Nicolas Godin
Une nouvelle aventure dans l’air
La seule raison de faire un disque à l’avenir sera s’il a vraiment une raison d’être
Que fait-on quand on a passé deux décennies au sein d’un duo électronique mythique ? Nicolas Godin, moitié du groupe Air, a sans doute la réponse. Celui qui a collaboré avec quelques-uns des artistes les plus intouchables de ces dernières années (Sofia Coppola ou Alex Gopher, pour ne citer qu’eux) se lance cette année dans l’aventure solo et sort un premier album, baptisé «Contrepoint». À cette occasion, il nous a parlé de ses influences et de son amour pour Jean-Sébastien Bach, source d’inspiration de ce premier disque. Entre autres, bien sûr. Rencontre.
Pourquoi avoir décidé de faire un album solo, après Air x Jean-Benoît Dunkel et Orange plus anciennement?
À la base, je ne suis pas du tout enclin à travailler en solo. Mais quand j’étais avec Air, il m’arrivait de faire des essais tout seul. Puis, c’est venu petit à petit, je me suis mis à enregistrer des morceaux. Le tout a donné un disque solo, car comme il s’agissait de mes démarches personnelles, je ne pouvais pas vraiment faire ça avec Air. J’ai donc décidé de me lancer dans l’aventure!
Qu’est-ce qui change dans l’approche musicale lorsque l’on décide d’avancer seul ?
Le très bon côté, c’est qu’on peut vraiment aller au bout de nos idées. Quand on est dans un groupe, on peut parfois être un peu bloqué, il y a des choses personnelles qui peuvent être bridées. Le fait de faire un disque solo permet d’être extrême dans ses idées.
De qui vous-êtes vous entouré pour réaliser « Contrepoint », votre nouvel album ?
J’ai surtout collaboré avec mon ami Vincent Taurelle, qui a aussi été un de nos claviéristes sur une tournée de Air. Je cherchais quelqu’un qui s’y connaissait en musique classique. Il est spécialiste de Jean-Sébastien Bach, donc je pouvais lui en parler dès que j’avais un doute. Il savait m’éclairer, c’était très important. Je pense qu’il faut savoir s’entourer de la personne la mieux placée pour chaque projet.
Parmi les influences de cet album, on trouve le pianiste Glenn Gould, qui avait lui même repris le répertoire de Bach… À moins que ça ne soit Bach tout court…
Glenn Gould est une de mes idoles. Pour moi, c’est une vraie rock star. D’ailleurs, j’incite tout le monde à regarder les films que le réalisateur de documentaires Bruno Monsaingeon a fait sur lui. Selon moi, il faudrait absolument que Glenn Gould puisse sortir de la musique classique pour s’étendre à d’autres domaines…
Plus globalement, quelle importance la musique classique revêt-elle à vos yeux, vous qui avez plutôt suivi un parcours électronique ?
Elle complète un peu ma formation de base, puisque j’ai été très influencé par la musique de films. C’était d’ailleurs un peu le style de Air quand on a commencé. Tous les grands compositeurs qui nous ont influencés ont une formation classique. Pour moi, c’est vraiment une démarche naturelle, car c’est un genre musical qui m’a fait grandir.
Vous avez présenté Contrepoint en avant-première lors d’un live à la Villa Médicis. Y avez-vous résidé ? Grâce à qui ce projet s’est-il concrétisé ?
Je voulais voir ce que cela donnerait sur scène, ce qui n’était pas évident étant donné que l’album n’était pas encore sorti, et que c’est mon premier album solo. Mais je ne voulais pas me lancer dans une tournée sans savoir. La Villa Médicis est ouverte aux artistes pour expérimenter des nouvelles choses. C’est Eric de Chassey, le directeur de la Villa, ainsi que mon tourneur, qui m’ont proposé de faire ça. J’ai sauté sur l’occasion parce que je n’aurais pas pu rêver mieux pour tester ces morceaux en live. J’y ai passé une semaine paradisiaque.
Pouvez-vous nous parler de ce clip très graphique réalisé par Sean Pechnlod, « Orca ». Les images sont en symbiose parfaites avec le son, c’est étonnant.
Cela m’intéresse beaucoup de donner ma musique dans les mains d’un autre artiste et de voir ce que ça lui inspire. Le projet de Sean Pechnlod m’a tout de suite tapé dans l’oeil car il avait ce côté graphique que l’on retrouve dans les mélodies de Bach. Pour moi, c’était un signe, il fallait vraiment faire cette vidéo. Je suis super content du résultat!
Un artiste vit-il inexorablement entouré d’artistes ? Cela semble être le cas pour vous en tout cas
Totalement. Je ne suis pas trop pour les artistes multicartes qui font tout, je trouve ça dommage. Je préfère largement avoir un domaine de prédilection, et collaborer avec d’autres personnes en leur laissant la liberté de s’exprimer à travers leur art. Depuis le début de Air, on a toujours fonctionné avec de grands artistes pour faire nos pochettes et nos clips. On a commencé dès le début avec Mike Mills, qui a travaillé pour Moby et Yoko Ono, et avec qui on faisait nos pochettes et nos clips. L’artiste Xavier Veilhan a également fait des sculptures pour nos pochettes. On faisait aussi beaucoup de «side projects» comme Virgin Suicide avec Sofia Coppola par exemple. Ce sont vraiment des gens dont l’univers nous parle, et on a toujours travaillé comme ça. De plus, ils sont désormais intouchables, et c’est toujours impressionnant de voir ça. J’espère que ça va continuer!
Vous dites « Le gros défi pour un artiste c’est d’avoir une raison d’être parce qu’il y a déjà énormément de propositions musicales ». Cette problématique que vous soulevez influence-t-elle votre travail de recherche ?
Oui. Au stade où ma carrière m’a amenée, je dirais que la seule raison de faire un disque à l’avenir sera s’il a vraiment une raison d’être. Ce qui me fait plaisir, c’est d’écouter des bons disques, que ce soit moi qui en fasse, ou d’autres personnes. Faire des concerts, c’est toujours très excitant, mais faire un disque, c’est plus réfléchi. Il faut une force de plus pour en faire.
Propos recueillis par Sabina Socol.
Photo © Mathieu César.