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17.07.2018 #art

Samuel Gross

Tour d’horizon de la Biennale Manifesta 12

C’est l’idée d’un espace en commun qui m’intéresse.

Le 16 juin dernier a ouvert à Palerme la biennale itinérante d’art « Manifesta 12 ». En marge du programme officiel ont lieu les « Collateral events » dont l’exposition de Martin Kippenberger, « The Museum of Modern Art Syros » , le symposium « Anti Museum » et le concert « Montreux sous les Palmes » organisés par l’Institut Suisse en Italie. À cette occasion nous avons rencontré Samuel Gross, responsable artistique de l’Institut Suisse, qui a initié ces évènements mais qui est aussi à l’origine d’un programme très riche et pointu aux sièges de Rome et de Milan.

Vous êtes curateur, vous avez travaillé au Mamco à Genève, vous êtes installé à Rome depuis deux ans. Pourriez-vous nous rappeler brièvement votre parcours et ce qui vous a conduit en Italie ?

Après mes études, j’ai effectivement eu la chance d’être formé au Mamco où j’ai été assistant pendant quelques années. Cette expérience m’a permis de tisser un vaste réseau que j’ai ensuite tenté de défendre en imaginant le programme artistique d’une galerie  à Genève, aujourd’hui fermée, qui s’appelait EVERGREENE. Puis j’ai développé une idée de fondation privée, qui m’a permis de mener des projets d’envergure pendant quelques années. Durant toute cette période j’ai aussi entretenu des liens avec les écoles d’art et la jeune scène artistique suisse. C’est peut-être cette diversité d’expériences qui a suscité l’intérêt de l’actuelle directrice de l’Institut Suisse en Italie, institution pluridisciplinaire accueillant des résidents avec un large programme d’événements. 

Quel est le fil conducteur de vos choix artistiques ?

L’institut Suisse à deux sièges en Italie : un à Rome, l’autre à Milan. Ces deux espaces sont très différents. Milan est plus proche d’une Kunsthalle, modèle si familier en Suisse. C’est un espace d’exposition très ouvert et disponible à l’expérimentation. La programmation y est donc pointue, régulière et, je l’espère, surprenante. À Rome la villa Maraini est un cadre exceptionnel au milieu d’un jardin. Les expositions se déploient dans les salles d’apparat qui sont aussi le cadre de colloques ou conférences. Je tente de présenter une fois par année un personnalité de la scène suisse (cette année Roman Signer) et d’ouvrir à un autre moment une réflexion commune à des acteurs de la scène artistique. Rome est aussi le cadre de nombreuses activités musicales, cinématographiques, théâtrales et littéraires, rappelant que dans la même maison vivent pour quelques mois ensemble des artistes provenant de tous les champs de la création. 

Pouvez-vous nous décrire la scène artistique suisse et sa particularité par rapport à l’Italie ou à la France? 

Je pense que pour un aussi petit pays, la Suisse se caractérise par une diversité. Ce pays, comme l’Italie pendant très longtemps, n’a pas connu de centre. Les rivalités et les particularismes on révélé des identités qui sans être étrangères les unes aux autres se complètent et densifient la scène artistique. Ainsi, mon parcours n’est pas totalement comparable à celui d’un curateur de mon âge qui serait né à Zurich. Un petit territoire fragmenté augmente aussi la capacité des artistes à se projeter à l’extérieur de leur apparente identité commune et établie. Être Suisse c’est peut-être tenter de ne pas l’être.

Vous êtes proche de l’artiste genevois John Armleder qui semble avoir joué un rôle important sur la scène suisse contemporaine. Pourriez vous nous en parler ?

Pour la Suisse romande, d’où je proviens, il est clair que c’est une figure essentielle, tout comme l’est celle de Sylvie Fleury ou dans un autre registre le Mamco à Genève. Ces personnalités et institutions ont fédéré de nombreux artistes et acteurs du monde culturel. Il est vrai qu’une fois encore être actifs dans un espace restreint permet aux gens de se connaître peut-être mieux que dans des espaces déjà défrichés et clairement ordonnés. En ce sens, en Suisse peut-être plus qu’ailleurs, on a pu percevoir l’extension du public de l’art contemporain. En vingt ans, les dimensions ont changé, ce qui autorise d’autres récits et fait peut-être éclater tout discours sur la scène artistique pensée comme avant tout une proximité. Je pense que c’est ce que notre génération voulait : ouvrir des espaces, accroître le public, étendre les champs d’investigation. 

Vous avez invité les architectes suisses Gramazio & Kohler ou Philippe Rahm a exposer à Milan durant la Design Week. L’architecture vous intéresse aussi ?

C’est effectivement le cas, d’une part car c’est pour l’Institut un point de contact très pertinent entre art et science, mais aussi d’un point de vue personnel. Je m’intéresse aux mécaniciens d’exposition de l’architecture. Cette année, durant la même période je voudrais imaginer un projet avec Inès Lamunière, une architecte qui a eu notamment un engagement très important dans la formation de très nombreux architectes de renom. Ce pont avec l’enseignement et les universités nous concerne aussi particulièrement. Ainsi, cette année, nous avons construit un pavillon d’été à Rome avec des étudiants de master à l’ETH Zurich.

Vous organisez une exposition et des conférences à Palerme en parallèle de Manifesta, la biennale itinérante d’art contemporain. Dans le passé Palerme a été une ville phare en Europe. Quelle est son actualité dans notre monde contemporain ?

Je ne saurais vraiment répondre d’une manière globale, même si je suis sûr de l’importance pour l’Institut Suisse d’être présent à Palerme peut-être pour tenter de penser la diversité. Zurich (siège de Manifesta 11) et Palerme ont à peu près la même dimension, la même diversité sociale et culturelle. Il semble évident qu’elles ont des points communs forts, même si tout semblerait à priori les séparer. C’est cette idée d’un espace en commun qui m’intéresse. La Sicile est évidement part de l’histoire contemporaine suisse, et pas simplement pour des questions migratoires. Je voudrais simplement contribuer à diversifier cet état de fait et ouvrir encore plus cette réalité au monde artistique et culturel. 

Quel est votre programme pour l’année à venir à Rome ? Adaptez-vous vos choix curatoriaux au contexte italien ?

Je n’ai pas encore définitivement fixé tout mon programme pour l’année prochaine. Mais il est clair que le contexte contribue aussi grandement aux choix. Cette année nous fêtons les 70 ans de l’Institut, d’où notre engagement à Palerme, l’ouverture de résidences à Milan. Cet anniversaire se lira aussi en filigrane, c’est ce que je souhaite de quelques événements et expositions à venir à Rome et Milan. 

Propos recueillis par Irene d’Agostino

Portrait : Francesco Cuttitta

Photos d’exposition courtesy the artists and Istituto Svizzero Rome/Milan. Photo: OKNO studio

« Martin Kippenberger. The Museum of Modern Art Syros »

19 June – 31 July 2018

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