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16.01.2024 BON MARCHE RIVE GAUCHE #art

Daniel Buren

Daniel Buren signe la 9e Carte Blanche artistique du Bon Marché Rive Gauche

« Tout mon travail consiste à essayer de sortir et d’ajouter ou de retrancher certains éléments dans le lieu qui m’est proposé. »

Mondialement connu pour ses bandes verticales, Daniel Buren est le neuvième artiste à bénéficier d’une carte blanche au Bon Marché. Succédant à Ai Weiwei, Chiharu Shiota et Joana Vasconcelos, l’artiste français propose une installation dans l’atrium, deux œuvres sur le deuxième étage et une série de photos-souvenirs dans les vitrines. Il a également recouvert le grand escalier iconique d’Andrée Putman avec ses bandes emblématiques en noir et blanc.

L’exposition est titrée Aux Beaux Carrés : Travaux in situ en hommage aux carreaux que Daniel Buren a découvert sur la verrière du Bon Marché. L’artiste a extrapolé ces carreaux et les a utilisés comme base pour ses installations imposantes dans l’atrium. Composées de plus de mille carrés translucides, la première œuvre est en blanc et la deuxième en rose scintillant.

Dans un espace au deuxième étage, Daniel Buren a installé deux Cabanes éclatées, l’une en jaune, l’autre en bleu. Ici, les carrés forment un damier dont le dynamisme est accentué par l’effet de miroir qui donne une impression d’infini.

Soutenue par la Gallerie Continua, l’exposition au Bon Marché, qui se déroule jusqu’au 18 février 2024, est le premier acte de la carte blanche de Daniel Buren. L’artiste proposera également un deuxième acte du 29 juin au 15 août 2024.

Né à Boulogne-Billancourt en 1938, Daniel Buren émerge comme artiste au milieu des années 1960 au sein du groupe minimaliste B.M.P.T. aux côtés d’Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni. Chaque artiste préconisait l’utilisation de gestes répétitifs et abstraits. Dans le cas de Buren, il s’agissait de rayures verticales inspirées d’un tissu qu’il avait trouvé au marché Saint-Pierre, à Montmartre. Au cours des décennies suivantes, ces rayures sont devenues son « outil visuel », inspirant les œuvres d’art in situ que Daniel Buren a créé dans le monde entier. Il est surtout connu pour son installation Les Deux Plateaux dans la cour d’honneur du Palais Royal. Composée de 260 cylindres en marbre noir et blanc de différentes hauteurs, cette commande publique de 1985 a donné lieu à de vives controverses avant de conquérir le cœur des Parisiens et des touristes.

Pourquoi avez-vous accepté de faire une exposition au Bon Marché ? Et quelles étaient les particularités de travailler dans ce grand magasin ?

Daniel Buren: 
J’œuvre depuis 50 ans dans des lieux qui me sont proposés et tout le travail consiste à essayer de sortir et d’ajouter ou de retrancher certains éléments dans le lieu en question. Un magasin est un lieu public avec une activité qui, a priori, n’a rien à voir avec des expositions d’œuvres, quelles que soient ces dernières. La première évidence, c’est que la concurrence visuelle est quasiment à son maximum, comme dans la rue. S’il se passe quelque chose dans la rue, il y a tout de suite une sorte de simultanéité avec des éléments qui sont complètement différents – des publicités, des motifs architecturaux, du monde… Dans un magasin comme celui-là, on n’en est pas très loin dans la mesure où les gens ne viennent pas exprès pour voir l’exposition, sauf une petite minorité. La grande majorité vient là pour faire des courses et peut éventuellement être interpellée par autre chose que des articles à vendre comme dans tout le reste du magasin.

Le titre de l’exposition évoque les carreaux des verrières du Bon Marché. Comment avez-vous procédé visuellement ?

Daniel Buren: 

Le carré est la ligne directrice de toute l’exposition. C’est le même carré partout, à peu près 52 cm ; on est parti d’un carreau moyen des grandes verrières. Ce carré était beaucoup utilisé à l’origine du Bon Marché. Mais quand on m’a invité, je n’ai pas tout de suite pensé aux carrés, carrés, carrés ! Ça m’est venu plus tard. Quand on trouve un fil conducteur, il faut le garder.

Il y a deux œuvres [dans l’atrium] en lien avec l’architecture du lieu, qui baignent évidemment au milieu de cette masse de lumière, ce qui explique pourquoi j’ai demandé de l’aide à un technicien artiste de l’éclairage, Madjid Hakimi, pour voir ce qu’il pouvait faire. On a collaboré ensemble sur Daphnis et Chloé pour l’Opéra de Bastille en 2014. Par la suite, je lui ai demandé un truc très spécial à l’occasion de l’exposition d’un tableau du Caravage qu’on venait de redécouvrir et qui a été présenté chez Kamel Mennour. Et là, c’est la troisième fois [que nous travaillons ensemble]. Il a fait un travail que je trouve tout à fait remarquable.

L’autre espace [au deuxième étage], c’est plutôt une salle a priori plus banale, elle est fermée et en dehors de l’affluence générale du magasin. Donc elle permet un autre type de construction et en plus elle est isolée par rapport à tout le reste.

 

Comment avez-vous choisi les couleurs – blanc et rose pour les deux œuvres dans l’atrium, bleu et jaune pour les deux Cabanes éclatées ?

Daniel Buren: 

Il n’y a pas d’explication, je déteste d’ailleurs en donner ! Je prends les couleurs comme un matériau, donc toutes les couleurs sont possibles. Certains indices permettent d’utiliser certaines couleurs tandis que d’autres, à condition de les connaître, interdisent l’usage de telle ou telle couleur. En un demi-siècle, j’ai fait des foules d’expérimentations. Dans certains endroits, il y a des couleurs qu’il vaut mieux ne pas utiliser quand on connaît leur incidence avec le lieu en question, qu’elle soit culturelle, soit émotionnelle. Par exemple, au Japon, je vais faire attention à m’interdire le violet et le blanc parce que pour les Japonais, c’est un signe de funérailles et je n’ai pas forcément envie que mon travail soit vu avec ces idées-là derrière la tête. On peut se faire piéger facilement. Si on fait un travail dans une ville et qu’on prend les couleurs de l’équipe de foot adverse, immédiatement ça déclenche des stupidités polémiques.

La couleur est essentielle dans ma réflexion sur mon travail mais ça a plus un rapport avec où la mettre, comment elle s’articule, ses conditions d’utilisation, etc. Ce n’est jamais, je dirais, personnel. Comme tout le monde, j’ai des couleurs que je préfère à d’autres mais jamais je ne joue avec ça. Si on imagine qu’on peut transporter un travail dans un autre pays, comme ce fut mon cas une ou deux fois, la pièce est totalement différente car le rythme est différent et les couleurs ne se succèdent pas de la même façon.

Ici, on parlait au début du blanc mais c’est à moitié vrai, à moitié une blague, dans la mesure où cette exposition a lieu pendant le mois ou la semaine du blanc. Une des pièces [dans l’atrium] utilise le blanc comme couleur unique, l’autre est en rose car le rose fonctionnait très bien dans les essais que j’ai fait. Mais ça pourrait être très bien bleu ciel ou vert pomme ou noir.

Comme je savais que j’allais faire deux pièces [dans la salle au deuxième étage], je voulais mettre deux couleurs complémentaires. Comme vous le savez, il n’y en a pas beaucoup. Il y a le bleu et le jaune et le rouge et le vert, ou encore le noir et le blanc. Il y a très peu de contrastes repérés dans la gamme des couleurs.

Vous créez vos premières Cabanes éclatées dans les années 1970. Quel rôle jouent-elles dans votre travail ? 

Daniel Buren: 

J’ai commencé à faire des cabanes début 1970 et ça m’a ouvert tout un champ de possibilités de thèmes que j’ai très souvent utilisés depuis. Si je ne me trompe pas, je n’en ai jamais fait deux identiques. Elles sont toujours différentes : de matériau, de couleur, de forme, de taille, de lieu, si c’est dehors, si c’est dedans, si c’est dans un musée, si c’est permanent ou non, etc. Ça indique chaque fois des choix spécifiques. Ce que m’intéressait dans les cabanes, et ici c’est un bon exemple, c’est que, étant donné que c’est l’idée d’un corpus dans le centre d’un lieu, si ce lieu est carré, ce serait au milieu d’un carré, sinon au milieu d’un rectangle ou éventuellement au milieu d’un cercle. Tout ce qui est coupé dans la cabane est projeté sur le premier mur rencontré. Ça veut dire que cet espace intérieur est quelque peu bouleversé par le fait qu’il existe aussi à l’extérieur. Ici, l’effet est démultiplié par le fait que toute la pièce est entièrement recouverte de miroirs. Ce qui fait que, là, on est vraiment dans une espèce d’explosion à la fois réelle – tout ce qui manque ici se trouve collé sur le panneau situé en face – et en même temps, je ne dirais pas de l’ordre de l’illusion mais infinie grâce au jeu de miroirs qui est un autre matériau qui vient propulser la cabane dans tous les sens.

 

Que pouvez-vous nous raconter sur le deuxième acte de votre exposition, cet été ?

Daniel Buren:

Pour ça, il faudra revenir !

 

Propos recueillis par Anna Samson

Photo credits © DB-ADAGP Paris et  Cover par Jean Picon

 

 

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