Fondé en 2010 par le duo ultra-prolifique Maurizio Cattelan / Pierpaolo Ferrari, Toilet Paper est un papier nécessaire. Un magazine photographique haletant qui interroge notre obsession contemporaine pour les images en explorant nos désirs et pulsions les plus indicibles. Cinglantes, sanglantes, lubriques, happantes, alambiquées : les mises en scènes pointilleuses des deux artistes poussent à son paroxysme l’esthétique du bizarre, caressant le surréalisme et s’engouffrant dans l’iconographie pop, de plastifications « LaChapellienne » rose bonbon en scénographies macabres. Il y a du cinéma la-dedans, comme cette femme éplorée au visage strié d’eye-liner, ou cette poussette brulée sur fond d’apocalypse. De la mode aussi, toutes gambettes, stilettos, et silhouettes couture dehors. Enfin, 100 tonnes de références et de ‘clins d’yeux’ sortis de leurs orbites, comme le laissait présager la couverture du premier numéro. Mais c’est la vision fantasmagorique et l’humour hors norme de Maurizio Cattelan qui lie tous ces travaux, et qui ont fait de « celui qui tua le pape avec une météorite » une superstar de l’art contemporain consacrée au Guggenheim en 2011. Des images figées mais turbulentes qui, une fois reliées entre elles forment un pamphlet anti-morosité hypnotique.
Soutenu par divers grands magnats de la mode au fil de son histoire, Toilet Paper se nourrit dorénavant de la générosité du chausseur Berluti. Point d’étonnement lorsque l’on sait que le président de la maison transalpine n’est autre qu’Antoine Arnault, fervent mécène de l’art contemporain par transmission génétique. Public et établi : les ponts entre art et mode sont légion. Oui mais jamais les deux matières ne seront entrées en si parfaite symbiose qu’entre les mains des toutes puissantes familles LVMH et PPR.
Hier soir d’ailleurs, au Tokyo Eat, l’équation artistique se vérifiait par simple 360° sur les invités au cocktail de lancement. Galeristes, curators, et proches des artistes côtoyaient sans fard les grands patrons du groupe (Antoine Arnault, Yves Carcelle, Geoffroy de la Bourdonnaye), les stylistes, rédactrices, et autres créatures/créateurs en vue venus faire allégeance au manifeste de l’artiste italien (il n’est pas catalan, Cattelan). Autre tandem repéré ce soir-là : Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, aka Daft Punk, sans casques et tous sourires à l’affût du moindre flash. Plus pratique pour le champagne. B.B.