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16.10.2024 Grand Garage Haussmann #art

Julien Frydman

OFFSCREEN: travail d’avant-garde basé sur l’image.

Julien Frydman est le directeur artistique d’Offscreen, le rendez-vous dédié aux installations des images fixes et en mouvement. Il a lancé cette manifestation en 2022 avec Jean-Daniel Compain, ancien directeur général chez Reed Expositions, avec l’ambition de créer un mini-Unlimited inspiré par l’exposition d’œuvres à grande échelle à Art Basel, en Suisse. Cette troisième édition d’Offscreen se déploie sur les six niveaux d’un ancien parking, le Grand Garage Haussmann – un bâtiment à l’architecture industrielle qui sera prochainement transformé en 18 logements sociaux par Paris Habitat. C’est l’occasion de découvrir 28 artistes d’avant-garde, historiques ou contemporains qui travaillent avec tous types de supports et de médiums, qu’il s’agisse de vidéos, de films, de photographies, de sculptures, d’installations mix-média ou d’œuvres digitales.

« Ce qui m’intéresse, ce sont des artistes qui peuvent avoir des pratiques variées, mais qui créent une captation du réel. »

Vous avez dirigé l’agence Magnum, les foires Paris Photo et Paris Photo Los Angeles, travaillé pour la Fondation Luma et vous avez été directeur de la maison d’édition Delpire. Qu’avez-vous appris à travers toutes ces expériences ?

JULIEN FRYDMAN :

Chez Magnum, j’ai appris l’histoire de la photographie et à travailler avec une soixantaine d’artistes et de photographes, avec une relation d’écoute où il faut comprendre la singularité de chacun. À Paris Photo, au Grand Palais, j’ai appris le métier d’organisateur de foire et d’événements et qu’on pouvait, même dans une optique commerciale, développer une exigence curatoriale. À la Fondation Luma, où j’étais dans l’équipe de « préfiguration », j’ai acquis une meilleure connaissance des artistes contemporains et je me suis frotté à une diversité de projets avec des partenariats et des choses plus expérimentales, comme l’atelier de design, un spectre qui s’est élargi sur les pratiques contemporaines comme les performances, toujours avec une dimension internationale très forte. Durant tout ce temps-là, j’ai toujours été un amateur collectionneur de livres d’artistes. Chez Delpire, j’étais chargé du développement de la ligne éditoriale, de travailler au plus près sur des projets importants d’artistes, de trouver une diversité de pratiques et de regards internationaux dans les différentes propositions.

Pourquoi avez-vous décidé de lancer Offscreen ?

JULIEN FRYDMAN :

Marc Spiegler [l’ancien directeur d’Art Basel] m’a appelé au moment où il s’apprêtait à remplacer la Fiac et il m’a dit : « Si on reprend Paris Photo, qu’est-ce qu’on peut faire ? » À ce moment-là, je ne pensais pas du tout refaire une foire. Mais je me suis dit : si je devais faire quelque chose aujourd’hui, qu’est-ce que ce serait ?

Avec Paris Photo, j’ai toujours été limité par le mot même « photo ». Ce qui m’intéresse sont des artistes qui peuvent avoir des pratiques variées mais qui travaillent sur ce rapport au réel, qui créent une captation du réel. Mais ce qui m’importe, c’est ce qu’ils disent, que ce soit sous la forme de performance, d’installation, de collage, sculptural, photographique, de film en mouvement ou pas ; il y a une cohérence qui se dessine. Je me suis dit qu’il fallait la montrer. Je n’avais pas envie de refaire une foire, mais de créer une expérience pour des collectionneurs contemporains qui vont se reconnaître à travers des visions d’artistes, de leur proposer un cadre de découverte. Ce cadre a besoin, un peu à la façon d’Unlimited [à Bâle], d’offrir aux artistes une plus grande liberté. Donc Offscreen, c’est un peu comme un mini-Unlimited.

Quelle définition donneriez-vous à Offscreen ?

JULIEN FRYDMAN :

J’essaie de ne pas appeler Offscreen une foire, parce que quand tu dis « foire », tu penses « white cube ». Évidemment, Offscreen a un côté commercial, les œuvres sont à vendre. On pourrait dire « curated art fair », ou « curated salon » ou on pourrait penser à un nouveau mot à inventer. Disons que c’est plutôt une proposition curatoriale d’oeuvres sur les pratiques de l’image.

Pourquoi avez-vous décidé de lancer Offscreen en collaboration avec Jean-Daniel Compain ?

JULIEN FRYDMAN :

Jean-Daniel m’a dit [en 2022] : « J’ai mis une réservation dans l’Hôtel Salomon de Rothschild, est-ce que tu as une idée ? » Et c’est comme ça que nous avons mis en place Offscreen. On le fait dans des lieux temporaires. Ce qui est intéressant, c’est l’occasion à chaque fois de repenser les approches d’accrochage et d’expérience.

 

Il y a 28 artistes exposés à cette édition. Qui choisit les artistes ?

JULIEN FRYDMAN :

C’est moi, en découvrant des œuvres qui me touchent, que je trouve singulières. Je ne voyage jamais assez parce qu’on a toujours envie de voir plus. La seule chose que je peux vous dire, c’est que je ne veux pas de catégories ou de thèmes. Je préfère aller vers cette façon de déstabiliser et, en même temps, de créer une juxtaposition un peu inattendue. Je n’ai pas de proposition à défendre, je ne suis pas en train d’écrire une thèse ou une théorie historique. Par contre, je veux que les espaces et les œuvres puissent trouver leur force dans le lieu et, assez naturellement, il y a des dialogues qui se créent.

 

Pourquoi vous avez sélectionné la cinéaste belge Chantal Akerman (1950-2015) comme invitée d’honneur ?

JULIEN FRYDMAN :

Elle est une réalisatrice de films qui, très tôt, a pensé ses œuvres comme des installations, donc c’est cohérent. Dans sa rétrospective au Jeu de Paume, il y a une œuvre qui n’est pas montrée et qui pour moi est très importante par ce qu’elle crée comme espace de proposition. C’est La Chambre [1972, un documentaire/court métrage, ndrl] qui, pour moi, est une œuvre en quatre dimensions. Il y a la narration, le temps, l’espace et la caméra. Le fait que la caméra tourne, c’est presque comme un élément tridimensionnel dans lequel on est immergés.

 

Quelles sont pour vous les découvertes de cette édition ?

JULIEN FRYDMAN :

Susan Brockman – c’est une artiste qui a fait peu d’œuvres et qui n’est absolument pas connue. Les deux films qu’on présente sont très marqués années 70, d’une poésie incroyable. Il faut montrer des artistes qu’on ne connaît pas, qui sont tombés dans l’oubli ou qui n’étaient pas connus à l’époque.

 

Quelle est votre cible pour les acquisitions ?

JULIEN FRYDMAN :

Il y a beaucoup d’institutions, quelques grands collectionneurs privés, évidemment. Il y a de plus en plus d’environnements qui accueillent ce type d’œuvres ambitieuses.

 

Seriez-vous ouvert à l’idée de lancer Offscreen dans une autre ville également ?

JULIEN FRYDMAN :

Si les galeristes et un lieu sont inspirants, oui, ce serait logique, bien sûr.

 

Offscreen est au 43-45 rue de Laborde, 75008 Paris, jusqu’au 20 octobre 2024.

https://offscreenparis.com/fr

Interview par Anna Sansom

Photos: Michael Huard et Offscreen

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