Rossana Orlandi
Design et engagement
Montrer un objet dans un espace réel le rend plus compréhensible, plus appréciable… plutôt que de le mettre sur un piédestal
Rossana Orlandi est une icône absolue dans le secteur du design italien. Après avoir travaillé dans le monde de la mode, elle transforme en 2002 un vieil atelier de cravates milanais en galerie de design. Galeriste et talent scout d’influence internationale, elle a connu et fait connaître les designers de l’école d’Eindhoven comme Piet Hein Eek, Maarten Baas et Nacho Carbonel. Son attention se posera ensuite sur la recherche en Asie et en Amérique où elle sera la représentante des scènes les plus innovatrices des futurs designers. Cela fera d’elle la figure la plus influente dans ce domaine, et elle crée des rapports personnels avec les artistes et les collectionneurs. Aujourd’hui, on la considère comme celle qui a fait naître le collectionnisme du design. Escale incontournable pour tous les amoureux de design, sa galerie est “the place to be” lors de la Design Week à Milan.
Depuis un an, Rossana Orlandi se concentre sur une nouvelle aventure: GuiltlessPlastic, le projet international sensibilisait en décembre dernier le monde du design au recyclage du plastique. Il s’agit d’une enquête à 360° sur les complexités du matériel le plus utilisé et le plus contesté de notre temps. Pour le Fuori Salone, l’exposition “RO Plastic-Master’s Pieces” présente des œuvres de recyclage réalisées par des artistes, architectes et designers connus dans le monde entier. Cette exposition se trouve dans le formidable contexte du pavillon ferroviaire du Musée de la science et de la technologie, avec des locomotives de différentes époques et posées sur les rails sont exposées les œuvres, chacune sur sa propre caisse d’emballage en bois, dans le respect total du recyclage et du développement durable, reconstruisant ainsi l’atmosphère d’une vraie gare en plein mouvement.
Quelques noms des personnalités choisies par Rossana Orlandi : Patricia Urquiola, Piet Hein Eek, Jaime Hayon, Nacho Carbonell, Formafantasma, Studio Job, Barnaba Fornasetti, Thierry Jeannot, Max Lamb, Piero Lissoni, Fabio Novembre, Italo Rota, Marcel Wanders et Nika Zupanc. Après l’étape milanaise, l’exposition suivra un road-show qui passera par Paris, Londres et New York.
La design week milanaise est désormais une réelle plateforme de communication pour traiter de thèmes sociaux. Vous en donnez l’exemple avec votre projet GuiltlessPlastic. Après l’exposition, comment comptez-vous continuer à faire vivre ce projet et quelles retombées espérez-vous ?
Une deuxième édition sûrement. L’énergie et la participation que la première a créées m’ont beaucoup surprise: nous avons reçu des projets des cinq continents en seulement trois mois. La vivacité des jeunes et leur participation sont fondamentales pour mener à de nouvelles solutions afin de partager de nouveaux styles de vie. J’aimerais beaucoup que le monde entier participe à ce projet car il faut prendre conscience du problème de l’énorme masse des déchets en plastique et c’est le moment d’être unis. Je suis convaincue que tous ensemble nous pouvons trouver des solutions et que dans cette direction le design a beaucoup de place. Mon but est celui de stimuler les designers à penser d’une façon consciencieuse à la réutilisation du plastique car il a d’infinies possibilités d’interprétation. Avec du plastique recyclé, on peut tout réaliser, du design d’intérieur au design d’objets.
Les différentes design weeks sont désormais un phénomène qui attire nombre de visiteurs, à Milan en particulier, mais le design constitue-t-il effectivement un actif d’importance dans l’économie globale?
En 2018, le domaine du design mondial a eu une valeur de 36 milliards d’euros dont le 63% dû au design d’auteur. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le design ne crée pas seulement le beau mais également la richesse. Mais pas seulement ! Le design est aussi stratégique dans le développement d’une nouvelle génération de produits qui, dans le domaine de la beauté, répond aux préceptes de l’économie circulaire : efficacité, emploi mineur de matériel et d’énergie, recyclage, réutilisation. Un passage fondamental pour une économie en mesure d’affronter le grand défi des changements climatiques.
Le design est-il capable de générer de nouveaux courants auxquels se référer ou bien au contraire s’inspire-t-il d’autres activités artistiques?
Les contaminations n’ont pas de limites. Les courants se contaminent mutuellement.
La France a-t-elle des icônes du design historiques? Et de nouvelles icônes contemporaines ?
Le Corbusier et son Modulor. Charlottte Perriand aussi. Et naturellement on ne peut pas ne pas penser à Jean Prouvé. En ce qui concerne le design contemporain, je suis fascinée par Thierry Jeannot, par Aurélie Mathigot aussi. À Paris, je ne manque jamais d’aller voir Matali Crasset.
Une des caractéristiques de votre espace est celui de montrer des objets de design dans des lieux réels dans lesquels la structure même de la galerie évoque un intérieur privé avec un jardin en annexe. Pouvez-vous nous expliquer le pourquoi de ce choix?
Montrer un objet dans un espace réel le rend plus compréhensible, plus appréciable… plutôt que de le mettre sur un piédestal. Je tiens beaucoup à l’installation de la galerie que je soigne personnellement dans tous les détails, même la couleur des fleurs.
Vous avez aussi participé à l’initiative lancée par la Mairie de Milan “Women in design”. Qui sont vos femmes designers préférées ?
RO : Patricia Urquiola
Qui vous épaule dans votre travail ?
Ma fille Nicoletta. Elle est toujours auprès de moi.
Quel est votre plus grand amour?
Ma famille.
Interview : Sara MancinelliPortrait: Gianni Basso