Marc Chassaubéné
Président de l’EPCC, Cité du design – Ésad Saint-Étienne
« Depuis qu’elle a été reconnue par l’Unesco, la Cité du design de Saint-Étienne est connue à l’international. Elle est rejointe cette année lors de la Biennale par près de 60 délégations venues du monde entier ! »
Alors que la 13e édition de la Biennale Internationale Design Saint-Étienne ouvre ses portes ces jours-ci, nous avons discuté avec Marc Chassaubéné de l’Arménie, pays invité cette année, de l’étroite histoire qui lie la ville au design et de son ruissellement sur de nouvelles activités.
Qu’est ce qui lie la ville de Saint-Étienne au design ?
MARC CHASSAUBÉNÉ :
Au départ, sous l’Ancien Régime puis l’Empire, la ville de Saint-Étienne s’est avant tout tournée vers la fabrication d’armes. Il y avait donc un savoir-faire local en matière de dessin de pièce de haute précision ainsi que de leur usinage. Si les manufactures ont peu à peu changé leur destination pour fabriquer des objets du quotidien, dans cette région, existaient, solidement ancrées, des compétences et savoir-faire. Cet héritage, sur lequel des grands noms comme Le Corbusier ou Charlotte Perriand se sont appuyés en leur temps, s’est progressivement transformé en un pôle d’excellence dont l’école supérieure d’art et de design est le point de départ.
Quelle est la particularité de cette édition ?
MARC CHASSAUBÉNÉ :
Lorsque l’Unesco a reconnu la Biennale, très vite des relations se sont instaurées avec les grands continents, à la fois américain, africain ou asiatique. Mais cette année, la Biennale va mettre en lumière l’héritage méconnu de l’Arménie en matière de design. Si chacun sait la situation délicate dans laquelle se trouve le pays, on sait moins qu’il a en réalité été le berceau du design de l’ex-URSS. Avec Éric Jourdan, commissaire général de cette 13e édition, designer qui a travaillé pour les plus grandes marques, il nous semblait intéressant de se pencher sur cette facette de ce pays dont on parle si peu. En Arménie, on dessinait historiquement tous les objets du quotidien du bloc de l’est, que ce soient des voitures, des postes de radio ou des grille-pains ! Par ailleurs, cette valorisation coïncide avec le jumelage récent de la ville de Saint-Étienne avec la ville arménienne de Kapan. Aujourd’hui, l’Arménie fourmille de jeunes designers de talent et nous voulions soutenir et mettre en relief leurs créations et leur travail. Au-delà de ce pays invité, la Biennale porte le thème « Ressource(s), présager demain » qui va se déployer au travers d’une offre riche et variée, qui devrait séduire tous les publics. L’exposition du même nom a été pensée comme une exposition chorale autour de la figure centrale du designer et donne voix à neuf designers invités en tant que co-commissaires. Les incertitudes climatiques, l’IA, les conflits qui traversent notre époque sont autant de sources d’inspiration qui donnent lieu à un véritable gisement d’idées.
Parlez-nous de l’édifice qui l’abrite ?
MARC CHASSAUBÉNÉ :
Les anciennes manufactures d’armes royales formaient un ensemble industriel architectural très intéressant. Si le patrimoine était là, il fallait néanmoins inscrire le projet dans une dimension moderne. Nous leur avons donc adjoint une Cité du design inaugurée en octobre 2009, signée des architectes Finn Geipel et Giulia Andi. La Cité du design et l’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne se rejoignent dans une même structure autour d’un objectif commun : développer la recherche par la création. La Cité du design organise une recherche en design qui se situe au croisement de la création, des sciences, de la technique et de la conception. Une méthodologie spécifique a été imaginée issue notamment de l’observation des usages : l’énergie, l’habitat, les flux, les technologies etc.

En quoi cet ensemble rejaillit-il sur la ville ?
MARC CHASSAUBÉNÉ :
Cela constitue un district créatif pour motiver les talents de la région à rester, mais aussi pour attirer des entrepreneurs d’autres régions. La ville a mobilisé 60 millions d’euros sur ce projet. Nous y avons installé une pépinière d’entreprise et déjà près de 150 starts up nous ont rejoint. Un restaurant en circuit court, un hôtel faisant la part belle au design, une salle de concert, des salons d’accueil… l’endroit ne manquera pas d’attrait. Venez voir !
Propos recueillis par Nicolas Salomon
Photos : Michaël Huard