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07.11.2024 Grand Palais #art

Anna Planas

Rencontre avec la directrice artistique de Paris Photo 2024

C’est parmi les adeptes de la photographie qui parcourent les différentes allées de la foire cette semaine, que nous avons rencontré sa directrice artistique, Anna Planas, le temps d’un échange sur les temps forts de Paris Photo 2024. Du balcon surplombant les stands, elle nous en dit plus sur la portée de ce retour tant attendu de la foire au Grand Palais, le clin d’œil au mouvement surréaliste à l’occasion de son centenaire, les nouvelles tendances des artistes émergents ou encore les acteurs qui vont dynamiser le marché.

« Paris Photo est une foire ouverte au public. L’idée est que tout le monde puisse venir et s’y sentir à l’aise. »

Cette année, Paris Photo fait son retour si attendu au Grand Palais. Comment le lieu influence-t-il la conception d’une foire ?

Anna Planas : 

Le retour au Grand Palais a permis de proposer une version augmentée de la foire, avec de nouveaux secteurs comme « Voices », qui offre une place à trois commissaires. Ce nouveau secteur nous donne la possibilité d’explorer la photographie à travers leurs yeux et de nous intéresser à des sujets particuliers et à de nouveaux territoires. L’entrée publique du Grand Palais nous a aussi donné la possibilité de montrer une pièce d’August Sander, une installation monumentale avec plus de 600 tirages, montrée pour la première fois en Europe. 

 

La circulation dans l’espace se fait aussi d’une nouvelle façon, très fluide, avec le secteur « Émergence » dans les coursives. Cela nous a permis de passer de 16 à 23 projets, accordant ainsi une grande place à la photographie émergente. Notre retour au Grand Palais est marquée par la présence d’une collection dans le salon d’honneur. Cette collection que nous dédions à la photographie est issue de la BNF et du Centre Pompidou, dont notamment des photographies lituaniennes. 

La photographie était le médium de prédilection des surréalistes, qui fête son centenaire cette année. Pouvez-vous nous en dire plus sur le parcours imaginé par Jim Jarmusch à cette occasion ?

Anna Planas : 

Effectivement, cette année c’est le centenaire du Surréalisme, il y a d’ailleurs une très belle exposition au Centre Pompidou. Il se trouve que Jim Jarmusch a travaillé sur des films restaurés de Man Ray, qui vont sortir en salle la semaine prochaine. Il a une affinité très forte avec le surréalisme. Il nous a raconté que pendant son premier voyage à Paris, il utilisait toutes les promenades qu’avait proposé André Breton pour faire le tour de la ville et la découvrir. On lui a donc proposé de choisir des images dans la foire qui font écho à ce centenaire. Il a fait une sélection d’images se rapprochant de celles de Man Ray ou de Dora Maar, mais aussi d’artistes plus largement voisins de ce courant. On retrouve beaucoup d’images en noir et blanc, des représentations des femmes… Il y a 34 visuels qui ont été sélectionnés. 

Vous êtes la commissaire du secteur « Émergence », qui rassemble 23 galeries, dont 16 qui participent pour la première fois à la foire. Comment dénicher des nouveaux talents ?

Anna Planas : 

L’idée était d’aller chercher notamment dans les livres. Le secteur « Éditions » joue aussi un rôle de dénicheur, parce que souvent les artistes vont d’abord être publiés dans un livre, avant de se faire présenter par une galerie. Cela se fait aussi par le biais de rencontres, d’échanges, de visites dans d’autres foires, dans des lieux où les artistes émergents sont plus présents, à l’étranger…

Quelles tendances identifiez-vous chez les artistes émergents ?

Anna Planas : 

Il y a plusieurs tendances. Cela comprend tout ce qui va être assez plastique, des recherches autour du médium et aussi autour du corps. Cette dernière dimension, on la trouve chez des artistes comme Lucile Boiron, qui va faire un travail autour de la peau, de la représentation du corps, aussi bien âgé que jeune Il y a également un travail sur le corps  différent à la galerie Madé: celui de Camille Vivier, qui a fait des représentations du corps féminin assez puissantes. 

 

Une autre tendance, c’est l’engagement. Par exemple l’engagement écologique d’Alice Pallot, qui a fait un travail sur les algues vertes et est à découvrir dans une galerie bruxelloise. Il y a aussi des artistes qui vont jouer sur d’autres médiums, je pense à Popel Coumou, qui propose un travail sur le découpage, qui n’a pas du tout la même allure quand on le voit sur un écran que quand on le voit en vrai, parce qu’il y a toute une profondeur.

Toute foire a un aspect commercial non négligeable. Quel est l’état actuel du marché et quelles sont vos attentes pour l’édition de cette année ?

Anna Planas : 

Évidemment nos attentes sont grandes pour cette édition, puisque c’est un retour au Grand Palais, un endroit magnifique, et grâce auquel on passe de 16.000m2 à 21.000m2. Aujourd’hui on a des très belles galeries qui viennent et d’autres qui reviennent après des années d’absences, je pense notamment à Taka Ishii, qui fait son retour cette année. On a des galeries mexicaines qui viennent pour la première fois comme RGR et Vermelho.

 

Aujourd’hui, le marché de l’art est un peu ralenti dû à la conjoncture mondiale. Ensuite, ce qu’on a noté c’est qu’il y a des très belles institutions, notamment américaines, qui sont là et qui achètent. Je pense au MoMA et à  l’Art Institute de Chicago. Il y a eu aussi de très belles transactions chez Howard Greenberg, Thomas Zander, Gagosian… mais les galeries françaises se défendent bien, comme Nathalie Obadia, qui a vendu des pièces d’Andres Serrano, Youssef Nabil ou Valérie Belin. Ou encore chez Maubert aussi, avec Nicolas Floc’h qui a été sold out. Donc on est plutôt confiants, et la foire n’est pas finie!

Pour ceux qui sont peut-être intimidés par le grand rendez-vous, comment la programmation s’étend-elle au-delà des secteurs ?

Anna Planas : 

Il ne faut pas ! Justement Paris Photo est une foire ouverte au public. L’idée c’est que tout le monde doit pouvoir venir et se sentir à l’aise. Cette année on a lancé pour la première fois une initiative pédagogique, il s’agit de tout un espace dédié aux livres de photographie pour enfants. Il y a un très beau programme de conversations, dont une où Jim Jarmusch prend la parole. A noter aussi des échanges sur le centenaire de Robert Frank, et celle avec des artistes comme Tyler Michel, Centa Simon et Jack Davison, autour de la mode, l’art et l’éditorial. Nous avons aussi un programme de conversation plus court qui s’appelle « Artists Talks », où des artistes viennent présenter leurs dernières publications dans un format de 15 minutes. Tous ces dispositifs sont là pour justement inciter le public à venir découvrir la foire. Évidemment, il ne faut pas oublier les signatures, qui ont lieu au secteur « Éditeurs » toute la semaine avec plus de 400 artistes. On peut donc venir à Paris Photo, acheter un livre, faire signer et discuter un peu avec l’auteur. Tout le programme est en ligne sur le site de la foire et à découvrir sur place.

 

Propos recueillis par Cristina López Caballer

Photos : Jean Picon

 

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