La Biennale de Venise 2022 : rêves et possibilités infinies
Après un coup d’arrêt dû à la pandémie, l’immense machine de la Biennale est de nouveau sur les rails. L’Exposition Internationale d’Art a donné en Avril son coup d’envoi. Cecilia Alemani, commissaire de cette 59e édition, a choisi de la baptiser « The Milk of Dreams », en hommage à l’œuvre de l’artiste surréaliste Leonora Carrington. L’exposition éponyme fait appel à des créatures fantastiques et autres figures de la transformation, qui sont comme les compagnons d’un voyage imaginaire à travers la métamorphose des corps et des conceptions de l’être humain.
Un voyage qui s’éloigne du passé et se tourne vers l’avenir, pour explorer l’humain. En ligne de mire, les nouvelles formes de coexistence, l’injustice sociale, la notion de diversité et les minorités. C’est aussi le lieu d’une réflexion sur le rôle des femmes et la relation entre les corps, la nature et les machines. La Biennale rêve un avenir post-humain et post-genre, et son succès témoigne de possibilités infinies. Aux Giardini et à l’Arsenale, on peut respirer un air de nouveauté et de changement.
Cette année, le Lion d’or de la meilleure participation à l’exposition a été attribué à l’artiste américaine Simone Leigh avec « Sovereignty », pour le pavillon des États-Unis. Ses œuvres sculpturales à grande échelle combinent des formes dérivées de l’architecture vernaculaire et du corps féminin, mis en forme par le biais de matériaux et processus associés aux traditions artistiques de l’Afrique et de sa diaspora. « Sovereignty » enchevêtre des récits disparates Les rituels de la population Baga en Guinée y côtoient la culture matérielle des premiers Noirs américains du district d’Edgefield en Caroline du Sud et l’exposition coloniale de Paris de 1931. En proposant une série de nouveaux bronzes et céramiques à l’extérieur et à l’intérieur du Pavillon, Leigh fait appel à son imagination pour combler les lacunes de l’Histoire, en proposant de nouvelles hybridités.
Le ministre italien de la Culture, Dario Franceschini, a décerné le Lion d’or du meilleur pavillon à la Grande-Bretagne (« Feeling Her Way »). C’est Sonia Boyce, OBE RA, artiste britannique afro-caribéenne, qui a accepté le prix : « Je ne suis pas seule à porter la voix des femmes. Je remercie les femmes qui ont commencé à travailler sur ces projets au milieu du vingtième siècle ». Quant à la mention spéciale pour la participation nationale, elle a été attribuée au Pavillon français, où Zineb Sedira a présenté une exposition multidisciplinaire intitulée « Les rêves n’ont pas de titre » : une installation immersive mêlant film, sculpture, photographie, son et collage.
Malgré la forte affluence et l’intérêt des médias internationaux, le Pavillon italien, confié à la seule charge de l’artiste Gian Maria Tosatti, n’a pas reçu de prix. Son travail, ancré dans la réalité de son temps, mérite cependant toute notre attention. « Storia della Notte e Destino delle Comete » (« Histoire de la nuit et destin des comètes ») Aux alentours de Venise, la Biennale a trouvé de nombreuses résonances.
Installée dans les Procuratie Vecchie de la Piazza San Marco, l’exposition « Louise Nevelson, Persistence », marquait le soixantième anniversaire de la participation de l’artiste à la Biennale d’art de 1962. Autre incontournable écho à la Biennale, l’« open end » de Marlene Dumas, au Palazzo Grassi. Cette exposition personnelle se penche sur les thèmes fondateurs de la recherche artistique de la peintre. Son leitmotiv : « La peinture est la marque du toucher humain, c’est la surface de la peau. (…) Pas une carte postale ». Enfin, impossible de faire l’impasse sur « Burn shine fly » d’Ugo Rondinone. Pour mimer le mouvement de la danse, sept corps camouflés dans un ciel nuageux ont été suspendus au plafond de la Scuola Grande de San Giovanni Evangelista.
Et comme toujours, les nuits vénitiennes s’enflamment au rythme des dîners spectaculaires, des cocktails et des soirées d’inaugurations, à découvrir ici…
Photos : Ludovica Acero et Michaël Huard