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16.10.2024 MODERNE ART FAIR #art

Esther Denis

Esther Denis et Levita présente l’installation « L’étant » à Moderne Art Fair

Chaque année, Moderne Art Fair, qui se tient du 17 au 20 octobre sur les Champs-Élysées, propose une collaboration à un artiste. Il s’agit ici d’Esther Denis, artiste plasticienne et scénographe qui vit et travaille à Bruxelles. Réinterprétant son installation L’étant, elle s’est associée avec Levita, qui utilise de la neuro-esthétique pour créer des expériences interactives et émotionnelles… en un mot, de la magie !

« L’enjeu est que le spectateur n’arrive pas à bien identifier d’où viennent les différentes sources de lumière et de le plonger dans un petit spectacle. »

Comment est né ce projet présenté sur la foire et mené en collaboration avec Levita ?

Esther Denis :

Levita a été cofondée par Clément Kertenne qui est magicien depuis 15 ans. Ils sont spécialisés dans la lévitation automatisée et souhaitaient poursuivre la magie des spectacles. Donc ils ont commencé à se développer dans les rues, les magasins, mais aussi des lieux d’expositions et ont notamment collaboré en 2022 avec le Studio Drift pour un projet Louis Vuitton. Récemment, ils m’ont contactée afin de pouvoir réaliser une œuvre à 4 mains et que la lévitation soit associée à ma pièce L’étant. Mais nous nous connaissions déjà par le milieu artistique bruxellois, car nos deux univers mélangent le réel et l’irréel.

D’ailleurs, vous avez étudié le spectacle vivant et la mise en scène…

Esther Denis :

Oui, j’ai étudié la scénographie à l’Ecole de La Cambre, en Belgique, puis à L’Ecole des Arts Décoratifs de Paris et, jusqu’à maintenant, j’oscille entre les arts vivants et les arts visuels. J’ai une pratique de plasticienne qui se déploie soit sur les scènes de théâtre, soit dans des galeries, musées ou centres d’art. Je fais notamment partie en ce moment de l’exposition collective du Centre Wallonie-Bruxelles, Territoires hétérotopiques.

 

Pouvez-vous nous décrire la pièce présentée sur Moderne Art Fair qui fait, chaque année, une collaboration avec un artiste ?

Esther Denis :

Cette installation se nomme L’étant et s’articule autour d’un bassin d’eau noire assez naturaliste. Elle est, en partie, dictée par une phrase de Jean Cocteau qui dit : « Quand on s’approche de l’irréel, il est nécessaire d’être réaliste ». J’ai développé cette idée d’être à la fois dans la représentation d’un espace concret, tel qu’un étang avec sa flore et sa faune, tout en y ajoutant des touches magiques – c’est-là où nous nous sommes rencontrés avec Levita – et peu de trouble… Car la vidéo-projection interfère avec des miroirs qui créent tout un jeu de reflet et évoquent le mythe du paradis ou de Narcisse, permettant différentes interprétations.

D’autant plus que vous l’aviez aussi présentée en 2021 à la Grande Halle de la Villette…

Esther Denis :

Oui, j’ai déjà eu l’occasion de montrer L’étant six fois et je m’adapte à chaque espace, souvent en changeant la dimension de la pièce. Mais ici, la gageure était de la mettre en lévitation et en mouvement, ce qui auparavant était juste lié à la vidéoprotection, au reflet et à un système de gouttes à gouttes. Cette année, le miroir est vraiment au cœur de l’installation et crée ce dispositif optique puisqu’on projette de la lumière et de la vidéo sur un espace normalement fixe et inerte. Cette projection accentue les effets de vibration et de reflets, donc de trouble et de magie… L’enjeu est que le spectateur n’arrive pas à bien identifier d’où viennent les différentes sources de lumière et de le plonger dans un petit spectacle.

« La notion du rêve est aussi très présente et on peut également voir dans cette installation une certaine notion d’absurde, à l’exemple des souvenirs que l’on a d’un songe… »

Vous avez cité Narcisse et votre travail porte beaucoup sur les mythes. Quelles sont vos affinités en histoire de l’art ?

Esther Denis :

Le thème principal est ici la question du double et je suis partie d’un texte de Clément Rosset qui s’appelle Impressions fugitives. L’ombre, le reflet, l’écho. Il y parle de ces doubles du réel qui sont à la fois témoins de ce qui est tangible, comme le reflet ou l’écho, tout en étant déjà dans le domaine de l’illusion. Le philosophe est reparti de ces imaginaires, comme le vampire qui n’a pas d’ombre… les objets qui tombent sans faire de bruit… pour parler d’étrangeté. Comme je voulais évoquer le paradis et ce qui est réel ou ne l’est pas, cela m’intéressait de traduire ces thèmes par le biais du double et du trouble.

 

Sur votre site, vous présentez un poème de Victor Hugo. Traduit-il un goût particulier pour la période romantique ou symbolique ?

Esther Denis :

Je nourris, en effet, un rapport assez fort au romantisme, notamment dans ces vidéos projetées dans l’installation, qui font référence aux nombreuses nymphes de l’art pictural du 19ème siècle. Les danseuses que j’ai mises en scène rejouent les positions de la peinture ancienne, notamment mythologique, en accentuant ce rapport entre réel et irréel, mais aussi période ancienne ou contemporaine, travaillant ces imaginaires qui traversent le temps de l’histoire de l’art. La notion du rêve est aussi très présente et on peut également voir dans cette installation une certaine notion d’absurde, à l’exemple des souvenirs que l’on a d’un songe…

 

L’étant fait-il aussi un peu notre psychanalyse ?….

Esther Denis :

Le titre de la pièce est déjà un jeu de mot en soi… et fait référence à ce concept d’être en introspection face à l’installation. Quand j’ai débuté ces recherches sur le paradis, j’ai demandé aux gens comment ils imaginaient la vie après la mort et de me décrire une forme d’espace idéal. Personne ne m’a décrit d’espace collectif, mais à l’inverse des lieux où chacun est seul, sans aucun autre protagoniste… Je trouvais intéressant de ne se projeter que dans la solitude. Donc le lien avec Narcisse, ce rapport à soi et à sa propre conscience s’est imposé.

Propos recueillis par Marie Maertens

Photos: Matthieu Aubagnac

 

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