ORLAN
« Striptease historique »
Toute ma vie j’ai essayé de voir jusqu’où on pouvait aller dans la mise à nu.
2021 sera l’année de la rétrospective pour ORLAN – toujours écrit en lettres capitales, parce qu’elle ne veut pas rentrer dans la ligne, dans les rangs. L’artiste, souvent réduite à ses performances chirurgicales réalisées dans les années 90, se prépare à publier son autobiographie. Dans “ORLAN Striptease: Tout sur ma vie, tout sur mon art”, l’artiste française se met à nu, un exercice dont elle tente de repousser les limites depuis ses premiers travaux dans les années 1960. Des “Body-Sculptures” – dont on retient la très symbolique “Tentative de sortir du cadre” et “ORLAN accouche d’elle m’aime” – jusqu’à son plus récent ORLANoïde, robot façonné à son image, ORLAN a fait de sa lutte contre l’inné le motif d’une œuvre autobiographique complexe et résolument féministe. Avec “ORLAN, Striptease historique”, La galerie Ceysson & Bénétière lui consacre jusqu’au 21 mars une nouvelle exposition dédiée à ces premiers travaux photographiques. Mais avant de parler de corps, la conversation commence par l’inattendu: son amour du slow…
Comment s’est passée l’année 2020 pour vous ? A-t-elle eu un impact particulier sur votre production artistique et vos projets ?
Étonnamment, son impact a été positif. En temps normal, je n’arrête pas de sauter d’un avion à un autre pour des conférences et des expositions. Puis tout à coup, le calme à l’atelier, et le temps de pouvoir faire ce que j’avais vraiment envie de faire. Lorsque j’ai exposé à la Sorbonne Artgallery en 2019, j’ai donné une conférence avec Donatien Grau. Il m’a alors dit: « maintenant, il faut que tu écrives ton autobiographie”. Quand tout à coup nous avons été confinés, je me suis demandée ce que j’allais faire de ce temps, et je me suis dit que Donatien avait raison : j’allais écrire mon autobiographie. Je me suis mise au boulot, jour et nuit, et en juillet je l’avais terminée dans les grandes lignes. J’ai fait venir Jean-Loup Champion (des Éditions Gallimard, ndlr.). Quatre jours plus tard, il me confiait qu’il avait commencé la lecture et qu’il n’avait pas pu s’arrêter. Il m’a proposé de me publier dès que je le souhaitais. Le deuxième confinement m’a servi à fignoler le manuscrit, dans un premier temps en Vendée chez mon ami Fabrice Hyber, puis certains souvenirs sont remontés à ma mémoire… J’ai notamment pu ajouter une page entière sur le slow, quelque chose de torride… J’essaie de faire une bonne action pour les jeunes générations : que ces gens-là qui ont raté le slow puissent enfin le danser. Après la distanciation physique, j’espère que je vais faire un tabac ! Je prépare aussi un projet musical, mais c’est encore top secret… Mon autobiographie est titrée “ORLAN Striptease: Tout sur ma vie, tout sur mon art” et paraîtra au mois de mai. “En mai, fais ce qu’il te plaît !”
Vous écrivez beaucoup, ce que l’on sait peut-être moins. L’écriture relève-t-elle de votre pratique artistique ou davantage du domaine de l’intime ? Faites-vous une distinction entre les deux ?
Oui, et c’est d’ailleurs un conflit avec moi-même. L’art qui m’intéresse est un art qui est élaboré, construit. Je n’ai jamais fait une œuvre plastique sans un très long travail de recherche, d’élaboration. Lorsque le concept est abouti, j’essaie de lui trouver la meilleure matérialité. Ça peut prendre des formes très différentes, et c’est pour ça que mon œuvre est très difficile à faire rentrer dans une catégorie – même si on la met parfois trop vite dans le tiroir “performance”. Il est vrai que j’ai fait des performances qui on provoqué de tels scandales médiatiques qu’il est difficile de sortir de ces filets-là. J’ai fait beaucoup de sculpture (en marbre de Carrare, en résine, en impression 3D…), des choses très diverses avec les biotechnologies, la culture de mes cellules, l’intelligence artificielle et la robotique – dernièrement avec mon robot, ORLANoïde. Ce qui m’importe, c’est de dire quelque chose par rapport à notre époque, d’interroger le statut du corps dans la société face à toutes les pressions culturelles, traditionnelles, politiques et religieuses qu’il subit – en particulier le corps des femmes. Le confinement m’a beaucoup embêtée par rapport à mon robot. Il venait juste de partir à Dublin auprès de grands développeurs d’intelligence artificielle qui devaient lui faire passer des étapes importantes. Il en a passé quelques-unes, mais le mieux aurait été que je sois sur place. Tant que la crise sanitaire ne sera pas résolue, je n’avancerai pas sur ce projet-là. Mais j’ai toujours plusieurs chantiers parallèles !
Gauche: Vue d’atelier, « Tentative de sortir du cadre avec masque », 1965
Droite: Vue d’atelier, Portrait N°1 fait par la machine-corps quatre jours après la 7e opération-chirurgicale-performance dite « Omnipresence », 1993
Justement, vous présentez en ce moment une nouvelle exposition chez Ceysson & Bénétière, titrée “ORLAN, Striptease historique”. L’exposition semble centrée sur vos premiers travaux. Pouvez-vous nous en parler ?
Le public perd souvent de vue les travaux antérieurs, puisqu’on vous demande toujours de présenter vos dernières œuvres – ou même d’en créer de nouvelles – pour les expositions, les foires et les biennales. Ceysson & Bénétière, avec qui je travaille depuis deux ans, a décidé de relire tout mon travail historique, et c’est vraiment formidable ! Ma première exposition chez eux était consacrée à mes travaux de peinture, titrée “ORLAN avant ORLAN”. On présente aujourd’hui cette nouvelle exposition, et ce qu’elle a de très pertinent, c’est qu’il s’agit d’œuvres qu’on ne peut pas partager sur Instagram ou Facebook parce qu’elles seraient immédiatement censurées. C’est une chose absolument abominable, et d’un ridicule incroyable.
Vous avez récemment été menacée d’être bannie par Instagram, qui considère que votre travail est en violation de leur politique.
Toutes les fois où je montre ces œuvres, elles sont censurées. Pour un ou une artiste qui s’intéresse à la représentation du corps, ne plus pouvoir montrer un sein ou de la nudité, c’est grave ! J’ai appris récemment que des groupes féministes avaient assigné Instagram en justice, et j’en suis très heureuse. Je leur ai tout de suite écrit pour leur dire combien je leur étais solidaire. Bien entendu, pour moi Dieu n’est ni une hypothèse de travail ni de vie, mais si on est croyant, on croit forcément que Dieu a fabriqué les êtres humains à son image et que ce sont des chefs-d’œuvre. Il faut donc montrer ces chefs-d’œuvre de Dieu, sous toutes les coutures et dans leur sexualité ! Ce qui est dingue, c’est que les hommes, eux, peuvent montrer leurs tétons. On ne les censure que lorsque l’on voit le sexe en érection. En revanche, les algorithmes n’ont pas appris à repérer une vulve sur un visage, alors j’en ai fait un masque !
Votre travail s’articule autour de la liberté, or on se rend compte qu’il y avait peut-être plus de libertés dans les années 1970 qu’aujourd’hui, notamment en matière de libération des corps et d’émancipation des femmes.
En tout cas, à cette époque on pouvait espérer que les libertés allaient s’ouvrir de plus en plus. Aujourd’hui tout est en train de se refermer. J’ai créé “La Liberté en écorchée” qui est un manifeste – comme le sont toutes mes œuvres. Cette écorchée est un autoportrait mais sans aucune image de moi, entièrement fabriqué par la machine 3D. J’ai voulu montrer un corps qui n’est pas de ceux que l’on voit sur les podiums de mode, un corps lourd, différent, mature, solide. Et surtout, lorsqu’on voit un corps qui n’a pas de peau, on n’en voit pas la couleur, ainsi le racisme ne peut pas s’inscrire. J’ai voulu que l‘œuvre se lise en deux temps : une allusion aux planches anatomiques, mais aussi une lecture “cyborg” de mon époque avec toutes ces prothèses que j’ai utilisées dans mes performances. Je lui fais prendre au ralenti la position de la Statue de la Liberté, parce que nous sommes en train de perdre nos libertés, que l’on soit artiste ou non. Pour un ou une artiste qui travaille sur la représentation du corps, ne plus pouvoir le représenter tel qu’il est, c’est une impossibilité de travailler et une censure totale. Toute ma vie, j’ai travaillé du soir au matin pour l’émancipation des femmes, pour l’égalité, pour la liberté des corps. Et tout à coup, tout se referme. Comme beaucoup d’artistes et de citoyen.nes, je me suis battue pour la contraception, pour le droit à l’avortement, et aujourd’hui tout est remis en question. À tout moment aujourd’hui, on peut subir un retour en arrière terrible.
Que pensez-vous de la place des femmes dans l’art aujourd’hui ?
La situation s’est quand même améliorée, mais pas assez. Finalement, c’est toujours pareil : on trouve très peu de femmes dans le grand marché ou dans les classements. On nous dit que beaucoup de femmes ont été mises en place dans les institutions et les zones de pouvoir du monde l’art, mais le problème c’est qu’il arrive que beaucoup de femmes empêchent d’autres femmes de passer. On nous a appris à nous détester et à être concurrentes. Comme je le dis dans mon autobiographie, être une femme c’est une calamité biologique et sociétale. Le mouvement #MeToo a fait beaucoup de bien. Mais en France, dès que le féminisme fait un pas, il y a toujours un retour de manivelle énorme. Il y a même eu ces cent signataires, des femmes, qui avaient pour but de faire taire les combats féministes, sans aucune compassion, sans aucune sororité avec les femmes qui commençaient à parler, et qui tout à coup étaient ridiculisées. C’est d’une violence sans nom pour moi.
Vue d’atelier: « Les Femmes qui pleurent sont en colère », 2019-2020
Votre féminisme fait partie intégrante de votre œuvre. L’a-t-il toujours été de manière consciente ?
Il s’est construit petit à petit, en observant et en faisant face aux expériences abominables que j’ai pu subir. Par exemple, j’ai créé “L’Origine de la guerre” qui est le pendant de “L’Origine du monde”, pour moi le tableau le plus abominable qu’on ait pu créer. C’est l’œuvre d’un serial killer sadique qui a quand même coupé la tête, les bras et les jambes à cette femme pour ne montrer que le lieu du sexe et de la reproduction. Je me suis dit qu’il fallait voir ce qui pourrait se passer si on la remplaçait par un homme, qu’on lui coupait aussi la tête, les bras et les jambes. Je l’ai appelé “L’Origine de la guerre”. Je sais bien que tous les hommes ne sont pas les mêmes, mais quand on voit autant de viols, de féminicides et de femmes battues, on se demande comment sont fabriqués les hommes ! Qui les fabrique de cette façon ? Que faire pour qu’ils soient fabriqués autrement ? J’ai parfois de grands moments de dépression, mais ça ne m’empêche pas de continuer à me battre.
Un des moments forts de votre carrière, c’est “Le Baiser de l’artiste” en 1977, que vous avez présenté à la Fiac clandestinement, alors que vous n’y étiez pas invitée.
Il faut que vous lisiez mon autobiographie ! Ce sont des amis qui m’ont fait rentrer, notamment le critique d’art Giovanni Joppolo qui faisait la revue “Opus” à l’époque. Je m’étais installée entre les colonnes puisqu’on ne voulait pas de moi à l’intérieur. Ainsi tous les gens qui rentraient et sortaient ne pouvaient pas me rater. Mes amis voulaient que je les rejoignent du côté des magazines. Ils ont été extraordinaires : ils ont pris “Le Baiser de l’artiste” – une pièce lourde et imposante ! – sur leurs épaules et ont fait une procession dans la Fiac, juste au moment où entraient les officiels. Même ceux qui m’avaient refoulée n’ont pas voulu faire un scandale devant les grands pontes et ministres qui étaient présents. Ils ont fait comme si c’était une performance programmée spécialement pour eux ! Malgré tout, “Le Baiser de l’artiste” a eu des conséquences terribles pour moi. J’ai été immédiatement renvoyée de l’école dans laquelle j’enseignais, via télégramme, ce qui était complètement illégal. On m’a écrit : “ton attitude de ces derniers jours est incompatible avec ton rôle de formateur. Tous tes cours sont suspendus. Nous aviserons pour ton compte”. Mes étudiants ont été fantastiques. Ils ont fait grève et ont composé des chansons à la gloire du “Baiser de l’artiste”, en demandant à ce que je sois réintégrée. Je me suis retrouvée à ne plus pouvoir payer les traites de mon atelier, et ça a été dramatique parce que j’ai perdu beaucoup d’œuvres et de négatifs. Mais la suite n’a été qu’une succession de happy ends. “Le Baiser de l’artiste” a été montré dans le monde entier et acheté par le Frac. Ce que j’ai savouré le plus, c’est que pour les trente ans de la Fiac, l’œuvre a été exposée à l’entrée, protégée par des vitres, et sur le mur un grand texte mentionnait qu’il s’agissait de l’œuvre ayant le plus marqué l’histoire de la Fiac. Comme quoi, il faut bien faire et laisser dire.
Quand on parle de votre travail, on mentionne beaucoup vos performances chirurgicales. Vous doutiez-vous à l’époque que ces performances auraient un tel impact ? Souvent même au détriment du reste de votre travail.
Autant, je ne l’aurais jamais cru. Toutes les œuvres que j’ai pu faire après ne pouvaient pas énerver autant, ou susciter autant la controverse.
Beaucoup de médias ont dit des choses fausses sur vous et sur ces performances…
On a dit que j’avais subi 114 opérations chirurgicales, que j’étais la plus grande masochiste de tous les temps, alors que la première condition avec ma chirurgienne était qu’il n’y ait pas de douleur. On a dit des choses absurdes. Dans la tête des gens, on utilise forcément la chirurgie pour se rendre plus belle. Moi, j’essayais de faire un geste opératoire qui n’avait jamais été fait auparavant et qui n’était pas censé apporter de la beauté. Nous y avons beaucoup réfléchi ensemble avec la chirurgienne avec laquelle j’ai travaillé aux États-Unis. Elle m’a proposé d’utiliser des implants pour les pommettes et de les placer ailleurs. Si l’on me décrit comme une femme qui a deux bosses sur les tempes, alors je suis un monstre indésirable. Aujourd’hui, ces bosses réputées monstrueuses sont devenues des organes de séduction comme d’autres. C’est ma décapotable !
Gauche: Vue d’atelier, « Self-hybridations africaines », 2002
Droite: Vue d’atelier, Self-hybridation Opéra de Pékin N°8, 2014
Comme vous le dites, vous luttez contre l’inné.
Exactement. La première idée de ces opérations chirurgicales était de lutter contre les stéréotypes. Je ne suis pas contre la chirurgie esthétique mais contre ce qu’on en fait. Ce que j’aime, c’est que ça devienne une invention de soi-même. J’ai voulu attaquer le masque de l’inné. On nous dit que Dieu nous a fait comme ça et qu’il ne faut pas y toucher, or je trouve ça abominable d’avoir un visage qui nous est donné par la nature et de ne rien pouvoir y changer. J’ai voulu scier les barreaux de la cage… En tant que femme, il est très mal vu de vouloir faire ce que l’on veut de son corps. On vous désigne l’endroit où vous devez être, à quoi vous devez ressembler, ce que vous devez penser. Les pas de côté ne sont pas très appréciés…
Vous travaillez sur l’hybridation, notamment par le biais des biotechnologies. Quel est pour vous le prochain stade de l’hybridation ?
J’ai travaillé avec mon microbiote, avec la génétique, j’ai cultivé mes cellules avec l’Institut Pasteur… On parlait de striptease tout à l’heure, et c’est un des thèmes de mon exposition, or pour moi le striptease est impossible. Nous les femmes sommes toujours recouvertes de fantasmes, d’a priori, de comparaisons, de choses dont on ne peut absolument pas se dévêtir : la mise à nu est impossible. Toute ma vie j’ai essayé de voir jusqu’où on pouvait aller dans cette mise à nu. J’ai créé une grande série intitulée “Tangible striptease en nanoséquences”, pour laquelle j’ai travaillé avec mes microbiotes. Pour “Striptease des cellules jusqu’à l’os”, on a créé un logiciel pouvant fabriquer mon crâne en impression 3D à partir de mes scans médicaux. Beaucoup d’artistes ont travaillé avec des crânes génériques, or ici il s’agit de mon crâne avec identité. Quand on le regarde, on voit une matière différente dans ma mâchoire. C’est qu’à un moment de ma vie, un ami chirurgien-dentiste et collectionneur m’a dit que j’avais besoin d’implants. Il m’a proposé de me greffer soit mes propres os soit des os de bœuf. Je lui ai répondu : “invitons l’autre, on ne va pas s’emmerder entre soi !” J’ai choisi le bœuf. Pour en revenir au striptease, je l’ai exploré jusqu’au point de faire un autoportrait représentant ce que mes yeux m’empêchent de voir : mon microbiote, mes acariens… Toutes ces choses qui me squattent et avec lesquelles je suis en symbiose…
Pour en revenir à votre ORLANoïde, on peut dire qu’il s’agit d’une extension de votre travail sur le corps, plus vraiment sur votre propre corps, mais dans une nouvelle matérialité. On y voit aussi un lien avec “ORLAN accouche d’elle-m’aime”. N’est-ce pas finalement la continuité de cette œuvre de vos débuts ?
Il y a beaucoup de choses que je pourrais vous dire… Vous avez toute la nuit ? Ce robot, c’est avant tout une sculpture, un autoportrait. Or on voit bien que le corps est une machine, et il intègre de l’intelligence artificielle. J’ai essayé de mélanger intelligence artificielle, intelligence collective et intelligence sociale. Il y a dans le robot un générateur de textes qui les produit de manière infinie d’après vingt-deux mille mots que j’ai enregistrés dans des mp3 séparés. C’est du sale boulot, mais il faut bien que quelqu’un le fasse ! Le robot a un générateur de mouvements, à l’inverse d’un automate qui répète toujours les mêmes. La technologie évolue sans arrêt, donc c’est une pièce en constant progrès. Vous savez, je ne suis ni technophile ni technophobe. Lorsque j’étais adolescente, je n’aurais jamais pu imaginer que j’aurais un jour un androïde dans la poche [elle montre son téléphone portable, ndlr.]. J’essaie toujours de me demander ce qu’il y aura d’inimaginable pour moi dans vingt ans. Tous les procès que l’on fait au transhumanisme sont liés à des peurs ancestrales, parce qu’en tant qu’être humain, on a la capacité de se réinventer, de créer de nouvelles technologies, de la même manière que certains animaux et insectes ont des capacités que nous ne possédons pas. Ainsi il ne s’agit pas de post-humain, mais d’un développement naturel de l’humain. Voilà ce en quoi je crois. Une société qui ne pourrait plus se réinventer, innover, c’est une société morte.
En l’occurrence le transhumanisme est basé sur le refus de la mort, et vous vous inscrivez complètement dans cette mouvance.
Je refuse la mort, j’ai d’ailleurs créé une pétition contre la mort sur mon site. Les gens ont peur de signer parce que ça va à l’encore de tout ce qu’on leur a appris. En terme d’espérance de vie, on a vraiment tiré la courte paille ! Vous vous rendez compte que des espèces de baleines vivent 320 ans et que les séquoias géants peuvent aller jusqu’à quatre mille ans ? J’aimerais bien être hybridée avec un séquoia géant, mais je ne voudrais pas avoir des racines. Je veux bien avoir des ressources mais pas des racines qui m’empêchent de bouger. Je vous assure que si j’avais 320 ans devant moi, je ferai autre chose que d’absorber du plancton… La mort, il n’y a rien de pire, la vieillesse aussi. Pourtant, on nous a forcé à l’accepter. Il faut faire une manif, quelque chose !
Faire de l’art, c’est rester immortel !
Si je ne peux pas frissonner de la beauté de la vie, ça ne m’intéresse pas. Si tous ensemble on dit non, on a peut-être une chance !
Interview: Maxime Der Nahabédian & Marie Cheynel
Portrait et vues d’atelier: Jean Picon