Calvi, day V
A l’énigme du Sphinx, on pourrait répondre « Un festivalier de Calvi on the Rocks » sans que la chimère ne nous dévore. Comprenez par là qu’après une semaine sur le rocher, deux pattes ne suffisent plus à se mouvoir.
On fait contre mauvaise fortune bon coeur en reprenant le sentier du maquis pour la plage Mar a Beach. Schweppes y a installé quelques Fatboys dodus, un jacuzzi pour jeunes filles topless, et programmé un line-up de haut-vol. On y déjeune très bien, aussi, du boeuf de la balle, du poisson méditerranéen, et plus si affinité. On repasse devant les criques désertes découvertes la veille. Cet après-midi, Lionel et sa Clique sortent le quart-de-queue pour Benjamin Clémentine, un petit génie du clavier à la voix suave, qui passe de standards souls en impros lyriques avec une dextérité sans pareille. Un black downtown de la banlieue londonienne, que le roi de la nuit hip découvrait quelques mois plus tôt alors qu’il exerçait ses vocales dans le métro parisien. Histoire d’amour : Lionel se fait pygmalion. Padawan le suit partout, du Baron à Cannes, de Cabourg à Calvi. A chaque fois, la magie opère, et le petit génie à la coupe 80’s émeut son public aux larmes. Sébastien Tellier jubile, les voix s’enlacent. On révise nos classiques en faisant semblant de connaître les paroles, et en feignant une maîtrise impeccable de la langue anglaise. Joachim, Kindness, et The Rapture, atterris sur l’île de beauté quelques jours auparavant, se chargeront de la suite des festivités. Notre voisine est visiblement soûle, on lui donne quelques coups de coudes entre les côtes, ce qui ne l’empêche en rien de continuer sa danse « from the block », alors au paroxysme du ridicule. On lui demande combien de bouteilles elle a bu. La furie nous répond : « Ici, c’est encore mieux qu’à Coachella ». Booty shake, brain shake.
A l’Octopussy, Peter & Magician envoient une nu-disco savamment millimétrée en symbiose absolue avec le décor. On ressent cependant une grande torpeur générale, qui prend peu à peu possession des âmes mélomanes et autres esprits chagrins. Une sorte d’ectoplasme latent, formé par tous les afters chez Tao trop arrosés à la vodka Schweppes. Ce matin d’ailleurs, la team Savoir-Faire (grande gardienne de « l’electro à french touch », et mère fondatrice du hyppissime trio Social Club / Silencio / Wanderlust), nous confiait que, dès le lendemain, elle partirait en retraite dans un couvent local pour expier ses péchés. Ca ne s’invite pas. On se dit que nos vies sont trop extrêmes, et que le point de croix devrait suffire à se recentrer sur soi. Un séance de yoga, au pire. Ce qui tombe très bien, car à 19h Michel Vedette donne un cours d’aérobic sur la plage. On court voir cet ersatz de Magnum tout droit sorti d’un camping de Palavas-les-flots.
Ce soir, la fratrie de la Baume monte sur les planches avec Singtank, Tellier nous lancera quelques incantations vaudous, en espérant que les Whitest Boy Alive ne soient pas morts de coups de soleil.
On se dit qu’à Calvi, on va plus au théâtre en une semaine qu’à Paris en un an. Dîner.