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Sabine Marcelis

La designer derrière VARMBLIXT, collection capsule exclusive pour IKEA

 « Le jeu sur la lumière a un fort impact sur nos environnements, tout comme l’architecture »

Basée à Rotterdam, la designer Sabine Marcellis a été invitée à concevoir une collection capsule exclusive pour IKEA, baptisée VARMBLIXT. Cette collaboration est née d’une volonté d’IKEA de questionner l’impact émotionnel de la lumière sur les usages et expériences de nos intérieurs. Diplômée de la prestigieuse Académie du Design d’ Eindhoven, Sabine Marcellis est rapidement apparue comme la candidate idéale. Habituée à travailler avec des clients et éditeurs venus du monde du luxe, la designer a cette fois-ci mis sa pensée moderne et avant-gardiste au service du grand public. Un défi technique parfaitement maîtrisé, et une expérience dont elle nous parle aujourd’hui. 

 

Comment en êtes-vous arrivée à concevoir une collection pour IKEA ?

En 2021, j’ai collaboré avec IKEA à l’occasion du IKEA Art Event, et c’est à ce moment-là que l’équipe m’a proposé de travailler sur une collection de luminaires. Cette première conversation s’est ensuite rapidement transformée en un brief plus large autour des moyens d’apporter de la chaleur dans la maison, et donc de réfléchir sur l’impact émotionnel de la lumière au quotidien. 

Comment avez-vous abordé cette collaboration? Avez-vous travaillé avec les fabricants d’IKEA ou avec vos propres fournisseurs ? 

La collection a été produite à different endroits. Pour certaines pièces comme les tables, nous avons vraiment dû nous adapter ou trouver des solutions hybrides. Elles ont donc été fabriquées dans une usine qui produit normalement des casseroles et des poêles car cela nous a paru être la solution la plus intelligente pour ce modèle en particulier. En tant que designer, il était très intéressant de découvrir le fonctionnement d’un aussi grand pôle de développement produit et de comprendre comment elle cherche les fabricants en fonction des exigences spécifiques d’un objet. La collaboration était très fluide et il y a eu une bonne dynamique entre l’équipe d’IKEA et la mienne, car nous avions cette volonté commune de fabriquer des objets de la meilleure qualité possible. Les formes sont simples et le design minimaliste, ce qui signifie que ce sont les détails qui rendent l’objet intéressant ou non. Il était crucial qu’il y ait des détails invisibles. 

Il semble que vous ayez, à travers vos designs, apporté une touche luxe aux pièces accessibles proposées par IKEA. Vous qui êtes habituée à créer des pièces uniques, comment avez-vous adapté votre processus créatif à la production en série ? 

C’est effectivement une toute autre manière de travailler. J’ai commencé par poser les bases du projet car il s’agissait, quand on y pense, d’un brief très ouvert. J’ai eu l’idée d’utiliser pour chaque objet une ligne unique me permettant de créer un volume. Prenons le cas de la lampe par exemple, il s’agit essentiellement d’une ligne courbée formant un cercle. Toutes les formes sont soumises à une torsion qui les rend uniques et leur permet de remplir une fonction. Les lampes circulaires sont comme de la matière tirée du mur, ce qui permet à la lumière de se répandre le long du mur. La carafe ne serait qu’un volume sans le bec verseur qui la complète et lui donne sa fonctionnalité. J’aime l’idée de réduire les choses autant que possible pour ne garder que l’essentiel et créer ainsi un design intemporel. Mon projet pour IKEA n’est pas guidé par une tendance car je voulais que cette collection soit faîte de pièces que les gens souhaitent garder longtemps. La palette de couleurs est large et j’espère qu’il y en aura pour tous les goûts. 

 

En tant que designer, quelle importance accordez-vous à la démocratisation de votre pratique ? Concevoir des pièces pour un géant comme IKEA permet de toucher un plus grand nombre de personnes, ce qui implique d’envisager l’expérience client d’une manière différente.

C’est en effet tout-à-fait le contraire de ce que je fais habituellement, ce que je trouve d’ailleurs très cool. On m’a à plusieurs reprises proposé de concevoir des collections capsules mais cela n’avait jamais été très attrayant pour moi auparavant car j’aime l’idée de travailler directement avec les ateliers et d’être pleinement investie dans le processus de fabrication. On perd souvent cet aspect du travail en collaborant avec des marques parce qu’il s’agit surtout de fournir un dessin qui est ensuite réalisé de manière indépendante. Je ne trouve pas cette manière de travailler très intéressante donc je l’évite. Avec IKEA, c’était différent et j’ai envisagé la collaboration comme un pas vers la création d’objets pour le grand public. L’équipe nous a vraiment impliqué dans le côté production de la collaboration, ce qui a rendu le processus assez amusant. 

Quelles seront, à votre avis, les réactions à la collection ?

Jusqu’à présent, les réactions ont été positives. Mais ce qui sera le plus gratifiant, c’est de voir comment les personnes vont interpréter les pièces dans leurs maisons. Ce sont des objets ambigus que l’on peut monter et interpréter de différentes manières. La lampe en forme de donut par exemple, peut être utilisée aussi bien comme lampe de table que comme applique murale. Lors de la soirée de lancement, j’ai entendu quelqu’un dire qu’il voulait acheter trois miroirs et les accrocher dans le couloir comme un triptyque. J’aime voir comment les gens adaptent les pièces à leurs intérieurs. 

 

Vous parlez souvent de l’équilibre à trouver entre fonctionnalité et esthétique. Chaque objet a une utilité propre mais reste présent dans la pièce même en étant éteint. Concevez-vous des objets ayant des utilisations alternatives en dehors de leur fonction première ?

Les objets ont toujours plusieurs rôles puisqu’ils peuvent être perçus comme des pièces sculpturales. Ils ne dévoilent pas forcément leur fonction quand ils ne sont pas allumés. Ceci étant dit, je ne crois pas que les objets doivent nécessairement avoir plusieurs fonctions. Ils peuvent, mais j’ai toujours une préférence pour le minimalisme. Une lampe n’est pas une enceinte de musique. L’hybridation est intéressante mais dans le cas de cette collection, la question était plutôt de savoir ce qui fait qu’une lampe est une lampe ou qu’une carafe est une carafe. On s’interroge ici plutôt sur l’essence des objets.

Pensez-vous que la lumière a une influence sur nos humeurs ?

Cette question s’est posée au tout début du projet, et IKEA a abordé le sujet en se posant la question de savoir comment les gens interagissent avec leurs intérieurs. Pour répondre à cette question, ils ont invité une professeure en chronobiologie qui travaille sur les liens entre bien-être et lumière. Comment la lumière affecte-elle les gens pendant la journée ? Ou à l’inverse, est-ce qu’une lumière trop froide peut empêcher de passer une bonne nuit de sommeil. 

Depuis la crise du Covid, nous nous sommes habitués à passer beaucoup plus de temps à la maison. Est-ce que ce changement a un impact sur nos interactions domestiques ?

La plupart des gens avaient pour habitude de n’être chez eux qu’avant ou après leurs journées de travail. Avec le développement du télétravail, ils y passent beaucoup plus de temps et sont donc confrontés à leurs meubles et luminaires. La maison est un espace très intime, et nous avons tendance à construire nos espaces privés d’une manière très personnelle.  En jouant avec la lumière, on peut donc mettre en valeur ce que l’on veut et rendre ainsi l’espace unique. Le jeu sur la lumière a un fort impact sur nos environnements, tout comme l’architecture. C’est ce qui me passionne. 

Propos recueillis par Pauline Marie Malier

Photos : Valentin Le Cron

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