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20.07.2022 Paris #musique

Film Noir

Palpitant

“Ce sont ces moments de palpitations, ces condensés de vie, quand parfois des mois de vécu viennent se mêler dans une seule expérience, où le cœur palpite”.

Vous connaissez sûrement ce duo de musiciens français : la muse, chanteuse et auteure-compositrice, Joséphine de la Baume, et son frère, le génie musical, Alexandre de la Baume. Elle chante et écrit des textes mélancoliques, lui, les sublime et l’accompagne musicalement. Bref, ils se complètent parfaitement. Ils font partie de la nouvelle vague des musiciens français, qui a redéfini la scène de la pop française au début des années 2010s : leur premier projet Singtank, un groupe indie rock, a fait beaucoup de bruit sur la scène internationale (à l’époque, Joséphine était mariée au chanteur britannico-américain Mark Ronson). Après une pause créative, (passionnés par le cinéma, tous deux travaillent aussi pour le septième art, lui compose pour les BO et elle, joue la comédie), ils se lancent dans une nouvelle aventure, Film Noir, encore plus rock, brute et dramatique, et signent leur premier album « Palpitant ». Du son live aux rythmes glamour punk (l’album a été enregistré « à l’ancienne » en prises directes, en douze jours), aux clins d’œil au cinéma noir, leur musique raconte des histoires extrêmes et presque vraies, entre la vie et la mort, quand le cœur palpite… On a rencontré le duo à l’Hôtel Grand Amour, où ils nous ont parlé de ce nouveau projet la veille de leur live au Silencio des Prés.  

Vous êtes frère et sœur, est-il dur de créer de la musique avec les plus proches ? À quel moment avez-vous décidé de créer ensemble ?

Alexandre : Cela s’est fait très naturellement. On est entraînés à gérer des situations conflictuelles, on a une vie entière derrière nous (sourit). 

 

Joséphine : On se connait tellement bien qu’on sait où l’autre veut aller. Au départ, on composait à la maison, pour rigoler et petit à petit on a eu le sentiment qu’il y avait de plus en plus de choses, que c’était plus sérieux. On a fait écouter notre musique, on a rencontré des gens, et de fil en aiguille, on a travaillé avec Nellee Hooper, qui avait produit Massive Attack, Björk, No Doubt, U2 et puis on a signé chez Warner ! Et on a fait deux albums. 

Votre nouveau projet s’appelle Film Noir. Pourquoi ? 

Alexandre : En fait, à la fin de la tournée du deuxième album de Singtank, on a fait une pause. Moi, j’ai commencé à faire pas mal de musique de films, et Joséphine était pas mal prise par son travail d’actrice. Mais à un moment, elle est revenue me voir avec de très beaux textes, personnels, qui inspiraient une musique plus directe, que j’avais envie d’interpréter sur scène, avec un vrai groupe de rock.  

 

Joséphine : Et avec beaucoup de lives ! Et puis, j’avais envie qu’on écrive les mélodies ensemble. 

 

Alexandre : Bien que ce soit des textes très personnels, il y a toujours des éléments cinématographiques, scénarisés. C’est comme si Joséphine écrivait le scénario de sa vie, en sublimant les situations, en les mettant sur grand écran. Avec quelque chose d’assez sombre et d’assez viscéral, tout est noir.

Pensez vous qu’il faille être triste pour écrire de belles chansons ? 

Joséphine :  Je pense qu’il faut traverser quelque chose en tout cas. Je ne sais pas si c’est forcément de la tristesse, ça peut être de la rage, mais, personnellement, j’arrive mieux à écrire quand cela ne va pas. 

 

Alexandre : Quelque chose s’en ressent dans l’urgence d’une émotion à traduire qui peut être un moteur créatif très fort.. 

 

Joséphine : … écrire, dans ces moments-là, c’est comme une nécessité, une survie.

Toutes les histoires sur cet album sont-elles vraies ? 

Joséphine : Plus ou moins, chaque histoire est basée sur une histoire que j’ai vécue, soit sur une facette de moi-même, soit l’un des personnages qui en fait partie, comme une nouvelle ou un petit scénario. Quand j’écris les paroles, c’est à la fois basé sur ce que j’ai vécu, mais souvent j’ai des images de films que j’ai aimés, de documentaires. Cela part de moi, mais ensuite ça bascule vers autre chose. Cet album, c’est plein de petites nouvelles sur des personnages en situation de crise, et ça explore soit le geste héroïque avec lequel ils traitent de la situation, soit, au contraire, la tentative complètement échouée de ce geste, de manière un peu cinématographique, mythologique. Et dans chacune des histoires, c’est une question de vie ou de mort. 

 

Parlez-nous de votre premier album ! Pourquoi “Palpitant” ?

Alexandre : Alors, l’album s’appelle “Palpitant”, et  il y a une chanson qui s’appelle “Pen Palpitant”, c’est la première. En revanche, je ne dirais pas que c’est la « principale », parce qu’il n’y a pas une chanson qu’on met en avant plus qu’une autre. C’est vraiment une série d’histoires qui se complètent, qui sont assez différentes. Le mot “palpitant” semblait juste pour décrire ces situations de crises extrêmes, dans lesquelles tout s’emballe, ces situations de vie où justement notre coeur palpite et on se retrouve un peu face à ses propres contradictions, des difficultés face auxquelles il faut être complètement soi-même ou succomber en quelque sorte. Ce sont ces moments de palpitations, ces condensés de vie, quand parfois des mois de vécu viennent se mêler dans une seule expérience, où le cœur palpite.

En quoi ce nouveau projet est-il différent de votre premier groupe Singtank ?

Alexandre : Il y avait une dynamique différente, c’était plus comme un terrain de jeu pop, on s’amusait. 

 

Joséphine : Singtank était plus construit en studio, on faisait d’abord l’album et après le live. Avec Film Noir aujourd’hui, il y a plus l’idée de groupe. Même si c’est d’abord Alexandre et moi, certaines chansons sont écrites par tout le groupe, c’est une vraie collaboration avec d’autres musiciens. En plus, l’impulse est différent, ça vient d’une veine plus agressive, plus cathartique. Et on écrit, enfin en français.

Comment avez-vous trouvé vos autres membres du groupe ? 

Alexandre : Quand on a commencé le projet tous les deux et on a ressenti le besoin de développer le projet en groupe. Et on a commencé à jouer ensemble avec d’autres musiciens, et avec ces trois personnes-là, en particulier (Martin Rocchia, Victor Le Dauphin et Guillaume Rottier), il y avait un déclic immédiat, une amitié à la fois personnelle et musicale, et aussi une évidence dans la compréhension de ce que racontaient des chansons. Bien que les textes soient les histoires personnelles de Joséphine, tous les membres du groupe s’y retrouvent. C’est très important, pour pouvoir les jouer sur scène. On voulait à tout prix éviter cette approche : je joue ma partie, je rentre chez moi, et basta. Il fallait qu’on puisse tous ressentir ce que l’on interprète. On est devenu très proche, chacun comprend de quoi il parle, et j’espère que ça se ressent aussi bien sur le disque, que sur scène. 

Pourquoi avez-vous décidé de l’enregistrer en prises directes ?

Alexandre : On voulait avoir ce côté brut de nos interprétations, on voulait montrer comment on ressent cette chanson à un moment donné, parce que cela ne sera jamais pareil. On voit l’essentiel : la chanson est prise en direct, après on ne va pas s’interdire de rajouter sur certains morceaux des violons ou des saxos – on le fait plus tard. Mais que la base de la chanson et son architecture soient prises en direct, cela permet cette immédiateté, cette sincérité dans le geste musical qui peut exister dans un enregistrement studio, mais qui ne sera pas pareil, il n’y aura pas de petites imperfections, le vécu direct. 

Comment savez-vous que c’est la bonne prise ?

Alexandre : On en fait plusieurs jusqu’au moment où on a la sensation que c’est la bonne ! En même temps, cela donne une exigence, quand tu as moins de temps pour les détails, sur le moment tout le monde est archi concentré, on sait qu’il faut trouver la bonne prise. On ne peut pas se dire : bon, pas grave, je le ferai plus tard. Il faut que ça soit bien tout de suite. 

Une chanson parmi les 12 sur l’album a été faite tout de suite ? 

Alexandre : « Circus ». Évidemment, et c’est l’une des plus compliquées ! 

 

Joséphine : C’était à la fin du Covid, mais c’était encore très restreint. On est partis à Londres. On ne pouvait pas sortir à cause des restrictions, et on a passé beaucoup de temps dans le studio. Tout le monde était en train de devenir un peu fou, après avoir passé tellement de temps ensemble… On était dans le noir, on a mis les disco lights, on a un peu bu… Et c’est vite arrivé, en deux prises on l’avait enregistrée !

 

Alexandre : Oui, direct ! On s’est dit qu’on ne ferait pas mieux. Parfois si on essaie et réessaie, on ne retrouve jamais l’énergie de la première ou de la deuxième prise. Comme on était très content, on s’est dit : ça y est. 

 

Vous êtes Parisiens, mais vous avez enregistré votre premier album à Londres. Pourquoi ? 

Joséphine : Je vis en partie à Londres. Nos producteurs Jamie Neville et Ben Romans-Hopcraft, qui avaient travaillé avec les groupes qu’on aimait bien comme Fat White Family ou Insecure Men, y vivent aussi. On se connait depuis longtemps, et on a commencé à discuter, et Ben était emballé par le projet et nous on avait envie de travailler avec lui. Du coup, on a travaillé dans le studio de Jamie (il est notre ingénieur son sur ce projet) au Sud de Londres, en dessous de Brixton. C’est chez lui qu’on vivait, dormait, travaillait. C’était un confinement créatif. Ça aurait pu être un cauchemar mais ça s’est révélé être assez génial. 

Quand on parle de vous, on mentionne souvent votre langue, franglais, pourquoi avez-vous décidé de chanter à la fois en anglais et en français ? Par exemple, dans l’histoire d’un soir…  Quel est votre rapport avec les deux langues ?

Joséphine : Cet album est écrit principalement en français, donc on essaie le plus possible d’écrire en français. Après il y a certaines mélodies qui se marient mieux avec l’anglais. Parfois aussi, parce que l’histoire ou la personne à laquelle je m’adresse ou que j’imagine, parle anglais. Et parfois c’est dur de traduire. 

 

Alexandre : Ce sont deux langues qui sont musicalement différentes, elles n’ont pas du tout la même sonorité. Parfois, c’est plus un choix musical, l’anglais est très percussif, très pop. Et le français est un peu plus analytique, c’est une langue qui permet d’être plus précis dans l’expression des sentiments. Voilà, c’est génial d’avoir cette liberté. À la fois on voulait privilégier le français, parce que justement il reste notre langue maternelle, mais on veut se laisser cette liberté… C’est comme choisir entre la guitare électrique et l’acoustique.  

Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’être Parisien ?

Alexandre : On a grandi à Paris. Pour ma part, je dirais que ce n’est pas que des qualités, il faut bien le dire, mais s’il y en a c’est déjà une forme d’exigence. C’est une ville qui a une histoire artistique, créative et colossale. Être parisien c’est côtoyer régulièrement des choses incroyables, et cela peut être écrasant. Quand on se lance jeune, on est forcé de se mesurer tout de suite aux plus grands. Mais ça donne aussi une exigence, une ambition de se surpasser, de faire de belles choses, le mieux possible. C’est la maladie du parisien, un esprit critique un peu extrême. 

 

Joséphine : Et moi, j’aime bien avoir le cul entre deux chaises (sourit). J’ai l’impression que ça me permet d’apprécier d’autant plus Paris quand je rentre de Londres, parce que je sais que je peux en partir aussi. Je suis complètement charmée, je vois tout l’aspect romantique de Paris quand je rentre. Mais, oui, je me sens Parisienne. 

Pourquoi avez-vous choisi l’Hôtel Grand Amour pour notre shooting ? Et où pourrait-on vous croiser le plus souvent à Paris ?

Joséphine : Comme notre studio est juste à côté, on est souvent rue du Faubourg-Saint-Denis. Ici ou chez Jeannette, par exemple. Après, c’est juste à 10 minutes à pied de la Gare du Nord, pratique quand je reviens de Londres. 

 

Alexandre : C’est vrai, on est pas mal dans ce quartier, dans le 10ème, à Château d’Eau. 

Joséphine, tu travailles beaucoup avec des marques de mode. On t’a vu notamment à Cannes à la soirée Miu Miu. Que penses-tu de la relation entre le monde de la musique et la mode ? 

Joséphine : Aujourd’hui, je travaille de moins en moins avec les marques, cela reste très ciblé. C’est important que la mode soutienne financièrement la musique, c’est un milieu très difficile, donc heureusement que ce lien existe, il y a du placement de produit possible, des synchros, des campagnes ….

 

Alexandre : … des fêtes (rit). Effectivement, l’industrie de la mode a un rôle de mécène pour la musique, qui peut être salvateur. C’est hyper variable dans la musique, il y a des périodes où cela se passe bien, il y a des concerts, de la radio, et d’autres qui sont consacrées à la création, et c’est à ce moment là justement que l’on a besoin de soutien. La mode reste un milieu créatif donc la relation est différente de celle qu’on entretient avec une banque. 

 

Joséphine : Beaucoup de designers comme Hedi Slimane ou Alessandro Michele, qui ont un penchant particulier pour la musique, ont soutenu et mis en avant des artistes plus confidentiels. C’est une jolie collaboration. Ces deux mondes étaient plus divisés à l’époque, aujourd’hui ils travaillent beaucoup ensemble. 

Où pourrait-on vous voir en live ?

Alexandre : Après le confinement on a choisi de sortir l’album assez vite, parce qu’on l’a enregistré en 2021. Sorti des limbes de la période précédente, on a voulu qu’il vive. Et la tournée se fera un peu plus tard, en automne-hiver, en France, Angleterre, Belgique, Allemagne. On va bientôt annoncer des dates, et on travaille déjà sur le deuxième album ! C’est un processus constant, on n’arrête jamais.

 

Interview : Lidia Ageeva

Photos : Jean Picon

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