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31.05.2018 #art

Muriel Mayette-Holtz

Dans le bureau de la directrice de la Villa Médicis

La force de la Villa Médicis réside dans sa faculté à rayonner au centre de Rome, pour et avec les Italiens

Souvent nommée « Villa Médicis » par métonymie, l’Académie de France à Rome est reconnue pour être un haut-lieu de résidence d’artistes francophones en Italie. Au cœur de Rome, ce magnifique palais offre non seulement l’une des plus belles vues de la capitale, mais participe surtout du rayonnement de la ville (et de l’Italie en général) sur la scène artistique internationale. Alors, lorsqu’on a la chance de rencontrer sa directrice, Muriel Mayette-Holtz, on se laisserait vite tenter à passer des heures dans son bureau pour évoquer les nombreux sujets qui la passionnent. Elle nous parle ici de sa vision et de ses projets en marge de l’ouverture de « Take Me (I’m yours) » pour la saison estivale, de la place des femmes dans les hautes sphères de l’art, et du lien unique et ambigu qu’entretiennent l’Académie de France à Rome et son pays d’accueil : l’Italie.

 

Revivez l’inauguration de « Take Me (I’m yours) » ICI

Vous êtes la première femme à avoir dirigé la Comédie-Française et la première femme à diriger l’Académie de France à Rome – Villa Médicis depuis septembre 2015. Par ailleurs vous avez dirigé un projet d’exposition d’art contemporain, sous le commissariat de Chiara Parisi, visant à mettre en valeur de grandes artistes femmes (Une/Una). Y a-t-il une part de féminisme dans votre travail ? Qui sont les femmes qui ont le plus compté dans votre parcours ?

Les portes de la Villa Médicis ont été longtemps fermées aux femmes. Vrai pour les pensionnaires (première pensionnaire Lucienne Heuvelmans en 1912) , vrai pour les artistes, vrai pour les directeurs… Ouvrir les portes aux femmes, ce n’est pas une révolution , c’est une nécessité ! Cette œuvre de sensibilisation a d’ailleurs encouragé les femmes à se présenter nombreuses au concours de l’Académie de France à Rome et pour la première fois en 2018, il y aura une majorité de pensionnaires artistes et historiennes. J’admire absolument Pina Bausch, Ariane Mnouchkine, Artemisia Gentileschi, Jeanne Moreau et Annette Messager.

Pourriez-vous revenir sur la mission historique de l’Académie de France à Rome, sa pertinence actuelle et nous dire comment vous envisagez son évolution ? (Les pensionnaires dans cette configuration).

L’Académie de France à Rome est la possibilité du croisement des artistes dans toutes les disciplines. Berceau des plus grands talents de demain, la Villa Médicis offre une photographie de la création contemporaine. Les pensionnaires sont le cœur de l’institution et c’est autour d’eux que je me propose de recentrer nos différentes missions de programmation, de valorisation du patrimoine français et italien, de partage avec le public.

 

Depuis votre nomination, la Villa Médicis est plus accessible et l’interaction entre l’Institution et le public s’est beaucoup développée notamment à travers des nouvelles manifestations culturelles et une importante programmation d’expositions. Comment envisagez-vous votre programme et quels sont les manifestations qui vous tiennent le plus à cœur ? (Les Jeudis de la Villa, Le festival des lumières, L ORO etc.)

Tous les événements de la Villa Médicis sont proposés pour que les artistes travaillent en connexion permanente avec le public. La programmation des Jeudis de la Villa est construite autour des propositions de nos pensionnaires et leur permet d’emprunter des chemins de traverse. L’exposition « Take Me (I’m yours) » par exemple, est l’occasion d’un dialogue entre les pensionnaires et d’autres grands artistes internationaux. Enfin, l’ensemble des propositions que nous faisons convoquent toutes les disciplines de la création. J’ai une fierté particulière pour l’exposition gratuite « Ouvert la nuit », qui a remporté un immense succès l’hiver dernier. On pouvait y découvrir les jardins historiques de la Villa et des œuvres contemporaines articulées autour de la lumière.

Vous avez donné une place importante à des curateurs italiens oeuvrant beaucoup en France comme Chiara Parisi, Pier Paolo Pancotto, Federico Nicolao. Est-ce pour vous une volonté affichée de développer un partenariat artistique avec l’Italie ?

Notre présence au cœur de Rome nous incite à développer une interaction entre nos deux pays. Tous les rendez-vous se font en traduction simultanée en italien et en français, c’est à mon avis le meilleur garant d’une construction européenne. Je mettrai en scène en juillet prochain « Le Jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux dans les jardins de la Villa en voyageant d’une langue à l’autre, ainsi le public français et italien pourra profiter dans le même temps de ce chef d’œuvre de la littérature du XVIIIème siècle. La force de la Villa Médicis réside aussi dans sa faculté à rayonner au centre de Rome, pour et avec les Italiens.

Quel rapport personnel entretenez-vous avec l’Italie et Rome ? Et comment votre vision de l’Italie a-t-elle évolué depuis 2015 ?

Rome est une ville très accueillante, son histoire nous offre sans cesse repère et émerveillement… Aujourd’hui je maîtrise beaucoup mieux l’italien ce qui me fait apprécier davantage les secrets, les détails, les modes de fonctionnement de ce pays. Rome est toujours capable de nous surprendre !

Vous qui êtes Française installée en Italie, comment compareriez-vous, d’après votre expérience personnelle et professionnelle, deux capitales comme Rome et Paris sur le plan culturel ?

Rome est restée endormie pendant longtemps face à la création contemporaine, et les moyens alloués aux artistes sont encore toujours trop faibles, contrairement à Paris qui bouillonne. Aujourd’hui le grand défi de ce berceau de l’histoire est dans la confrontation des générations d’artistes. Paris et Rome doivent s’appuyer davantage sur la création contemporaine pour continuer de construire leur patrimoine.

Interview : Irene D’Agostino

Portrait et photos : Ludovica Arcero

Exposition « Take Me (I’m yours) » à l’Académie de France à Rome, du 31 mai au 15 août 2018

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