The Future of Statues
Une allégorie de la vie dansée par Marie Agnès Gillot et Charlotte Dauphin
Dans une nouvelle performance Charlotte Dauphin et Marie Agnès Gillot font interagir la danse, la sculpture et la vidéo. L’une, artiste pluri-disciplinaire, et l’autre, danseuse étoile, ont souhaité marier deux univers qui interagissent rarement. L’occasion nous a été donnée d’interviewer ces deux artistes dont les chemins se croisent régulièrement.
«La permanence, la pérennité de cet objet vient à la rencontre d’une performance qui elle est éphémère»
Si la danse est consubstantielle du mouvement, la sculpture elle, est souvent immobile. Que cherchiez vous dans ce télescopage ?
Marie Agnès Gillot :
Pour ma part, je vois tout en mouvement, y compris les sculptures. Lorsque j’y suis confrontée, je ne peux m’empêcher d’en imaginer une version animée.
Charlotte Dauphin :
Je vois moins un télescopage qu’une juxtaposition des arts. J’en veux pour preuve l’adjonction de vidéo, non seulement lors de la performance pour enrichir le propos, mais également à posteriori, lorsque la captation est montée pour en faire un film.
Dans « Barre » (2023), le premier opus, vous avez convoqué une colonne, dont le centre est fendu, sur toute sa longueur. Quel en est le symbole ?
Marie Agnès Gillot :
La fente est un élément récurrent du travail plastique de Charlotte, de ses cercles , qui comportent une ouverture. Tenter de s’y glisser pour moi, c’est vouloir pénétrer un interdit. Je cherche à m’immiscer, à faire entrer le mouvement dans un objet frappé d’immobilité.
Charlotte Dauphin :
Je trouvais intéressant que cette forme totémique et figée soit entourée par un corps en mouvement. La permanence, la pérennité de cet objet vient à la rencontre d’une performance qui elle est éphémère.
S’agissant de temporalité justement, on trouve ces notions dans vos deux travaux.
Marie Agnès Gillot :
Oui cela fait partie intrinsèque d’une performance qui est limitée dans le temps. En faisant dans « Barre », une succession de grands écarts dans le sens des aiguilles d’une montre, j’y fais allusion.
Charlotte Dauphin :
De la même façon, dans « Barre », les mouvements du soleil font évoluer l’ombre portée à la manière d’un cadran solaire dont on se servait pour découper le temps. Par ailleurs, au Musée de l’Orangerie, le temps était marqué par cette vidéo dans laquelle une rose perd ses pétales.
Marie Agnès Gillot :
La musique choisie au Musée de l’Orangerie, les saisons de Vivaldi, fait volontairement abstraction de l’hiver. On peut y voir une volonté d’y célébrer la vie.
Charlotte Dauphin :
La rose peut également faire allusion à celle de Ronsard, dans laquelle le poète évoque le temps qui passe.
Qu’évoquent ce tableau de Monet qui devient la toile de fond de votre travail au Musée de l’Orangerie ?
Marie Agnès Gillot :
C’est l’idée d’une odyssée, d’un voyage. Cela ouvre l’espace alors que nous sommes dans un espace clos. J’ai beaucoup travaillé avec Pina Bausch pour laquelle ces notions d’espace et de temps étaient centrales. Les plus connaisseurs auront d’ailleurs remarqué que je lui ai dédié quelques mouvements de mains et de bras.
Charlotte Dauphin :
Je rejoins Marie Agnès Gillot. Le temps que marque la musique, et l’espace que marques non seulement le tableau mais aussi la forme ovoïde de la salle m’ont inspiré.
Marie Agnès Gillot :
A propos de cet oval, lui et double dans l’autre salle m’ont tout de suite fait penser au signe mathématique de l’infini. Un genre de 8 de forme allongé si vous préférez.
Enfin, il est question de couleurs. Le rouge, le noir, mais aussi le blanc.
Marie Agnès Gillot :
Le rouge porte beaucoup de symbole. Dans Barre, je porte une robe rouge. On peut y voir le sang qui circule, un symbole de vie devant l’immobile qui symboliserait la mort. Je danse la vie devant la mort.
Charlotte Dauphin :
Le blanc et le noir sont aussi les symboles du bien et mal qui s’affronte continuellement dans nos vies. C’est une allégorie de nos existences.
THE FUTURE OF STATUES, une performance créée par Charlotte Dauphin en collaboration avec Marie-Agnès Gillot et produite par Dauphin Studio et Rosalie Miller Mann.
Cette performance unique a été présentée en première mondiale au Musée de l’Orangerie à Paris et sera présentée dans diverses institutions culturelles à travers le monde (dates à venir pour 2024 et 2025).
Interview par Nicolas Salomon et Cristina López Caballer
Photos : Paul Blind et Pénélope Caillet.