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15.03.2021 #musique

Alexia Gredy

Écrire, dire, chanter

J’aime poser une ambiance, un décor

Depuis la sortie de son premier EP il y a trois ans, Alexia Gredy ne s’est pas arrêtée d’écrire. De “L’Habitude”, on se souvient notamment des titres “Diabolo Menthe” ou “Paradis”, dont le clip avait été réalisé par le photographe Mathieu César. Alors qu’en 2020 le monde s’est arrêté de tourner, Alexia en a profité pour peaufiner son tout premier album. Une nouvelle introduction à son univers contrasté, porté par une voix douce et des ambiances parfois dramatiques, toujours poétiques, souvent guidées par des rencontres musicales. Si on la compare parfois aux icônes du passé Françoise Hardy ou Marie Laforêt – qu’elle cite comme l’une de ses références – elle n’en reste pas moins préoccupée par les thématiques du présent, et par un intime qu’elle dévoile avec pudeur. Alors que le premier single de l’album sortira au mois d’avril, Alexia Gredy nous en dévoile quelques secrets…

Comment as-tu vécu l’année 2020 sur le plan créatif ?

Plutôt bien. J’ai eu la chance d’être dans un environnement qui me permet de créer. J’en ai profité pour faire beaucoup de piano, écrire de nouvelles chansons, et peaufiner mon disque. J’aime bien retravailler les choses, prendre mon temps pour être vraiment contente de ce que je fais. Évidemment, ça a aussi été une période très anxiogène et compliquée à gérer pour tout le monde.

Dans ce contexte, as-tu trouvé de nouvelles façons d’écrire ? Ton processus créatif a-t-il changé depuis ?

Ça m’a surtout permis d’avoir le temps d’apprendre, le piano par exemple, ce qui m’a ouvert à un processus d’écriture totalement différent. J’ai aussi essayé d’écrire sans musique, ce qui n’est pas évident !

Peux-tu nous parler de ton album, son origine ? Évoquer des chansons en particulier ?

J’ai sorti un premier EP et je travaille sur cet album depuis. Certaines chansons étaient déjà existantes à ce moment là et d’autres sont nées plus récemment. J’ai pris le temps d’écrire et j’ai surtout réfléchi au son que je voulais pour cet album, c’était important pour moi qu’il y ait une cohérence, une couleur globale. Mon EP était pour moi une première expérimentation, je ne pensais pas d’ailleurs un jour avoir l’occasion de sortir un album. Je me suis demandée quels sons je voulais lui donner, quelles histoires j’avais envie de raconter. Que dire ? Comment le dire ? Ça m’a pris du temps. J’ai fait des tentatives, j’ai rencontré des gens… La musique passe aussi par les rencontres. J’écris des chansons chez moi et c’est en les confrontant à d’autres, en les enrichissant par leur vision, que je trouve ça intéressant.

Quelles rencontres ont été déterminantes pour toi dans la musique ?

Lorsque j’ai commencé à faire de la musique, je me suis laissée guider par des rencontres, je ne savais pas vraiment ce que je voulais alors j’ai travaillé avec plusieurs réalisateurs que j’aimais et qui m’ont emmenée vers des façons de travailler différentes. Ma première expérience de studio a été avec Baxter Dury, Geoff Barrow et Billy Fuller à Bristol, l’idée était de jouer ensemble très simplement. Ça a ancré en moi l’importance du live, du jeu vivant imparfait, et mon désir d’en faire une partie intégrante de l’album. Chacune de mes rencontres a aussi déterminé la progression de l’album et c’est pour ça que c’était important pour moi de prendre le temps. Les relations ne se créent pas du jour au lendemain. Je suis de nature timide, donc trouver quelqu’un avec qui tu t’entends et qui comprend ce que tu veux sans avoir trop à parler, c’est assez rare.

Avec qui as-tu collaboré sur cet album ?

J’ai travaillé avec Benjamin Lebeau des Shoes et Alexis Delong du groupe Inüit. Avant j’ai rencontré pas mal de gens avec qui ça se passait bien mais il y avait souvent quelque chose de moins instinctif, ce n’était pas exactement ça. Ça a été long. Quand j’ai rencontré Benjamin et Alexis, j’ai tout de suite senti que ça marcherait. Ils avaient vraiment ce côté instinctif que je cherchais, une part d’expérimentation, quelque chose entre la maîtrise et le jeu. On s’est tout de suite hyper bien entendus et on a travaillé pendant près d’un an et demi sur l’album, on a essayé pleins de choses.

Comment qualifierais-tu cet album ? Qu’est-ce qu’il raconte ?

Il est très personnel parce que les chansons parlent de plein de sujets qui me touchent.  J’y évoque le désir, le fantasme, l’abandon, des choses parfois un peu plus sombres et parfois plus heureuses, en tout cas des émotions fortes. Ce sont avant tout des choses de l’ordre du ressenti.

Peux-tu nous parler de ce premier single ?

C’est une chanson qui s’appelle Vertigo. Je l’aime beaucoup parce qu’elle donne un aperçu de l’univers de l’album, comme une porte d’entrée.

Tu t’inspires beaucoup du cinéma. Cette passion est-elle représentée sur l’album ?

J’aime bien poser une ambiance, un décor, et je me suis beaucoup inspirée des bandes-originales de films. Ce sont des ambiances qui retranscrivent très rapidement des émotions et qui créent quelque chose d’un peu rugueux. Je voulais quelque chose d’assez contrasté entre ma voix un peu fragile et des ambiances fortes. Je pense aux bandes originales de Ryuichi Sakamoto qui sont d’une beauté folle ou encore celle de John Carpenter entre l’étrange et le  dérangeant presque un peu violent.

Ta musique semble empreinte de nostalgie. Est-ce qu’on peut dire ça ?

Je ne sais pas, parce que j’essaye quand même d’évoquer des thèmes contemporains, les relations humaines qui resteront toujours actuelles. Ce n’est pas de la nostalgie, cependant j’aime bien m’appuyer sur des références du passé pour vivre le présent. Parler seulement du passé, ce n’est pas très intéressant.

Puisqu’on parle du passé, qui sont les artistes qui t’ont donné envie de faire de la musique ?

Un des premiers noms qui me vient en tête est Leonard Cohen, que j’ai beaucoup écouté. Son écriture et son interprétation m’ont toujours fascinée. Tout paraît si simple, ca me touche immédiatement. J’ai aussi beaucoup écouté Marie Laforêt ou Les Modern Lovers avec Jonathan Richman, pour ce contraste entre candeur et intensité. Mes parents écoutaient beaucoup Bashung et ça m’a forcément marquée.

Tu as commencé l’écriture en anglais. Qu’est-ce qui t’a poussé à vouloir revenir au français ? 

Je ne savais pas vraiment parler anglais, donc j’écrivais des trucs qui n’avaient d’intérêt ni pour moi ni pour personne. Quand j’ai commencé à m’autoriser à écrire en français, c’était comme une libération pour moi parce que je pouvais jouer avec les mots, je ne me cachais plus derrière la langue. Petit à petit, je me suis autorisée à dire les choses. En anglais, tu peux tout dire et faire couler les mots dans la mélodie, comme une matière fluide. À l’inverse, le français est assez rêche, mais j’aime bien ! Écrire en français m’a aussi permis de trouver du plaisir à écrire, d’écrire des chansons que j’aime et qui au final semblaient venir à moi naturellement.

La mode a-t-elle une valeur importante dans ton image en tant qu’artiste ?

J’ai parfois l’impression de me sentir plus légitime en studio lorsque j’accorde peu d’importance à ce que je porte, dans mon jean et mes baskets. Je m’habille comme ça depuis longtemps, et je me sens plus à l’aise quand je suis comme ça que quand je me sens plus habillée. Pourtant, j’ai toujours été sensible aux femmes qui ont de vraies silhouettes, comme Charlotte Rampling par exemple. Pour moi, la mode est faite de silhouettes, d’allure, plus que de vêtements.

Est-ce que tu réfléchis à tes tenues de scène ?

Oui. J’ai besoin d’une mise en scène, d’un personnage, aussi par respect pour les gens qui sont venus voir une représentation, pour vivre une expérience particulière. C’est important pour moi parce que dans la vie je suis timide et sur scène j’ai besoin de pouvoir poser mon personnage, celui qui va chanter. Le vêtement m’aide à rentrer dans mon personnage.

On te décrit souvent comme une Parisienne. Est-ce que tu te reconnais dans cette description ?

J’ai grandi en Alsace donc je ne sais pas trop ce que c’est qu’être Parisienne. Je ne me reconnais pas vraiment là-dedans parce que je n’arrive pas à lui donner un sens et une description. Si c’est une sorte de nonchalance, alors oui pourquoi pas.

Comment as-tu vécu l’absence de scène cette année ? J’ai vu que tu avais beaucoup partagé de vidéos sur tes réseaux sociaux.

J’adore la scène, et c’est assez paradoxal parce que c’est aussi un énorme stress pour moi. Le sentiment que la scène me procure est assez fou. C’est quelque chose dont je ne me lasserai jamais, pouvoir jouer mes chansons et les partager. C’est pour cela que je voulais essayer de partager mes chansons via les réseaux sociaux, avec immédiateté et de manière nonchalante. Mais je me suis aperçue que c’était quelque chose qui me plaisait beaucoup moins. Les live Instagram sont un peu angoissants, il y a les réactions qui défilent, les gens sont là mais ne sont pas là, je suis chez moi, une fois terminé c’est comme si ça n’avais jamais existé. Je suis complètement paumée (rires) !

Interview: Maxime Der Nahabédian

Portraits: Jean Picon

Alexia porte des souliers Solovière

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