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27.10.2011 #art

Xavier Veilhan

Depuis qu’il a traversé Versailles en carrosse –celui qu’il avait spécialement créé à l’occasion de son exposition personnelle à Versailles – Xavier Veilhan n’en finit pas de faire monter sa côte et présenter ses sculptures dans le monde entier . On le retrouve alors qu’il vient de « décrocher » son exposition au Centre Culturel Vuitton de Tokyo au Japon et de regagner Paris pour la FIAC et une exposition personnelle à la Galerie Emmanuel Perrotin. L’un des artistes français les plus internationalement connu et parmi les mieux côtés en France voyage à la vitesse du son et répond aux questions de Say Who?.

Qu’est-ce que tu présentes dans « Orchestra », ton exposition personnelle à la Galerie Emmanuel Perrotin ?

Le titre de l’exposition fait un clin d’œil à l’univers musical. Il y a la volonté de montrer des aspects divers et de créer des climats assez différents d’une salle à l’autre. Ce qui est intéressant ici, dans la galerie Emmanuel Perrotin, c’est qu’on est un peu comme dans un petit centre d’art, on est à une échelle semi-domestique. On est dans un hôtel particulier avec des boiseries… etc, et en même temps, il y a ce côté « white cube » des galeries internationales. Donc le point de départ, c’est aussi cette dualité que l’on retrouve dans cette exposition à tous les niveaux, autant dans le temps que dans ces ambiances. J’avais aussi envie de montrer ces contrepoints qui sont aussi l’état dans lequel je me trouve en permanence. C’est-à-dire l’envie de fabriquer des choses moi-même mais de présenter aussi des pièces ultra-produites. Finalement, laisser coexister des formes issues de démarches assez différentes, ne pas systématiser. On est dans un monde de l’art assez dynamique et assez marchand et c’est très bien, et en même temps, il y a d’une part, dans cette exposition des formes que l’on a produites entièrement sur place comme des rayons et, d’autre part, des choses qui sont très anticipées, très produites, comme les statues de bronze que je ne peux évidemment pas faire moi-même. Enfin, il y a les petits tableaux…

L’oiseau, des tableaux représentant des arbres, un certain réalisme… Certaines œuvres présentées dans « Orchestra » me rappellent les origines de ton travail, non ?

On fait des sortes d’excursions mais en fait, on revient toujours aux origines… Moi, je vois toujours le travail comme un objet tridimensionnel autour duquel on tourne. C’est toujours la même chose que l’on regarde, mais on la voit différemment, d’un autre point de vue.

D’un côté, certaines œuvres évoquent la nature et un certain rapport à la nature… Et de l’autre, ton travail est très « design », « profilé ». Comment tout cela communique-t-il ?

Justement, ce qui m’intéresse ici, c’est la non-communication et la juxtaposition. Par exemple, dans l’une des salles, on a des « stabiles » (sculptures métalliques jouant sur l’équilibre et la légèreté), des élévations plutôt modernistes. Et juste à côté, une toile représentant un arbre, soit une sorte d’élévation naturelle… Mais ces arbres sont pour moi presque comme des cartels ou des ponctuations. On les retrouve dans plusieurs salles. Et, en même temps, il y a une certaine désuétude des formes que j’aime bien, que je préfère à des formes plus héroïques de sculpture traditionnelle.

Fait rare : tu présentes une vidéo dans cette exposition. Peux-tu nous en dire un mot ?

Je commence à faire des films qui ont une petite reconnaissance dans les milieux du cinéma. Du coup, on me prend pour un réalisateur, ce qui est assez marrant. Je ne fais pratiquement que des films muets. J’en ai fait un certain nombre, et aujourd’hui ils sont montrés dans des festivals de cinéma. Mais c’est vrai que je n’aime pas tellement les montrer dans le cadre d’une exposition parce que, pour moi, l’exposition est une promenade. Et un film dans cette promenade, ce serait comme dire par exemple : « regardez ce coucher de soleil pendant 32 minutes » … Donc, les formes de films que j’apprécie dans les expositions sont très courts, comme des captations. Ce sont des métaphores de ce qu’apporte l’art de manière générale : quelque chose de l’ordre de la révélation au sens de rendre visible. La vidéo de l’exposition fait allusion au pendule de Foucault. Il devient un objet de dessin qui combine la force centrifuge et la force de gravité. Ce tracé, c’est en fait le relevé de ces deux forces combinées, la force de gravité reste constante et la force centrifuge diminue. Cela donne cette spirale.

A travers la sculpture classique mais aussi des artistes comme Calder ou Malevitch, l’histoire de l’art est très présente dans ton travail. Comment mixes-tu tout cela?

Je me considère comme un amateur d’art, en fait. Donc, j’aime bien utiliser les champs que d’autres artistes ont explorés. Parfois, ils n’ont fait que les ouvrir et il reste plein de choses à y découvrir encore…

Quand tu as dit « champ », j’ai cru entendre « chant »… parce que l’exposition s’appelle « Orchestra » bien que tu ne parles pas beaucoup de musique en fait. Pourquoi ?

Cette exposition, c’est tout sauf de la musique en fait. Je fais plutôt une analogie… Pour en revenir au titre « Orchestra », je m’intéressais surtout au côté un peu obsolète du mot. Et, en étudiant ce mot, je me suis rendu compte que l’orchestre est aussi une typologie de l’espace, c’est ce qui est entre la scène et le public, mais c’est aussi l’espace où évolue le chœur… Et le chœur, étymologiquement, ce ne sont pas des chanteurs mais des danseurs. C’est donc un espace entre le réel et la représentation de quelque chose qui est écrit, c’est-à-dire un espace de fiction. C’est entre la scène et l’espace du réel. Pour moi, cela correspondait très bien à ce que doit être une exposition, c’est-à-dire un trait d’union entre l’expérience et quelque chose de plus onirique, de l’ordre du rêve. C’est ce que l’exposition, ou encore ton propre imaginaire, va pouvoir générer après coup.

Selon toi, en dix ans, le statut de l’artiste a-t-il changé ?

Moi, mon statut a complètement changé ! Il y a dix ans, je commençais à travailler avec mon assistante… Et maintenant, on est 10.

Comme si tu étais devenu une sorte de chef d’entreprise ?

Oui et non. On essaie quand même de garder une spécificité qui est de celle de produire des objets de pensée. On est un peu entre une volonté de normalisation, de professionnalisation… et la spécificité d’être dans des objets de pensée, de produire des objets particuliers. L’équipe que l’on a constituée est tournée vers une sorte de démultiplication de mes possibilités propres. Ça me permet de faire des choses que je ne pourrais pas faire tout seul, tout simplement. Donc, oui, les choses ont beaucoup changé à ce niveau-là. Mes œuvres coûtent beaucoup plus cher, je gagne beaucoup plus d’argent, je voyage beaucoup plus, je rencontre des gens sans doute plus « importants »… Mais après, le rapport à l’art reste le même : c’est toujours se demander que faire, comment le faire et comment toucher l’imaginaire des gens… Et là-dessus, la question reste toujours la même.

Quels sont tes projets ?

Je prépare une exposition qui s’appelle « Architectones », d’après le titre des pièces sculpturales et architecturales de Malevitch. En fait ça illustre assez bien le lien entre l’architecture et l’art. J’investis certains lieux emblématiques de l’architecture. Mais pas comme un spécialiste de l’architecture. Je le fais de manière très subjective. Ça commence sur le toit de la Cité Radieuse à Marseille. Ça se poursuit dans deux maisons d’architectes modernistes. Puis, dans l’Eglise Sainte Bernadette du Banlay, à Nevers, qui a été construite par Claude Parent et Paul Virilio et qui ressemble à un bunker… Ce sont des projets spécifiques pour chaque exposition.

Propos recueillis par Anaïd Demir / Crédit photos : Julien Weber
Xavier Veilhan, Orchestra
Galerie Emmanuel Perrotin, Paris
http://www.veilhan.net/
http://www.perrotin.com/

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