David Herman
Le « Fashion Film » dans toute sa splendeur
Dans toute sa diversité, qu’il soit très commercial ou très artistique, le film de mode est un genre en lui-même
Fondé en 2008 par Diane Pernet, ASVOFF (A Shaded View on Fashion Film) nous fait découvrir chaque année le film de mode sous un autre angle. A l’occasion de sa huitième édition qui se tiendra au Centre Pompidou du 02 au 06 décembre prochain, SAYWHO est allé à la rencontre de son « producer », David Herman, qui revient sur la genèse du projet et sur l’invité d’honneur du volet 2015, Jean-Paul Gaultier.
Racontez-nous votre parcours en quelques dates.
J’ai fait partie de la rédaction du magazine Standard de 2004 à 2012, où j’ai commencé par m’occuper de trouver des annonceurs, puis de développer sa partie digitale. En parallèle, j’ai développé des activités artistiques, avec notamment «Tricolore», qui était à la croisée d’une marque et d’un projet artistique. Quand j’ai rencontré Diane Pernet pour monter ASVOFF, elle avait déjà créé un programme itinérant de vidéos de mode qu’elle faisait tourner à l’étranger mais qu’elle n’avait pas encore fait venir à Paris. Ayant un background dans l’organisation de festivals de musique et de cinéma ainsi qu’une culture liée à la mode et au magazine, j’avais l’esprit mûr pour me lancer dans ce projet de Festival de Film de mode en 2008.
Comment décririez-vous votre relation avec Diane Pernet, la créatrice de ASVOFF, aujourd’hui ?
On se retrouve dans la sensibilité, dans nos goûts, notre vision commune et notre complémentarité de compétences. On a le même avis sur l’identité du Festival, la façon dont elle s’est écrite, et ce qu’il montre aujourd’hui. Son regard sur le «Fashion Film» est important : elle s’occupe de la sélection de la compétition, des différents programmes, des documentaires… De mon côté, j’essaie de fédérer des invités, des personnalités, qui de part leur nom et leur influence vont accroître l’affluence du festival.
Quel est votre rôle dans ASVOFF ?
Je suis producteur, au sens anglais du terme! Mon rôle dépasse le simple fait de coordonner la logistique d’un projet et de trouver ses financements. Il implique aussi d’en écrire la raison d’être, la vision, donc de l’organiser et de le mettre en scène.
Quelle est la vocation d’ASVOFF aujourd’hui ?
Utiliser le «Fashion Film» comme un des mediums qui reflète les mutations de la mode (dues notamment à l’arrivée du digital). On essaie de montrer à quel point cela a bouleversé la mode, artistiquement parlant. L’autre vocation est de mettre en avant la mode en tant que culture, et non en tant qu’industrie. C’est la raison pour laquelle ASVOFF a lieu au Centre Pompidou, en dehors des temps de Fashion Week.
Comment percevez vous l’évolution du film de mode ces dernières années ? Y a-t-il une tendance qui émerge ?
Il y a des tendances qui se dessinent tous les ans, comme les films humoristiques, les films d’animation… Pour moi, un bon «Fashion Film» doit se rapprocher toujours plus d’une écriture cinématographique, avec son vocabulaire de mode. Si on retire la mode du film, il n’a plus de sens. Et la mode n’est pas uniquement dans les vêtements, elle est dans le vocabulaire employé pour faire le film.
Un film de mode, c’est donc plutôt un film ou plutôt de la mode ?
C’est d’abord un film, dont la mode est un des piliers et un des acteurs du film. Je le compare souvent à la photo de mode, qui dans le champ de la photographie est devenue un genre. Le film de mode, c’est la même chose : il y a avait le film dans son ensemble, et aujourd’hui il y a un nouveau genre qui n’est pas un clip, un court métrage de cinéma, de l’art vidéo ou une publicité mais un «Fashion Film». Dans toute sa diversité, qu’il soit très commercial ou très artistique, le film de mode est un genre en lui-même.
C’est la 8e édition. Pourquoi avoir choisi Jean-Paul Gaultier en invité d’honneur ?
Jean-Paul Gaultier est une icône, et ASVOFF a toujours essayé de fédérer des icônes. Avant lui, nous avions eu la chance d’avoir Dries Van Noten, Christophe Lemaire, Claude Montana… Gaultier aime le cinéma, il a participé a plusieurs films. On veut donner l’opportunité au public du festival de le rencontrer dans un autre contexte que celui d’une interview à chaud juste après un défilé. On est là pour parler de lui, de ce qui l’inspire, de ce qu’il aime, dans un style décomplexé.
Nicolas Godin pour la Master Class des musiques de films, Mathias Kiss pour les Arts Décoratifs… ASVOFF réunit des personnalités fortes, mais se veut-il aussi prescripteur ?
Notre challenge était d’être crédible dans ce qu’on montrait, sans être juste un petit évènement branché. On a donc aggloméré des artistes à ce festival, des talents crédibles dans leurs domaines, qui vont faire sens avec ce qu’on montre et qui le valident. Ça n’est pas forcément une volonté d’être au dessus de la mêlée en disant «on est prescripteurs». On a voulu être crédibles en France, où il pouvait y avoir de la méfiance par rapport à un sujet comme le «Fashion Film» qui débarquait et qui était isolé.
Quel sera le moment fort du festival cette année ?
Il y en aura plusieurs, mais je pense vraiment que les Master Class, par la manière dont elles ont été montées, articulées, vont créer de l’émotion. Et puis bien sûr, les soirées d’ouverture et de clôture…
Propos recueillis par Sabina Socol.
Photo réalisée par Marijana Gligic, devant l’oeuvre « Miroir Froissé » de Mathias Kiss.