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07.09.2024 Maison & Objet #design

LIONEL JADOT

Designer de l’année au salon Maison&Objet Septembre 2024

Connu pour sa réutilisation audacieuse des matériaux, Lionel Jadot est le Designer de l’Année à Maison & Objet, du 5 au 9 septembre 2024.

 

Au salon de la décoration intérieure et de l’art de vivre, il présente une installation, « Radical Anthropocene Adhocsism », sur sa vision d’utiliser les matières recyclées pour créer un hôtel.

Dans ce pavillon, il montre son propre travail aux côtés de talents émergents avec lesquels il collabore. Né en 1969, Lionel Jadot est le fondateur des Ateliers Zaventum à Bruxelles, qui abrite plus de 20 studios de création. Il est également directeur artistique de la chaîne hôtelière Jam et de la société de coliving Cohabs.

 

« J’aime raconter une nouvelle histoire à chaque fois et attirer l’attention sur la traçabilité du projet.« 

 

Issu d’une famille de fabricants de chaises, vous avez commencé très jeune à créer des jouets avec les chutes de l’atelier de vos parents. Comment était votre enfance ?

LIONEL JADOT :

Ma famille fabrique des chaises sur mesure depuis six générations, donc c’est dans mon ADN depuis très, très longtemps. Je suis né à Bruxelles. Nous vivions au-dessus de l’immense atelier familial. C’était mon terrain de jeu le mercredi après-midi, après l’école, et le week-end. C’était comme une chasse au trésor où je trouvais un morceau de bois, un tissu ou une chute par terre que j’emportais dans ma chambre. J’ai commencé à fabriquer des jouets et de gigantesques châteaux avec des tours et des tunnels avec ma sœur à partir de caisses vides de l’atelier. Cela a marqué le début de mon histoire d’utilisation des déchets et de leur donner une seconde vie. À l’âge de 18 ans, j’étais censé aller étudier le design à Florence, mais ma mère est décédée, mon père voulait arrêter l’entreprise et la famille a explosé. J’ai alors dit à mon père que je resterais et travaillerais avec lui. Nous avons collaboré avec de nombreux designers d’intérieur prestigieux et internationaux qui commandaient des pièces sur mesure et qui furent mes mentors. Dix ans plus tard, j’ai fondé mon agence d’architecture d’intérieur car les gens me demandaient des projets de plus en plus grands. C’était il y a 20 ans. J’ai commencé à réaliser des projets privés haut de gamme dans lesquels j’ai immédiatement intégré la philosophie de réutilisation des matériaux pour raconter une autre histoire, en travaillant avec des artisans et d’autres créatifs.

 

En 2019, vous créez Zaventum Ateliers dans une ancienne friche industrielle à Bruxelles. Quel était votre objectif ?

LIONEL JADOT :

L’idée était de lancer un hub créatif orienté vers le « collectible design ». Il y a 32 studios, 25 designers, avec des profils assez atypiques, très différents. J’ai ma propre agence sur place et lorsque nous avons un projet d’hôtel, nous invitons les designers à collaborer avec nous, laissant des espaces vides pour leurs propositions. Nous mettons le plan sur la table et leur demandons de choisir ce qu’ils veulent faire, comme fabriquer des chaises ou des lustres. J’accepte 99 % de leurs propositions. Chaque studio facture directement au client. Nous contactons également des designers locaux qui vivent dans un rayon de 50 kilomètres autour du projet. Nous fournissons au client une proposition unique, durable et écologique, car tout est produit localement. Si le client décide de fermer l’hôtel dans 20 ans, le mobilier peut être vendu dans un catalogue d’enchères, car tous ces designers deviennent de plus en plus connus, certains deviennent des stars. C’est un investissement qui prend de la valeur avec le temps.

 

Vous êtes le directeur artistique de la chaîne hôtelière Jam, présente à Bruxelles et à Lisbonne et qui ouvrira à Gand l’année prochaine. Quelles autres destinations sont en cours ?

LIONEL JADOT :

On va démarrer le nouveau Jam hôtel à Rome dans trois ou quatre mois. On est train de chercher des designers locaux avec lesquels on a envie de collaborer. J’aime raconter une nouvelle histoire à chaque fois et attirer l’attention sur la traçabilité du projet. L’idée est de créer avec mes clients une chaîne éclectique et rationnelle qui soit nouvelle pour les yeux des visiteurs et qui diffère du courant international du design d’intérieur, en ajoutant cette narration pour réaliser une véritable économie durable.

 

Comment votre philosophie de production locale s’intègre-t-elle dans Maison & Objet qui présente des marques et des produits du monde entier ?

LIONEL JADOT :

Lorsque Maison & Objet m’a invité et m’a nommé Designer de l’Année, j’ai été très honoré. Je me suis dit que même si ce n’est pas un endroit où je ferais du shopping pour ma maison, c’est l’occasion de montrer mon approche, des talents émergents et confirmés, comment construire un hôtel à grande échelle différemment en utilisant des matériaux recyclables, et de partager cela avec les gens. Parmi les trente artistes présentés ici, dix viennent des Ateliers Zaventum.

 

Pouvez-vous nous parler de certains designers qui ont collaboré avec vous sur votre pavillon à Maison & Objet ?

LIONEL JADOT :

Grond Studio travaille avec de la terre brute provenant de chantiers de construction pour créer des colonnes. Xavier Servas est un plasticien qui réalise des luminaires à partir de boyaux de cochons – de grandes sculptures gonflables, avec un petit moteur intégré, qui se dégonflent lorsque vous les éteignez. Ce sont des objets très poétiques qui transforment la matière animale en quelque chose d’autre. Il y a Precious Peels de Loumi Le Floc’h qui récupère des peaux d’aubergine dans des restaurants libanais, les découpe et les retravaille de manière étonnante [pour réaliser des pièces d’éclairage inspirées des vitraux], Bel Albatros qui utilise des sacs recyclés pour des meubles et des revêtements muraux, et Mathilde Wittock qui réalise des surfaces murales, des têtes de lit et des panneaux acoustiques à partir de racines de plantes qu’elle fait sécher.

 

Vous faites également des pièces en édition limitée qui sont représentées par la galerie Objects With Narratives à Bruxelles.

LIONEL JADOT :

Je produis des pièces à Zaventum avec des chutes d’objets antiques brisés que je recompose. J’ai toute en ligne de mobilier faite en asphalte ramassé dans la rue. En voiture, mon oeil scrute toujours ce qu’il y a au bord de la route pour voir s’il y a quelque chose d’intéressant. J’essaie de créer quelque chose de différent en transformant les déchets en art ; mon travail est vraiment du « functional art », je provoque des collisions entre des matériaux qui n’ont rien à voir les uns avec les autres et j’essaie de faire advenir une nouvelle poésie. Dans mon studio, j’ai tous ces matériaux – pierres, tissus, bois – dans différents tiroirs et je commence par sortir des éléments, les mettre sur la table et faire des puzzles. Ensuite, je trouve quelque chose qui me donne une autre idée et je commence à faire un autre puzzle ; je travaille sur cinq ou six pièces simultanément, ça me permet d’être très libre. Ma façon d’opérer est fortement liée à l’écriture automatique, une technique que les surréalistes utilisaient beaucoup. C’est instinctif ; je ne réfléchis pas. Je ne fais jamais de croquis, ni ne sais ce que je vais faire.

Vous êtes également associé et directeur du design chez Cohabs, une entreprise qui possède des espaces de coliving à Bruxelles, Madrid, Luxembourg, Londres, Milan et New York.

LIONEL JADOT :

J’ai créé Cohabs avec trois associés il y a cinq ans. On achète des biens très abîmés, qu’on rénove de manière assez intelligente en gardant le maximum de matériaux intérieurs pour les réintégrer. On fait des espaces de vie partagée où on peut vivre à 15 ou 30 personnes avec des grandes cuisines, un salon commun, une salle de gym. On les aménage avec de la seconde main et on collabore avec des artistes locaux pour faire des interventions. À la base du projet, on s’est dit qu’il y avait une vraie demande. J’ai des enfants qui sont assez grands qui étudient à l’étranger et j’ai vu la difficulté pour ma fille de trouver un appartement à Paris. Quand vous arrivez dans une de nos maisons, vous avez tout de suite 15 ou 20 amis, ravis de vous rencontrer pour faire partie de votre petite famille locale.

 

Comment organisez-vous votre temps ?

LIONEL JADOT :

C’est chaotique ! J’ai la chance d’avoir un esprit à plusieurs canaux et je n’ai aucun problème à travailler sur plusieurs projets en même temps. C’est mon mode de vie, un flow m’anime. Je dois être paresseux, parce que je ne planifie rien ; j’aime bien le chaos et ce brouillard permanent où de nombreuses choses se passent. Quand quelqu’un me pose des questions sur mes différents projets, mes choix sont très rapides, en mode ping-pong.

 

https://www.maison-objet.com/paris/le-magazine/talents/lionel-jadot-designer-of-the-year-hospitalite

Interview par Anna Samson

Photos : ©Anne-Emmanuelle Thion (courtesy Maison & Objet)

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