Raphaël Navot
L’art et les matières: trois questions à…
Il me semble essentiel de diriger l’artisanat vers de nouvelles expressions
Designer pluridisciplinaire, Raphael Navot a su marquer sa différence en quelques années. Son indépendance lui permet de multiplier les collaborations avec les ateliers et les artisans les plus exceptionnels. On lui doit des réalisations remarquées comme le club Silencio avec David Lynch, la boutique de la maison japonaise Pas de Calais ou l’hôtel Saint Martin. Incarnant une sorte d’arte povera pleine d’élégance et de subtilité, il figure dans AD Collections après avoir participé à AD Intérieur.
Comment définiriez-vous votre style ?
Je ne dirais pas que j’ai un style défini. Le plus important pour moi ce sont les valeurs. J’imagine cela comme à la limite du brutalisme avec l’usage de matières brutes et une forme d’expression graphique tout en étant plus doux, plus élégant et chaleureux. C’est quelque chose d’intemporel en évitant au maximum les références au passé et les tendances.
Vous êtes un designer non industriel et indépendant. Qu’est-ce que cela signifie ?
Je suis un designer non industriel dans la mesure où je travaille essentiellement avec des savoir-faire qui impliquent des matières naturelles. La plupart des mes réalisations sont faites spécifiquement pour un projet ou fabriquées à petite échelle avec des ateliers de grande qualité. Je suis indépendant car je n’ai pas de studio. Je préfère composer une équipe spécifique pour chacun de mes projets. Cela me permet d’avoir une structure plus flexible et beaucoup plus d’énergie créative.
Quelle est la place des matières et des savoir-faire dans votre travail ?
Je commence à créer essentiellement à partir de la matière. J’utilise rarement de la peinture dans mes projets car je sélectionne les matériaux pour restituer les teintes : le béton pour le gris, l’or pour le jaune, la rouille pour le rouge, le bronze oxydé pour le bleu, la pierre de Paris pour le beige… Cette palette est infinie. Les savoir-faire et les artisanats traditionnels disparaissent progressivement car l’industrie produit des alternatives moins chères et plus faciles à produire. Il me semble essentiel de diriger l’artisanat vers de nouvelles expressions afin de profiter d’un vrai bois massif, d’un tissage à la main et de beaucoup d’autres métiers remarquables. Je crois que cela donne du fond et du sens aux espaces, aux meubles et aux objets autour de nous.
Propos recueillis par Serge Carreira, maître de conférences à Sciences Po.
Photos: Valentin Le Cron