Jean-Marc Mansvelt

Cela regroupe les collections qui ont été fabriquées par nos ateliers principalement durant la décennie des années 70, jusqu’au milieu des années 80. René Morin, le directeur artistique de l’époque, particulièrement prolifique n’a pas qu’imaginé le « Lien » qui est toujours dans nos collections. Il a également laissé libre court à son imagination et demandé aux ateliers d’accompagner cet élan créatif.

Par des créations d’une liberté absolue, et qu’on ne reproduira sans doute pas aujourd’hui, dans aucune des maisons de la Place Vendôme. A l’époque, il n’y a pas vraiment de marketing. Le directeur artistique crée, l’atelier fabrique, et ensuite, on regarde si ça se vend. C’est vrai dans la mode, le design, l’automobile, l’horlogerie, la sculpture, la peinture… Le paradoxe de cette époque, c’est qu’elle a produit les plus grandes icônes qui aujourd’hui font les beaux jours de nombreuses enseignes, mais aussi, un océan de créations oubliées !

Il a déjà fallu remettre la main dessus. Certes nous avions de nombreuses archives et pièces au patrimoine, mais beaucoup d’autres étaient entre les mains de collectionneurs privés. Selon les cas, nous avons pu les acquérir ou nous les faire prêter. Ensuite, cette période chez Chaumet s’achève tristement par la faillite des frères Chaumet en 1987. Dès lors, elle était associée à cet échec financier. Et pendant longtemps, le sujet ne pouvait même pas être abordé.

Ça fait un peu plus de trois ans que nous travaillons sur ce sujet, avec une minutie de bénédictin. Notre patrimoine a effectué un travail exemplaire que je salue ici. La veuve de René Morin a également été d’une aide précieuse. Sa mémoire et ses collections personnelles recèlent quelques trésors. Ensuite, pour certaines pièces, on a flirté avec l’enquête. A titre d’exemple, quelques-unes de nos créations avaient été faites à partir de bloc de cristal façonné par la manufacture Baccarat, en Alsace. Ce n’est que dans leurs archives que l’on a pu retrouver ces pièces uniques. Sans compter sur cet ancien collaborateur, un certain Mr Schwartz, qui est venu me voir avec des valises entières de trésors inédits jalousement conservé et dont nous avions perdu la trace. Tout cela explique le temps nécessaire.

Tout ça sans 3D ! A la main levée, avec ce sens inné des proportions, la direction artistique et le chef d’atelier se lançaient dans des constructions ahurissantes. Aujourd’hui, vous trouverez dans nos collections quantité de pièces transformables. On est parfois tenté de penser que cela est récent. A tort, à l’époque déjà on imaginait des bijoux aux multiples portées, sur des parties du corps étonnantes. Je pense notamment à ce long gant qui remonte le long du bras intégralement ouvragé et ornementé, trouvant sa correspondance dans un pendant à l’oreille opposée!

Au 12 de la Place Vendôme, la porte cochère délimitait nos deux boutiques. Celle de gauche accueillait la joaillerie traditionnelle, comme tous nos confrères. En revanche, celles ce droite servait de lieux d’expérimentation. Et c’est dans cet écrin futuriste, que ces folles créations vont être accueillies. Mobilier, écrans, moquettes, mise en scène, l’Arcade avait 50 ans d’avance. C’est ce que nous avons voulu restituer dans cette exposition.