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26.10.2015 #art

Fabrice Bousteau

L’art de faire découvrir

Je pense que si le Bal Jaune dure depuis dix-sept ans, c’est aussi parce qu’il cherche toujours à être découvreur

Son impulsion a changé radicalement les évènements mondains autour de la Fiac : Fabrice Bousteau a créé le Bal Jaune en 1997 avec Colette Barbier, fête mythique qui fait pulser l’art contemporain et révèle, depuis, les talents électroniques les plus pointus. Le rédacteur en chef de Beaux-Arts Magazine, qui avoue volontiers être un « boulimique » de connaissance et de création, nous a parlé de son parcours, de l’importance de la fête et du rôle de Paris dans l’art aujourd’hui. Rencontre.

Parlez-nous de votre parcours.

Avant d’être rédacteur en chef de Beaux Arts Magazine, j’étais ingénieur culturel : je concevais des concepts liés à la culture pour des entreprises et des villes. En parallèle, j’écrivais des comptes rendus de littérature pour Art Press, et je faisais de la radio chez BFM. Je suis devenu rédacteur en chef de Beaux Arts Magazine en 1997, un peu par un concours de circonstances, alors même que je trouvais le titre un peu trop bourgeois… Mais j’ai quand même proposé un projet de ce à quoi pourrait ressembler une version de Beaux Arts qui m’intéressait, et le directeur de Flammarion m’a nommé. Peu de temps après, j’ai commencé à faire de la radio chez France Culture, où à la demande de Laure Adler j’ai animé une émission qui s’appelait «Surexposition».

La Fiac est aussi un rendez-vous mondain avec pour apogée, le Bal Jaune dont vous êtes un des instigateurs. Quelle a été la genèse de cet évènement désormais mythique ?

Il y a dix-sept ans, j’ai fait le constat que l’art contemporain n’était pas du tout à la mode et que, d’autre part, il y avait une sectorisation encore plus forte qu’aujourd’hui dans le domaine de la création. Les gens qui s’intéressaient à l’art ne s’intéressaient pas à la musique électronique, et vice versa. Ces deux secteurs étaient alors en pleine effervescence et faisaient partie de mes centres d’intérêt importants. J’ai donc proposé à Colette Barbier de la Fondation d’entreprise Ricard d’organiser une fête annuelle au moment de la Fiac. Le but était de «glamouriser» la foire et de donner plus d’écho à l’art contemporain et à l’électro. Elle a adoré l’idée, c’est comme ça que le Bal Jaune est né, en 1997. Il avait alors comme particularité de faire un élément festif de rencontre et de convivialité entre créateurs, les invités étant en majorité des artistes, des musiciens, des designers, des architectes, des graphistes…

Quel en sont les enjeux ? Ont-ils changé depuis ses débuts, en 1997 ?

Aujourd’hui, l’art contemporain est devenu beaucoup plus populaire qu’auparavant, l’engouement ne vient plus simplement des collectionneurs mais aussi du grand public. C’est la même chose pour la musique électronique. Les objectifs sont donc atteints, mais je pense que si le Bal Jaune dure depuis dix-sept ans, c’est aussi parce qu’il cherche toujours à être découvreur, à montrer ce qui émerge (des artistes comme Houdini, ou Grand Brother par exemple). C’est une fête mythique qui dure comme aucune autre et la durée, c’est comme une veille qui rappelle en permanence à quel point la création est indispensable aujourd’hui. La fête n’est pas quelque chose d’inutile. C’est un peu comme l’art : on ne sait jamais à quoi ça sert, mais ça sert à quelque chose qui est essentiel à une société.

En tant que rédacteur en chef et homme de réseau, comment expliquez-vous que les « mondanités », le relationnel, soient aussi importants dans le monde de l’art ?

Quand un secteur de la création commence à séduire, il suscite de la mondanité, des médias… La mondanité n’est pas quelque chose de négatif, je trouve que c’est bien qu’il y en ait aujourd’hui. Cela donne un côté glamour dans le monde de l’art, c’est encore plus excitant.

Selon vous, quelle est la place de Paris aujourd’hui dans l’art contemporain ? On sent comme une renaissance avec une nouvelle scène créative et moins académique.

Paris revient de loin ! À l’époque où on a commencé le Bal Jaune, la Fiac était à la traîne par rapport aux autres foires. En 2002, j’avais même titré «Fiac : anniversaire ou enterrement?» en Une de Beaux Arts Magazine. Aujourd’hui, elle est la deuxième plus grosse foire du monde après Art Basel. Désormais, Paris, grâce à la Fiac et à la multiplication d’équipements culturels de grande qualité (le Palais de Tokyo, la Maison Rouge, la Fondation Vuitton…) est l’épicentre d’une réelle énergie. On voit d’ailleurs de plus en plus de résidences d’artistes étrangers. Paris est devenue une véritable capitale de la création contemporaine.

Quel a été le moment fort de la Fiac cette année ? Y a-t-il des artistes / œuvres qui sont à vos yeux sortis du lot ?

Ce n’était peut-être pas la Fiac elle-même, mais Paris Internationale, une autre foire créée par un collectif de galeries à Belleville et d’Europe dans un Hôtel Particulier, avec un système un peu différent centré sur la déambulation. La Fiac suscite à présent de la création de la part d’autres acteurs, c’est ce qui est excitant.

Vous êtes aussi commissaire de l’exposition «Tu dois changer ta vie», actuellement au Tripostal à Lille…

Dans mes multiples activités, j’ai toujours fait du commissariat d’exposition. Je crois beaucoup aux espaces. Je conçois toutes mes expositions comme des voyages à faire. Le Bal Jaune, par exemple, est très scénographié, il y a des surprises tout le temps, des petits concerts un peu partout… Avec «Tu dois changer ta vie» (dont le titre vient d’un livre de Peter Sloterdijk), j’ai voulu montrer comment les artistes (ici, Cécile Beau, Christophe Berdaguer…) nous donnent des chemins pour changer notre vie. Et pour changer notre vie, il suffit de changer une petite chose, c’est l’effet papillon pour que tout se transforme. C’est aussi une vision optimiste, car je suis un optimiste patenté, c’est pour ça que je crois en la fête !

À l’ère des réseaux sociaux, l’art contemporain est-il voué à se vulgariser ? Bonne ou mauvaise chose ?

Je trouve que les réseaux sociaux aujourd’hui participent au développement de la connaissance de la création. Si je prends l’exemple de la Biennale d’Istanbul qui a eu lieu en septembre : deux jours après l’ouverture, on a vu circuler grâce aux réseaux sociaux les œuvres les plus significatives. C’est assez génial car ça permet à tout le monde de voir une Biennale à l’autre bout du monde. Ce flux d’images intéresse d’ailleurs des artistes. Ça donne une immédiateté à la création qui est forte, et ce n’est pas uniquement quantitatif, car cela dépend de son réseau à soi. La mondialisation de la création en devient beaucoup plus forte, sans pour autant entraîner son uniformisation.

 

Propos recueillis par Sabina Socol.

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