stefano Boeri ? Que pensez-vous de ce type de constructions et voyez-vous des parallèles avec votre travail ?
Je pense que c’est un geste magnifique de réimaginer comment vivre à nouveau à côté de la nature. Je vois de vraies similarités dans notre intention réciproque. Mon travail opère aussi dans des espaces de représentation comme les galeries, tout comme « Il Bosco verticale » de Milan qui offre aux passants ce spectacle d’habitations “vertes”.
Vous étiez curatrice du pavillon australien en 2018 à la Biennale d’Architecture à Venise, vous participez aujourd’hui à la Design Week de Milan. Avez-vous toujours été proche de l’Italie ?
Je voyage beaucoup pour mon travail et je suis venue plusieurs fois en Italie où j’ai aussi été impliquée dans des réflexions sur le design et la nature. Pour la Design Week, j’expose aussi en collaboration avec un bureau d’architectes italiens à la Triennale de Milan pour “Broken Nature”, Baracco+Wright Architects.
Que pensez-vous du public de la Design Week ?
Pour moi, c’est très motivant de rencontrer un nouveau public, il en ressort de nouvelles idées. J’aime évoluer dans de nouveaux domaines et de nouvelles disciplines qui apportent toujours d’autres opportunités.
Interview: Delphine Souquet
Portrait et photos: Andrea Marcantonio