Thibault de Montaigu
Ce n’est pas parce qu’il est jeune et qu’il a ses entrées que Thibault de Montaigu est un jeune écrivain branché. Bien au contraire. De même, ce n’est pas parce qu’il s’empare d’un sujet à la mode comme la parisienne, dans son temple même, qu’il en fait une lecture fashion. Thibault de Montaigu, ou une invitation chic et lettrée à dépasser les idées reçues.
Vous venez d’inaugurer l’exposition La Parisienne, à la Galerie des Galeries. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de l’invitation qui vous a été faite à vous et à votre femme, Sofia Achaval ?
Elsa Janssen, qui dirige la Galerie des Galeries, m’a appelé près avoir lu mon dernier roman, Les Grands gestes la nuit. Elle m’a expliqué que les Galeries Lafayette organisait une série d’événements autour de la Parisienne et qu’elle aurait aimé organiser une exposition en correspondance dans la galerie d’art dont elle s’occupe au premier étage des Galeries. C’est elle qui m’a proposé de m’associer à Sofia. Je crois que la photo qu’a prise Todd Selby de nous deux l’a beaucoup inspirée.
D’où vous est venue l’idée de ‘fictionnaliser’ et de la mettre en scène ainsi ?
La Parisienne n’existe pas. On la croise sur les affiches du métro, dans les pages des magazines, dans les romans ou les vieux films, mais jamais dans la vie où il n’existe que des individus particuliers prénommés Caroline, Lucie ou Alexandra. C’est donc une des dernières mythologies contemporaines dans un monde où il n’existe plus de déesses véritables. J’aime assez l’idée de la galerie comme un sanctuaire où on pénètre pour approcher cette déesse à laquelle chacun voue un culte secret. L’art, en tant que transcendance, a toujours quelque chose de religieux.
Comment avez-vous choisi les différents artistes qui éclairent ce portrait par l’objet, la trace, voire même l’indice ?
Nous avons décidé de réunir une équipe d’auteurs venus d’horizons très différents (cinéma, littérature, art contemporain…) afin de multiplier les pistes de narration. Nous avons choisi des personnalités très parisiennes dont nous admirions les oeuvres et qui ont un rapport très fort à l’intime il me semble : Catherine Millet, Valérie Mréjen, Bertrand Burgalat, Stanislas Merhar, Laetitia Benat… Chacun a pu prendre possession de l’appartement de cette Parisienne à sa manière.
Car si vous parlez de roman, on peut aussi envisager cette scénographie comme un Cluedo… En d’autres mots, la Parisienne n’est-elle pas morte ?
Je ne sais pas si elle est morte, mais elle est absente en tout cas comme l’a si bien titré Saint Vincent dans le Figaro. C’est cette femme qui ne cesse de nous échapper car elle n’existe pas, sinon dans notre imaginaire. Au spectateur d’enquêter pour voir comment sa vie s’élabore en tant que fiction.
Votre Parisienne n’est-elle pas un peu trop ‘upper class’ pour être honnête ?
Elle n’est même pas upper class, puisque encore une fois, c’est une déesse, une idole, un rêve. Ce qui caractérise la Parisienne, c’est son obsession de la beauté. C’est une question morale pour elle et non pas un artifice, comme chez la New-Yorkaise. Du moindre crayon en papier à sa garde robe ou à ses oeuvres d’art, elle ne peut vivre qu’entourée de choses belles. Elle incarne à merveille l’idée platonicienne selon laquelle la beauté, c’est le bien.
Sans me dire Inès de la Fressange bien sûr, quel est votre parisienne préférée ?
Puisque c’est un mythe, encore une fois, je citerai : Catherine Deneuve, Colette, Coco Chanel, Françoise Sagan, Arletty, la Pompadour et Madame Récamier. L’image même de la Parisienne pour moi, c’est le portrait de Juliette Récamier par le baron Gérard.
Après avoir décrit son intimité, quels sont pour vous les lieux publics où l’on peut la croiser, selon les heures de la journée ?
A la Galerie des Galeries, du mardi ou samedi. Et dans toutes les bonnes salles de cinéma. Et pour ses clones : le jardin du Luxembourg, la Closerie des Lilas, les bars de théâtre comme l’Atelier ou les Bouffes du Nord, Chez Ferdi, la terrasse du Sauvignon, le Montana, à scooter en talons hauts…
Vous avez publié, à la fin de l’année dernière, Les Grands gestes la nuit. Une petite digression sur la nuit parisienne ?
Dans mon roman, j’évoque cette période mythique des Castel et des Régine, du Fiacre, de l’Epi Club et des filles de Madame Claude. Aujourd’hui, c’est un peu moins drôle. Même s’il reste toujours des André, des Beigbeder et quelques hurluberlus qui n’ont pas besoin de se lever trop tôt. Et puis il y a Rasmus : on attend toujours son club privé !
Hormis au bras de cette Parisienne, où pourra-t-on bientôt vous retrouver ? Quels sont vos projets ?
Je pars demain en reportage à la fashion week de Tunis, l’occasion de voir comment se déroule l’après Ben Ali et d’interviewer certains nouveaux ministres. Et puis il faut que je me remette à mon roman. J’ai des projets de scénario et de pièce de théâtre également. Avec tout ça, j’espère que la Parisienne ne va pas encore me déranger.
Propos recueillis par Florence Valencourt
‘La Parisienne’, exposition du 1er avril au 4 juin 2011 à la Galerie des Galeries