Guillaume Excoffier
Drôle de dandy design… 3D pour décrire un jeune hors du commun et du temps qui nous fait pénétrer un univers qu’on veut faire nôtre dès qu’on franchit le seuil de sa boutique et qu’il fait partager sa passion.
A moins de 30 ans, c’est rare d’avoir déjà sa propre boutique design. Peux-tu revenir sur ton parcours et sur ce qui t’a poussé à ouvrir Guillaume ?
J’ai commencé par travailler chez Emmanuel Perrotin pendant un an quand j’avais 21 ans, c’était très riche en enseignement, j’ai adoré le rythme très speed, les foires, le côté fou du monde des collectionneurs… J’ai quitté parce que je ne me voyais pas rester assistant de galerie, c’est vraiment vivre totalement dans l’ombre du galeriste. Je ne me voyais pas non plus monter ma propre galerie à 21 ans… J’étais très jeune et puis c’est très dur d’avoir de bons artistes…Et je voulais reprendre mes études aussi (j’ai fait une école de commerce). Après ça, j’ai pas mal habité à l’étranger: à Londres, à Milan, à Sao Paulo… En rentrant à Paris, j’ai travaillé sur le lancement d’un site de décoration pour Lagardère (Dekio), donc j’étais toute la journée sur des blogs de décoration, en train de regarder des magazines français et étrangers, et je me suis rendu compte qu’il y avait vraiment un manque à Paris. Il y avait tellement de choses qui me plaisaient dans des magazines étrangers (Domino, et AD Espagnol surtout), et je me disais qu’on ne les trouvait pas à Paris. En design pur, tu as des super boutiques à Paris (Silvera, Le Bon Marché…) mais ce n’est pas pour tout le monde. La plupart des gens ont envie d’un décor qui ait plus de charme, qui mélange de l’ancien et du contemporain. J’avais plein de copains qui voulaient sortir de l’appart étudiant tout en IKEA ou en recup’ mais ne savaient pas trop quoi acheter, et n’avaient pas le temps de chiner. Or, côté ancien, à Paris, il y a ces antiquaires fabuleux dans le 6ème ou le 7ème, mais à des prix totalement inaccessibles… Et puis tu as les puces à Clignancourt où ce n’est pas donné. Perso, j’adore mais je pense que c’est un mode de retail qui a vieilli. Donc, on revient à Paris, et à l’exception de quelques boutiques géniales (Caravane, Merci…), il n’y a pas grand chose : surtout des boutiques de marques (Cassina, B&B Italia, Ligne Roset), qui proposent un style unique. Or, ce qui fait tant envie dans les magazines de déco, c’est le mélange, l’éclectisme, mais on ne sait comment le réaliser quand on n’a pas beaucoup de temps.
Quel est le concept de Guillaume?
Le concept c’est donc ça, l’éclectisme. C’est un univers très inspiré des magazines de décoration. L’idée de GUILLAUME c’est de proposer un univers de décorateur à des prix très variés. Comme je garde des prix raisonnables, ça tourne beaucoup, donc on peut venir souvent, parfois juste pour un petit cadeau, pour un anniversaire ou pour Noël. Le concept de Guillaume, c’est aussi l’idée d’introduire progressivement des marques qui ne sont pas encore distribuées à Paris, et pour ça je voyage pas mal. D’ailleurs je vais à Beyrouth début octobre pour préparer un événement autour de la création libanaise au printemps.
Pourquoi avoir choisi la rue Saint Anastase ?
C’est surtout le quartier que j’ai choisi. C’est un quartier que j’adore, qui a connu un fort renouveau depuis dix ans. Il a beaucoup de charme et les gens sont ceux que je voyais comme mes clients: des couples dans la trentaine, des hétéros, ou des gays, qui ont un intérêt fort pour la création, qui aiment recevoir leurs amis dans un endroit qui leur ressemble. Pour moi, la cliente c’était une fille qui s’habille dans un mélange de Vanessa Bruno, Isabel Marant, Céline, de vintage, et qui ne trouve pas en déco la boutique qui lui ressemble.
Quelles sont les pièces phares de la boutique ?
Le gros succès dès l’ouverture : les tapis Madeline Weinrib. C’est une star aux Etats-Unis et je suis le premier à les avoir à Paris. Je suis allé la voir à New York et elle a accepté. Ce sont des tapis à motifs souvent géométriques et bicolores, assez colorés, qui donnent un vrai look à n’importe quelle pièce.
Maison & Objet vient juste de s’achever et la Paris Design Week est à son apogée. Peux-tu analyser pour nous quelles sont les dernières tendances que tu observes sur le marché ?
C’est très difficile de tirer des tendances de Maison&Objet, il y a vraiment à boire et à manger, mais c’est ça qui est drôle, en un sens. Moi ce que je vois, c’est qu’on sort de la déco très sévère Scandinave/Lin beige ou chocolat, on sort du bon goût trop facile… Les gens osent plus la couleur, voire même le pastel. D’ailleurs j’adorerais faire un appartement un peu dragée ou beige saumon, un peu comme le restaurant où vont Richard Gere et Lauren Hutton dans American Gigolo.
Selon toi, quel est le design à collectionner aujourd’hui ?
Si tu veux collectionner, il faut acheter ce qui n’est pas encore revenu à la mode. Le 50’s, c’est déjà super cher, ça me semble improbable de trouver des belles pièces à bon prix. Mais dans les pièces des années 70 ou 80, il y a encore plein de choses accessibles: j’ai d’ailleurs acheté des chaises dessinées en 1980 par Garouste & Bonetti pour le Privilège, le restaurant du Palace. J’en suis fou ! Et il y a plein de designers qu’on n’a pas encore redécouvert : je cherche d’ailleurs à acheter des créations de Christian Badin, qui travaillait pour David Hicks dans les années 1980. Pour le design contemporain, il faut laisser aller son coeur et ne pas avoir peur des pièces étranges. Il y a plein de galeries de design qui font des choses fabuleuses (Kreo, Carpenters, Tools…), des pièces pas forcément évidentes, mais qui rendent fabuleusement dans un décor plus classique.
Quelle pièce rêverais-tu d’acquérir personnellement ?
Plein de choses! Je vais te citer deux pièces : une table ou une applique « Ossobuco » de Vincent Darré qui est un copain. C’est très fou, très drôle, ça réveille n’importe quel appartement. Et un cabinet de la collection Wrongwoods de chez Established & Sons. C’est une sorte de sérigraphie de bois repeinte et tapissée sur des meubles. C’est très cartoonesque mais en même temps, la qualité est très belle. J’en suis dingue.
Propos recueillis par Florence Valencourt
Guillaume
3, rue Saint Anastase
75003 PARIS.
Ouvert du mardi au dimanche.