A l’occasion de la performance qu’elle réalise avec le duo I Could Never Be a Dancer, Valérie Belin parle à Saywho de sa rencontre avec Carine Charaire et Olivier Casamayou, et du chemin parcouru de ses balbutiements d’artiste à « En chair et en corps », performance qui se tiendra le 20 avril prochain au Centre Pompidou, et qu’il ne va pas falloir manquer.
Pouvez-vous me parler de ce rapport que vous entretenez avec le portrait?
Le portrait en photographie, pour moi, est plutôt envisagé sous la forme de phénomènes, de spécimens, car je m’attache à photographier une catégorie de personnes, et non pas des individus, et des catégories de personne qui ont cette chose particulière de vouloir être un autre, comme les sosies, les personnages liés au monde du spectacle et qui sont déjà des images. Je photographie des images.
Quelles sont vos influences du moment?
Elles viennent d’un peu partout, notamment lors des expositions ou en feuilletant un magazine…
En ce moment, je suis influencée par ce phénomène de crise, il y a dans mon travail certains traits stylistiques qu’il y avait dans les années 30, qui étaient aussi des années de crise. Par exemple, la solarisation que j’utilise en ce moment est pour moi une esthétique liée à la crise.
Y a-t-il des rencontres qui ont bouleversé votre vie professionnelle et personnelle?
Les rencontres marquantes se produisent souvent avec des artistes ou des oeuvres.
Ca se passe à travers la parole, lorsque certaines personnes parviennent à exprimer des choses qui vous touchent. C’est quelque chose de très précieux, de rare. C’est ça qui me touche le plus.
Quand je pense à votre oeuvre, j’ai en tête vos portraits de mannequin, impassibles et figés ; est-ce que cet axe/ce parti pris peut s’interpréter dans la danse?
Entre l’image photographique qui fige la personne et la danse qui au contraire met en mouvement le corps, il semblerait qu’il y ait une dichotomie irréductible. Je pense que l’idée commune est celle que la vie transparait malgré tout au travers de la fixité de l’image photographique, à travers l’élégance des modèles. Pour moi, l’élégance c’est la persistance de la vie au travers de la forme. Dans la danse, l’élégance est primordiale. Le trait commun entre ces deux postures, c’est également la persistance de la vie dans l’image photographique et l’expression de la vie dans la danse.
Comment s’est fait la rencontre avec I Could Never Be a Dancer ?
À travers des connaissances communes et mon désir de trouver des partenaires qui puissent m’aider à forger une chorégraphie sur scène, une mise en scène, car j’avais l’idée au départ de tableau vivant. Mais je me demandais comment tout cela allait s’enchainer, et ce que ces personnages allaient faire sur scène. Toutes ces questions étaient de l’ordre de l’inconnu et j’avais besoin d’un partenaire sur ces définitions. Très vite le nom de I Could Never Be a Dancer s’est imposé par des collaborations communes, et par leur spécificité de travailler avec l’idée du mannequin, de l’image, de la lumière, qui sont pour eux des choses fondamentales, comme dans mon travail de photographe.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce spectacle ?
Quand j’ai rencontré Olivier et Carine, j’avais déjà élaboré une sorte de concept pour ce show, qui était de mettre sur scène les modèles de mes photographies. (body builders, sosies, danseuse burlesque…)
On a élaboré au fur et à mesure une mise en scène sur ce qu’allaient faire chacune de ces typologies de ces performers, puis est venu le jour de la première répétition qui nous a montré des différences de visualité de force dramatique entre les catégories de performers, ce qui nous a amené a radicaliser le concept de départ afin de ne choisir qu’une entité, ceux des sosies de Michael Jackson, et de ne travailler sur scène qu’avec eux. Ce qui était intéressant c’était d’avoir simultanément sur scènes différents sosies de la même personne, afin de les montrer dans leur différence, dans leur similitude, dans leur humanité. Tout ça est devenu très évident pour nous.
En quoi vos deux « oeuvres » respectives se rejoignent ?
I Could Never Be A Dancer ont cette particularité d’élaborer des lumières spécifiques qui rendent les personnages assez fantomatiques, et ils travaillent beaucoup sur l’image. J’ai été frappée de voir la manière dont ils travaillaient sur l’idée du mannequin, sur la mise en scène du corps et sur cette ambivalence entre l’image et la physicalité. Mais également sur l’idée de la performance. Toute sorte de choses que je partageais moi aussi dans mes choix de sujet et dans la manière dont je façonne l’image photographique.
En général, votre environnement se compose t-il d’artistes ou bien de gens de divers milieux?
Les gens qui m’entourent proviennent de milieux très hétéroclites, mais ils ont quand même le point commun de s’intéresser à l’art.
Parlez-nous de vos projets
J’ai eu simultanément plusieurs expositions qui viennent de se terminer, à Moscou et New York, et je suis en train de travailler des natures mortes photographiques baroques et très pop. J’aimerais également travailler sur des projets vidéographiques après cette performance.
Propos recueillis par Salome Jartoux
Performance Valérie Belin & I Could Never Be A Dancer – Spectacle vivant au Centre Pompidou /// Samedi 20 avril 2013 à partir de 18h